Homme invisible à la fenêtre

Par Carmenrob

C’est toujours sous le choc qu’on referme un roman de Monique Proulx. Ici, Homme invisible à la fenêtre. Couronné de nombreux prix et porté à l’écran par Jean Beaudin sous le titre Souvenirs intime, scénarisé par l’auteure.

Max est peintre. Confiné à un fauteuil roulant depuis 20 ans à la suite d’un accident de voiture, il se cloître dans un appartement miteux, seul locataire d’un immeuble insalubre. Malgré tout, sa porte est ouverte à tout venant, propriétaire obèse, femmes en peine d’amour, jeune amant de femmes en peine d’amour. Ça entre et ça sort à toute heure du jour et de la nuit. Ça se confie sans retenue. Max écoute. Et dessine et peint. Comme si l’un ou l’une de ces paumés pouvait lui restituer ce qu’il a perdu. Il dessine des corps, des morceaux de corps, en fait. Les jambes de l’une, les bras ou le torse de l’autre. Maison ouverte à tous sauf aux témoins du passé, dont sa mère Julienne qui le poursuit de ses attentions. L’équilibre précaire de sa vie de reclus se maintient plus ou moins jusqu’au jour où Lady, son amour de jeunesse, loue l’appartement d’en face et entreprend de le reconquérir, ignorant tout de sa condition physique. Il y est question d’amour, d’amitié, mais surtout du corps, de la relation au corps, au sien propre et à celui des autres, du corps comme véhicule ou réceptacle plus ou moins bringuebalant de tout le reste, comme fondation de soi et du rapport aux autres.

Oubliez les histoires à rebondissements et à péripéties. L’action se déroule lentement. L’auteure, par la main de l’artiste, peint le tableau de chacun des protagonistes, tableaux éparpillés qui finiront par former une grande fresque révélatrice de l’univers de Max. Une action lente, mais une œuvre puissante au souffle haletant qui ne laisse au lecteur aucun moment de répit. Un ton d’urgence, un cri de détresse non exempt d’une salvatrice dose d’autodérision et d’humour noir. Une écriture poétique, singulière, magnifique. Du Proulx, quoi!

Monique Proulx, Homme invisible à la fenêtre, Boréal/Seuil, 1993, 239 pages