- Emmanuel Macron veut instaurer un système " universel " de retraites.
- Chacun pourrait choisir son âge de départ.
- Les opposants au projet s'inquiètent des inégalités que la réforme pourrait produire.
Sa tâche s'annonce ardue. Le haut-commissaire chargé de mettre en œuvre la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron doit être officiellement nommé ce jeudi en Conseil des ministres. Selon Le Figaro, il s'agirait de Jean-Paul Delevoye, ex-président du Conseil économique, social et environnemental. Ce soutien d'Emmanuel Macron avait déjà piloté une réforme des retraites, celle des fonctionnaires, en 2003.
Cette fois-ci, le chantier sera plus global. Comme expliqué dans son programme, le président de la République ambitionne de créer un " système universel " de retraite, pour remplacer les nombreux dispositifs - notamment les 35 régimes de base - qui cohabitent aujourd'hui.
Il veut s'inspirer du " modèle suédois " (expliqué en détail dans un rapport du Sénat). Le président aura alors le choix: soit il bascule l'ensemble des retraites vers un système à points, comme c'est déjà le cas pour les régimes complémentaires, soit il franchit une étape de plus en créant des " comptes notionnels ".
L'espérance de vie prise en compte
Un terme obscur décrypté par Jean-Marie Harribey, ancien co-président des Economistes atterrés : " On crée, pour chaque salarié, un compte virtuel [aucun argent n'est stocké dessus] sur lequel sont inscrites les cotisations retraites prélevées chaque mois. A l'âge de la retraite, on regarde la somme des cotisations versées et l'espérance de vie de la classe d'âge. Ensuite, on divise le total des cotisations par cette espérance de vie. "
Pour mieux comprendre, prenons l'exemple d'un salarié fictif, nommé Christophe. Il décide de prendre sa retraite à 65 ans. Sur son " compte notionnel ", Christophe a accumulé (virtuellement) 200.000 euros, qui correspondent au total de ses cotisations. Si l'espérance de vie de sa génération est de 75 ans, on considère qu'il lui " reste " 10 ans de vie. Le montant de sa pension annuelle s'élèvera alors à 200 000/10 = 20.000 euros.
Avantages... et inconvénients
Selon le programme présidentiel, cette réforme a plusieurs avantages : garder un régime par répartition (les cotisations des actifs financent les pensions des retraités), connaître ses droits à la retraite " en temps réel " (une application doit être développée) et " choisir son âge de départ " : "Vous pouvez choisir de travailler davantage pour avoir une pension plus élevée ou de partir plus tôt avec une pension moindre", explique le site d'En marche !.
Pour Frédéric Bizard, professeur à Sciences-Po et auteur de Protection sociale : pour un nouveau modèle, la philosophie de la réforme va dans le bon sens. " Le régime actuel fonctionne en considérant que les actifs ont des carrières professionnelles relativement homogènes, décrypte le spécialiste. Or aujourd'hui, les gens sont de plus en plus nombreux à changer fréquemment d'employeur, ou à cumuler plusieurs métiers en même temps (salarié et auto-entrepreneur par exemple). Le système de protection sociale, basé sur les statuts, n'est plus adapté à cette nouvelle forme d'organisation du travail. "
Quelle place pour la pénibilité ?
Mais le haut-commissaire chargé de la réforme devra aussi écouter les arguments des opposants au changement de système. Pierre-Yves Chanu, spécialiste du sujet au pôle économique de la CGT et membre du conseil d'orientation des retraites (COR) pointe le problème d'avoir une seule espérance de vie par génération : " Je fais partie de la génération 1959, je suis cadre supérieur. Je n'ai pas la même espérance de vie qu'un ouvrier du bâtiment né la même année que moi et qui a été exposé à l'amiante ".
Le programme d'Emmanuel Macron répond partiellement à cette critique, en affirmant que la pénibilité " sera toujours prise en compte "... sans donner plus de détails. Les débats sur la manière de quantifier la pénibilité et les compensations à prévoir en matière de retraite ne manqueront donc pas de ressurgir.
Une réforme au temps long
Si le plan global semble plutôt clair, les exemples évoqués montrent que la tache du haut-commissaire sera loin d'être aisée. Le président de la République en a conscience : " Je ne change pas, pour le quinquennat à venir, l'année de départ. Je ne change pas le niveau de cotisation (...) Je mets en place un système qui montera progressivement en charge " avait expliqué Emmanuel Macron en mai dernier. " Les Suédois ont mis 12 ans pour installer leur système de retraite ", rappelle Pierre-Yves Chanu. La France fera-t-elle mieux ?
Nicolas RAFFIN - 20 Minutes