Laurence Dionigi : Tequila et sombrero

Par Gangoueus @lareus


Peut-on parler de nouvelles ? Elles sont tellement courtes… Il me faut revoir la définition d’une nouvelle et vérifier si le genre impose un nombre maximal de signes pour qu’on puisse parler de nouvelles. Mais tout cela n’est que bavardage puisqu’il y a une dimension de ce genre littéraire que l’écrivaine française Laurence Dionigi utilise à merveille, c’est la chute...
Tequila et Sombrero rassemble plusieurs nouvelles qui ont pour cadre le centre du Mexique, Cancun, le Chiapas. Mais, des histoires peuvent se passer à Tijuana à la frontière américaine ou à Mexico. Souvent dans un arrière-pays et Laurence Dionigi met en scène des croyances propres puisant à la fois dans le catholicisme, le chamanisme, les philosophies maya ou aztèque. Et il ne sera pas exagéré de dire que certaines pratiques sont déroutantes sans être totalement exotiques pour votre modeste lecteur. 
Dans le fond, la chute nous permet de comprendre des choix singuliers. Comme cette petite fille qui, cachée derrière une porte, découvre les hommages rendus à son grand père qu’elle ne connaissait pas. Et pour cause, celui a été exhumé pour satisfaire à un rituel régulier et un peu morbide. La relation avec les morts est très présente, très lourde. Le chamanisme offre à un homme de tenter de renouer un lien avec son défunt père, cela pour la paix d’une possible renonciation post mortem. Plusieurs nouvelles touchent à cette spiritualité.
La place des religions africaines est grandissante comme la santéria ou le vaudou, même si le Mexique n’a pas connu de présence noire significative. Mais nous ne sommes pas loin des Caraïbes…

Laurence Dionigi nous parle aussi au travers de ces nouvelles du contraste entre les différentes classes sociales mexicaines. La première nouvelle est de ce point de vue d’une violence extrême et peut renvoyer à une série télé produite par Eva Longoria, Devious maids, une histoire entre domestiques et propriétaires terriens… C’est l’immigration clandestine aussi, les passeurs, les enfants des rues à Mexico…
Ce recueil se lit rapidement. On y ressent les observations justes sans jugement de Laurence Dionigi, sans hauteur, parfois avec un peu de surprise. Des mots qui traduisent une longue écoute des valeurs qui portent ce Mexique pluriel. Et surtout elle ne tombe pas dans l'exotisme facile. J’ai apprécié ce nouveau voyage dans ce pays où Sami Tchak m’avait invité, il y a quelques années dans Filles de Mexico, en particulier à Tepito. Merci Laurence.  
Laurence Dionigi, Tequila et sombreroNouvelles pimentées du Mexique d'aujourd'huiEditions Edilivre, première parution en 2010