N’est pas Mérimée qui veut

Publié le 24 septembre 2017 par Podcastjournal @Podcast_Journal
Rédacteurs et stagiaires: cliquez sur cette barre pour vous connecter en back-office de la rédaction! Recherche par tags (mots-clés) Recherche d'évènements (agenda) Une des stratégies les plus connues de ceux qui gouvernent, c’est évidemment depuis Philippe de Macédoine, diviser pour mieux régner. Opposer les scientifiques, c’est-à-dire ici les historiens à un haut représentant de la société de communication dans laquelle nous évoluons, en l’occurrence Stéphane Bern, grand spécialiste de l’histotainment, néologisme inventé par l’historien Nicolas Offenstadt, est un coup de maître.

Il est vrai que de prime abord, cette décision prête à sourire. Comment confier cette mission à un homme qui n’a jamais fait d’études d’histoire? Qui d’après lui d’ailleurs, a essayé, mais n’a pas supporté le cadre universitaire. La réaction d’inquiétude par conséquent du corps scientifique est légitime. D’autant que tout un chacun est conscient que notre président de la République remercie ainsi un de ses meilleurs soutiens lors de sa campagne. Pour Stéphane Bern, l’occasion est trop belle pour qu’il la manque, pouvoir enfin se venger de toutes les moqueries des scientifiques dont il est régulièrement la victime. Il aurait tort de se gêner, l’époque lui donne une merveilleuse occasion de se comparer ni plus ni moins qu’à Prosper Mérimée.

Mais le nouveau responsable du patrimoine ne s’en laisse pas compter pour autant. Il sait parer les coups et en donner. Toutefois, ses arguments sont fallacieux. En effet, comment reprocher aux historiens de ne pas avoir fait le travail alors que l’on sait très bien que les caisses sont vides. Pour restaurer de vieilles pierres, Bern est d’ailleurs le premier à le dire, il faut de l’argent et beaucoup. Aussi reprocher aux professionnels de ne pas avoir bien travaillé et les rendre responsables de la situation est au minimum injuste voire captieux.Tenant à être rassurant, il va faire cela bénévolement, chez lui, ne prenant ainsi la place de personne. Alors dans ce cas, comment peut-il faire mieux que personne? Bon en même temps, faire la liste des monuments et des bâtiments en péril, ce n’est pas non plus très compliqué.

En constatant lui-même qu’il n’y a plus de subventions publiques, l’animateur télé, historien amateur et nouveau responsable du patrimoine en péril met le doigt sur toute l’ambiguïté de notre système. Stéphane Bern serait-il aussi capable de multiplier l’argent public par sa seule présence? Serait-il capable comme il l’a fait pour ses biens immobiliers de générer par sa seule présence un intérêt, une motivation auprès de ceux qui en temps ordinaire ne s’y intéresseraient pas du tout? Exactement, il peut le faire! Et il le fait. Stéphane Bern tout comme Lorant Deutsch auquel on pense de suite dans le cadre de cette polémique, sont des hommes de leur époque. Une époque de communication, de médias, de reconnaissance d’une notoriété qui n’est pas scientifique mais liée à l’amusement, à l’entertainment en bon français… Encore une fois que l’on aime ou pas, c’est ainsi. Le superficiel est plus à la mode que la science. Le but de l'Élysée est simple, utiliser la notoriété de Stéphane Bern pour proposer des pistes nouvelles pour le financement de ces rénovations que l'État n'a plus les moyens d'assumer. Et qui seront ces nouvelles pistes si ce n’est les entreprises à travers le mécénat et vous et moi à travers les dons?

Et que l’animateur télé commette une erreur en précisant que l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 imposait le français comme langue officielle dans tout le royaume de Français 1er, qui s’en soucie? Mis à part, ceux qui ont fait de l’histoire leur passion professionnelle au service de la vérité historique. Peu de monde à dire vrai. On peut le déplorer mais c’est ainsi…