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Irving Penn au Grand Palais, une vie en noir et blanc

Publié le 23 septembre 2017 par Miss Acacia @GrainedAcacia

Irving Penn au Grand Palais, une vie en noir et blanc

Le Grand Palais fait une rentrée en beauté en fêtant le centenaire de la naissance d'Irving Penn, l'un des plus grands photographes du XXe siècle. Cette exposition, organisée par le Metropolitan Museum of Art et la Réunion des musées nationaux - Grand Palais, en collaboration avec The Irving Penn Foundation, se déroulera du au

Même partie vivre à Lyon, je suis ravie de recevoir encore les invitations aux inaugurations du Grand Palais. C'est à chaque fois l'occasion de m'émerveiller devant des oeuvres incroyables, toujours parfaitement mises en scène par le Grand Palais. J'ai donc profité de ma soirée parisienne hebdomadaire pour découvrir la grande rétrospective consacrée à Irving Penn à l'occasion du centenaire de sa naissance.

La première grande rétrospective en France

Avec plus de 230 clichés originaux, le Grand Palais nous offre pour la première fois en France une véritable rétrospective de la carrière du photographe. On peut ainsi découvrir des séries emblématiques comme celle consacrée aux petits métiers en voie de disparition à Paris, Londres et New York dans les années 1950. Ou encore ses portraits de célébrités, ses nus (très... particuliers), ses photos de mode. L'exposition se penche sur toutes les facettes d'Irving Penn, et toutes les époques. L'exposition est d'ailleurs organisée dans un ordre chronologique et thématique.

On découvre un artiste incroyable, un photographe " complet ". En effet, il fut à la fois un immense portraitiste, un photographe de mode génial, un photographe documentaire unique, un grand artiste du nu ou de la nature morte.

Bien sûr, il est surtout célèbre pour ses photos réalisées pour le magazine Vogue pendant plus de soixante ans, soit 165 couvertures ! Mais il est bien plus que cela. Il passa sa vie à observer les visages, les silhouettes, les postures pour en saisir la personnalité. Jouant avec les ombres et la lumière, il donne le relief d'une sculpture à chacun de ses portraits.

J'ai toujours été fasciné par l'appareil photo. Je le reconnais pour l'instrument qu'il est, mi-stradivarius, mi-scalpel.

Le travail de l'artiste pendant 60 ans peut être vu selon 6 grands thèmes.

Ses débuts dans les années 40

Irving Penn immortalise alors New-York ou Philadelphie en photographiant des devantures du 19e siècle, des enseignes peintes à la main ou des panneaux de signalisation mais en les coupant totalement de leur environnement. Il veut ainsi témoigner de l'atmosphère de la grande dépression économique.

Il se tourne également vers la nature morte d'objets divers, disposés de sorte à flatter l'œil du lecteur et à exciter son sens du toucher. On retrouve dans son travail l'influence de Walker Evans, un photographe qui a catalogué ce qui, à ses yeux, contribue à forger l'identité de l'Amérique. Influence qui réapparaît dans les années 60, lorsque Irving Penn se met à photographier des mégots. Evans a en effet consacré des séries entières à la récolte photographique de détritus gisant dans les caniveaux, les rues et les poubelles.

Le magazine Vogue et la mode

Lorsqu'il intègre l'équipe de Vogue, Irving Penn n'ambitionne pas de devenir photographe
de mode. Pourtant cette collaboration va lui offrir d'immenses opportunités pendant 60 années et révéler son talent de photographe.

Contrairement à d'autres photographes, Irving Penn va aller vers une grande sobriété de la mise en scène. Il réduit les artifices au strict minimum et délaisse les ornements pour mieux se concentrer sur les vêtements qu'il photographie. Mises en valeur par la présence physique des mannequins qui posent dans des décors minimalistes (bien souvent une simple grande toile), leur coupe, leurs lignes ou leur texture deviennent le sujet principal de ses photos.

En 1953, il s'éloignera temporairement de la mode pour se consacrer à la publicité. Une de ses photos les plus célèbres fut pour l'Oréal, cette magnifique bouche peinte de différentes couleurs.

Des portraits existentiels et classiques

Après la guerre, Irving Penn reprend son travail pour Vogue. Alexander Liberman, le directeur artistique, lui demande de réaliser une série de portraits de personnalités (peintres, sportifs, danseurs, comédiens...). S'il n'a pas le choix des modèles, on lui donne carte blanche pour le décor. L'artiste va les mettre en scène dans l'angle de deux cimaises fixées sur un châssis. Ce décor très neutre dans lequel ils se retrouvent comprimés devient alors le réceptacle d'une présence qui se doit d'être puissante pour exister.

Pendant la série, il met en place un second dispositif émerge : un vieux tapis étalé sur des caisses, dessinant un horizon désertique de grisaille poussiéreuse. Entre mise en cage et mise au ban, cette esthétique fait écho aux angoisses mûries pendant la guerre et aux questionnements
philosophiques de Jean-Paul Sartre sur le sentiment d'abandon et la liberté de choix face à la contrainte.

