Le poète et éditeur américain Larry Fagin est mort le 27 mai 2017. Le poète et traducteur Martin Richet propose ici un dossier en son hommage, présentation et traductions inédites de quatre poèmes.
Larry Fagin, né le 21 juillet 1937, grandit à New York, à Hollywood et en Europe. Il commence à s’impliquer dans l’écriture en 1957, rencontre David Meltzer à Los Angeles, Allen Ginsberg, William Burroughs et Groegory Corso à Paris. En 1962, il fait partie du cercle de Jack Spicer à San Francisco et se lie d’amitié avec Michael McClure, Philip Whalen et Robert Duncan. En 1965, il part pour Londres où il vit deux ans et rencontre sa première femme, Joan Inglis. De retour à New York, il fonde la revue et maison d’édition Adventures in Poetry (il fait paraître douze numéros de revue et trente-sept livres de 1968 à 1975, et publie, notamment, des ouvrages de John Ashbery, Ted Berrigan, Bill Berkson, Clark Coolidge, Edwin Denby, John Giorno, Bernadette Mayer, Frank O’Hara, Ron Padgett, James Schuyler et Jack Spicer). En 1975, avec la danseuse Barbara Dilley, il fonde le programme Danspace à l’église Saint Mark, qu’il dirige pendant cinq ans. Simultanément, il enseigne l’écriture au Poetry Project et au Naropa Institute. C’est à Naropa qu’il rencontre et épouse l’auteure Susan Noel. En 2000, il relance les éditions Adventures in Poetry (et y fait, entre autres, paraître des livres de John Ashbery, Miles Champion, Clark Coolidge, Jean Day, Carla Harryman, Lyn Hejinian ou Kit Robinson) et dirige la revue Sal Mimeo. Parmi les livres récents de Larry Fagin figurent Dig & Delve (Granary Books, 1999), Complete Fragments (Cuneiform Press, 2012) et Eleven Poems for Philip Guston (Granary Books, 2016). Il meurt à New York le 27 mai 2017.
Traduction Martin Richet
Les poèmes présentés ici sont encore inédits en anglais. Grand merci à Miles Champion.
Copyrights ayant droits, traducteur
Mon entropie préférée
Les étoiles sont grandes et brillent la nuit. Je n’ouvrirais pas ça là-dedans. Sauve-toi. Montaigne dit qu’il faut se prêter à autrui mais se donner à soi. Or dans Vivre sa vie la distinction entre « prêter » et « donner » est éliminée. Je ne comprends pas. Comment privilégie-t-on là le moi au dépens d’autrui ? Tu as besoin d’un porte-clé pour rentrer chez toi. Puis la bombe détone. Jeter tout ce qui a déjà servi une fois.
Betty : Est-ce que ça porte bonheur ou malheur de croiser un chat ?
Le gardien : Tout dépend de ce qui arrive après.
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Moira Dryer
Une ampoule a claqué. Une porte est contraire, à passer. Ce que les portes comprennent c’est la poussée. Pour citer le grand George « Foghorn » Winslow, « ce qui adoucit est à éviter ». À crayonner. Que le crayon tombe du bureau. J’embrasse son empreinte digitale bleue. Partons, vous par ici, nous par là. Mais une fois sortis du monde, devons-nous revenir nous y troubler, encore et encore ? Mieux vaut rester là où on est. Composez ce numéro, giron de famille, au secours. Mais qui se souvient de Maman ?
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Re
Les roses sont rouges ou blanches. La matière grise raconte l’histoire du paradis où fleurissent les roses. J’ai beau rêver en vain, ma douce, le cœur est une artère. Lorsque je reprends conscience, c’est un cas d’école d’hémorragie cérébrale. Et je me dis, fantastique, les rêves n’ont pas de fin. Mais pour le moment la vie arrive à travers nous, bras, jambes et thorax.
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Quasisensé
Cela peut maintenant se dire. Le ciel t’a touché le crâne. Quasiment. Qui a dit que tout était « en partie » ? Et la mort ? J’y suis ouvert, ou plutôt entrouvert. Puis tout s’équilibre. Je me souviens maintenant, c’était mon vieux prof de dessin, M. Jensen. Les étoiles sont tombés sur terre. Les choses atterrissent où elles doivent atterrir. Jamais entendu parler de toi. Tu peux dormir sur le canapé. On gèle ici. Une façon de te réchauffer serait de t’immoler. Enfile au moins tes chaussettes.
Photo de Larry Fagin, © Pieter M. Van Hattem, source