Dans Le syndrome de la vitre étoilée, nous rencontrions Stéphanie qui essayait désespérément d'avoir un enfant avec Guillaume, avant de mettre fin à son couple pour une renaissance aux côtés de Luc. Dans Linea Nigra - qui peut se lire indépendamment du précédent - nous retrouvons la jeune femme et son parcours de vie de la conception à l'accouchement, avec toutes les interrogations inhérentes sur le couple, l'amour maternel, mais surtout sur l'accompagnement de la femme enceinte et sa prise en charge par les professionnels de santé.
La jeune Stéphanie ressent une angoisse et les échos du monde médical ne la rassurent guère :
"La césarienne permet aux hommes d'avoir encore un peu de domination sur le corps des femmes, ces femmes si puissantes, ces femmes qui pourraient se passer d'eux bien souvent." p. 121
"Réfréner les ardeurs chirurgicales de mâles en manque de domination. La corporation des gynécologues-obstétriciens compte bien plus d'hommes que de femmes." p. 155
"Les femmes parfois disent non. Mais on leur demande alors de revenir à la raison. On ne les écoute pas. On ne cherche pas à les comprendre. On systématise." p. 155
Elles donnent même quelquefois des scènes délirantes : "Les femmes se laissent exercer une pression sur l'abdomen, au niveau de l'utérus, dans l'idée supposée que cela accélèrera la naissance. Certains soignants grimpent sur le ventre des femmes afin d'utiliser leur poids pour exercer cette pression. Cela arrive en France à un tiers de femmes qui accouchent pour la première fois." p. 145
La liste de tous les risques des nouvelles pratiques comme l'épisiotomie, le recours à l'ocytocine de synthèse font froid dans le dos...
Ainsi, la future mère choisit de s'orienter vers les maisons de naissance, pour un accompagnement plus en harmonie avec ce qu'elle recherche.
La personnalité humble et bienveillante de l'auteure transparait au fur et à mesure, et surtout, quand, avec une sincérité sans fard, elle reconnait certains de ses torts, de ces idées reçues qui ne passent pas l'épreuve de l'expérience. Elle avoue n'avoir rencontré ni bourreaux ni bouchers parmi le personnel médical mais des personnes compréhensives, et elle admet la médicalisation nécessaire. Ce roman est intéressant en ce sens : après avoir peint le pire, puis l'idéal avec les NID, pour finir l'auteure propose sa propre réalité avec un aspect plus nuancé, entre compréhension et hyper technologie de l'accouchement.
Ce roman aux allures de documentaire offre ainsi une vision juste et touchante de ce moment si particulier de la vie d'une femme.
Linea Nigra, Sophie Adriansen, Fleuve éditions, septembre 2017, 19.90 euros
Merci à l'éditeur et à l'auteure...