Voici que le silence a les seules paroles
Qu’on puisse, près de vous, dire sans vous blesser ;
Laissons pleuvoir sur vous les larmes des corolles ;
Il ne faut que sourire à ce qui doit passer.
À l’heure où fatigués nous déposons nos rôles,
Au même lit secret les dormeurs vont glisser ;
Par chaque doigt tremblant des herbes qui nous frôlent,
Vous pouvez me bénir et moi vous caresser.
C’est à votre douceur que mon sentier m’amène.
De ce sol lentement imprégné d’âme humaine,
L’oubli, lent jardinier, extirpe les remords.
L’impérissable amour erre de veine en veine ;
Je ne veux pas troubler par une plainte vaine
L’éternel rendez-vous de la terre et des morts.
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Marguerite Yourcenar (Bruxelles, 1903 – Northeast Harbor, Maine, 1987) – Les Charités d’Alcippe (Liège, La Flûte enchantée, 1956)