Pour revenir au solstice d’été, il y a dans cet apogée quelque chose qui me dérange et ce quelque chose, c’est le fait qu’il va bien nous falloir maintenant redescendre.
Pendant les mois d’hiver, courbés sous le vent et la pluie, nous avons attendu des jours meilleurs. Quand enfin ceux-ci arrivent officiellement (selon le calendrier cosmique, pour ce qui est de la météo, c’est encore une autre affaire), le plaisir est aussitôt gâché par le fait que les jours vont commencer, inexorablement, à raccourcir. Certes l’été est devant nous (car les beaux jours sont décalés par rapport au solstice : il faut laisser à la terre le temps de se réchauffer) mais le ver est dans le fruit. Cette promesse d’été est entachée de la certitude que le compte à rebours a déjà commencé et que nous sommes aussi proches du début de l’hiver suivant que nous ne le sommes du début de l’hiver passé.
Ainsi en va-t-il dans l’existence. « Le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard » comme dit le poète. A peine sommes-nous sortis de l‘enfance que tout est déjà consumé. Après quelques années gaspillées à assurer ses arrières sur le plan matériel, quand enfin on va pouvoir se consacrer à ses rêves, on se rend compte qu’ici aussi le compte à rebours a déjà commencé et qu’il est même déjà bien entamé. Qu’y faire ? Fixer le trou noir de l’hiver qui ne manquera pas d’arriver n’y changera rien. Refuser de le voir confinerait à la bêtise. S’en accommoder serait de la lâcheté. Alors ?
Alors je n’ai pas de solution, mais je sais que dans la vie, cet hiver qui approche ne sera pas suivi d’un nouveau printemps.
Car la vie est unique. On nous demande de faire le brouillon et d’écrire au net en même temps. Les ratures ne sont pas permises et toutes les fautes nous sont comptées. Le temps d’y voir un peu plus clair dans nos idées, au moment où nous reprenons le stylo pour écrire ce que nous avons à dire, les copies sont déjà ramassées.
Et en plus, elles ne seront lues par personne.
On se demanderait bien dans quel jeu nous jouons.
Ps. :certains disent que je suis parfois un tantinet pessimiste. Il se pourrait bien, finalement, qu’ils aient raison.