Une fois sa réputation de portraitiste établie, Irving Penn délaisse ces dispositifs pour aller vers plus de concision. Influencé par le peintre Henri de Toulouse-Lautrec, il pense que l'arrière-plan ne doit pas détourner l'attention du caractère du modèle. Dans les Portraits classiques, l'artiste va utiliser des fonds neutres permettant de laisser rayonner la personnalité du sujet.

Les petits métiers

En 1948, Vogue l'envoie à Lima au Pérou avec plusieurs kilos de vêtements pour suivre le mannequin Jean Patchett dans les rues de la capitale péruvienne. Irving Penn choisit de prolonger son séjour et s'installe seul à Cuzco où il loue le studio du photographe local. Il laisse la porte ouverte et attend que les habitants viennent poser, pieds nus, devant son objectif.

Le photographe moderne [...] retrouve une part de lui-même dans chaque chose et une part de chaque chose en lui-même.

De là va naître l'idée de portraits dits " ethnographiques " qu'il réalise de 1967 à 1971. Il se
lance dans une série sur les petits métiers, aux antipodes de l'ambiance frivole des défilés de mode. Dans le studio qu'il occupe, entre les livraisons de couturiers et les séances de poses avec les mannequins, il accueille des personnages pittoresques. Munis de leurs outils, artisans et commerçants viennent poser dans leurs uniformes, célébrant la mémoire vivante de Paris et son folklore désuet. Avec cette série on découvre des métiers parfois disparus (comme le rémouleur ou le marchand de concombres...). Il élargit ensuite sa série à Londres, dès septembre 1950, puis à New York.

Le monde sous une tente : photographies de voyage

A la demande de Vogue, Irving Penn va réaliser de nombreuses photos de voyage : en Papouasie
Nouvelle-Guinée en 1970, puis au Maroc en 1971. Ces images témoignent de la fascination romantique de l'artiste pour les parures, les ornements corporels et les coutumes mystérieuses des peuples qu'il rencontre. Ces photos ne sont pas à proprement parler ethnographiques car les sujets apparaissent sur des fonds neutres, isolés de leur environnement socioculturel. Comme toujours dans le travail de Penn. Une façon, encore, de mettre le focus sur les personnages et non le décor.

Alors qu'il utilisait des pellicules aussi bien couleur que noir et blanc lors de ses voyages, Irving Penn n'a fait quasiment aucun tirage en couleur à partir de ses clichés. De toute évidence, il préférait le noir et blanc. Ce que je comprends car cela donne encore plus de relief à ses photos et donne, en particulier, une intensité incroyable aux portraits.

Des nus anti-glamour

Irving Penn disposait de son propre studio, ce qui lui a permis de mener quelques expériences réalisée parallèlement (et en toute liberté) à ses commandes pour Vogue. Il réalise une série de Nus qui va fortement déplaire par sa rupture avec le canon féminin et l'esthétique de papier glacé véhiculée dans la presse.

Pour commencer, il choisit de travailler avec les mannequins qu'il connaît. Mais très vite il veut sortir des canons de beauté et poursuit progressivement les séances de pose avec des modèles plus ronds qui offrent des volumes plus sculpturaux. Le résultat est rendu quasi abstrait par le choix d'une technique de tirage qui anéantit tout réalisme, en conférant un aspect poudreux
et granuleux à ses clichés. Ce procédé technique consiste à détruire les colorants et à surexposer l'image au moment du développement, ce qui affaiblit la précision de l'image, comme la recouvrant d'un voile.

Ces photos sont très particulières, parfois même un peu dérangeantes par ce qu'elles représentent. mais c'était justement l'objectif de Penn avec cette série. Bousculer les clichés sur la beauté des corps féminins : les corps sont tordus, les chairs flasques et non ultra minces comme ceux des mannequins.

Irving Penn en quelques images

Au début de ma visite je me suis posée la question des photos. Y-avait-il un intérêt à photographier les clichés d'un artiste de grand talent. Et en plus avec un téléphone. Oui je sais... sacrilège qui ne rend pas forcément honneur à l'artiste. Puis j'ai pensé à vous, mes lecteurs qui ne vivaient pas à Paris (oui oui il y a un monde au-delà du périph). J'ai eu envie de vous offrir quelques images pour illustrer ce (long) billet et pour vous permettre d'y être un peu quand même. Alors voici une sélection (très difficile) juste en dessous, et beaucoup plus d'images dans cet album : Irving Penn au Grand Palais.

Pour celles et ceux qui vivent à Paris ou qui auront l'occasion d'y aller avant le 29 janvier 2018, il faut ABSOLUMENT aller voir cette expo. Vous passerez un merveilleux moment (environ deux heures de visite) devant tant de beauté et de talent.

Grand Palais
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Tous les jours, sauf le mardi, de 10h à 20h et en nocturne jusqu'à 22h le mercredi.

Un seul artiste me paraît se marier à merveille à l'univers d'Irving Penn (en particulier pour les photos de mode et les portraits)... Bonne écoute.


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