Félicité...
Le premier lac que nous rencontrons est le lac de Dét Mail (2 340m) suivi par le lac de la Manche (2 351m) puis par le lac Estelat inférieur et le lac Estelat supérieur (2 423 m).
Nous décidons de faire une halte à ce dernier lac et de sortir le frichti du midi.
Un large tranche de pain avec un bon morceau de fromage local en admirant les sommets environnants dont le Pic du Midi vaut largement tous les menus gastronomiques du monde !
En fin de repas, les nuages s'amoncellent dans la montagne derrière nous, il est donc temps de se remettre en marche et de redescendre dans la vallée avant de se laisser surprendre par le mauvais temps prévu en fin de journée.
Si la première partie de la descente se déroule plutôt bien avec son lot d'escalade de rochers et de passages de gués de torrents tumultueux, nous finissons par être rattrapés par le mauvais temps. C'est légèrement inquiet que nous voyons le ciel s'obscurcir derrière nous et le vent se lever.
Nous enjoignons les enfants de presser le pas.
La pluie commence bientôt à tomber et le grondement de l'orage se répercute entre les flancs des montagnes qui nous encerclent. Nous espérions échapper à une situation peu agréable et potentiellement dangereuse en montagne, c'est raté !
Les amas rocheux deviennent de plus en plus glissants, luisants de pluie mais nous n'avons d'autres choix que de les franchir pour retourner vers le refuge puis vers la vallée.
Nous avançons péniblement, avec quelques glissades, matraqués par des grêlons hostiles.
Apercevoir le refuge au loin est un vrai bonheur !
Un brouillard dense recouvre petit à petit notre chemin et il devient difficile d'avancer aussi vite que nous le souhaitons.
Après une courte halte où nous décidons de continuer à descendre vers la vallée en empruntant une large route qui permet d'approvisionner le refuge (tant pis pour les chemins bucoliques et montagnards, vive la sécurité d'une large piste recouverte de ballast !), je réalise que nous ne sommes plus que trois.
Jocelyn n'est plus à nos côtés ! Nous pensons qu'il a pris un peu d'avance sur nous et qu'il se situe plus bas sur la route. D'un surplomb et entre les nappes intermittentes de brouillard, nous constatons qu'il n'en est rien. Pourtant, nous devrions le repérer avec son sac à dos orange très voyant. Nous pensons alors qu'il est un peu plus haut sur la route mais nous ne le retrouvons pas plus. Son père remonte vers le refuge pour vérifier s'il peut y être remonté en suivant la piste ballastée.
J'appelle Jocelyn, la voix couverte par le grondement de l'orage et le bruit des impacts de foudre dans les montagnes du massif.
J'entends bientôt des hurlements effrayés, mon petit bonhomme n'est pas bien loin, il a emprunté un chemin étroit qui le remontait tout droit vers le brouillard et les orages.
Je le repère en suivant ses appels, soulagée de le retrouver en pleine santé bien que terrorisé.
Tout le monde est quitte pour une belle peur et il me suivra comme une ombre pour toute la redescente dans la vallée, tremblant à l'idée qu'il aurait pu nous perdre.
Notre petite troupe reprend sa descente, nous parcourons le Plateau de Lienz (1 250m) sous une pluie battante.
Il nous reste à traverser une forêt et nous retrouverons bientôt Barège, un lieu chaud et sec et de quoi nous remettre dans nos émotions.
Les acrobaties d'écureuils roux achèvent de redonner le sourire à Jocelyn qui ne se lasse pas de les regarder bondir d'arbre en arbre.
Le soir à Barège, nous discutons autour d'un verre avec une habitante qui nous parle de la bourgade et de la catastrophe qui l'a frappée le 18 juin 2013. Une crue dramatique a fait sortir le Bastan de son lit emportant routes et habitations, faisant s'effondrer une partie de montagne et coupant les habitants de tout contact avec l'extérieur.
La catastrophe et les flots déchainés étaient si terribles que les secours pensaient ne trouver que mort et désolation. Pour eux, Barège avait été purement et simplement rayé de la carte et ses habitants perdus.
Si Barège ne souffrit que de dégâts matériels titanesques, il n'en fut pas de même pour d'autres villes sur le chemin du Bastan qui comptèrent des pertes humaines...
Après 2 années de travaux de reconstruction et de mise en sécurité, Barèges subit toujours le contrecoup de la catastrophe. Quelques habitants, touristes et curistes (les Thermes de Barèges sont réputés) ayant choisi de s'éloigner du lieu...
La cicatrice peine à se refermer. Le Bastan a démontré qui était le plus fort entre la nature et la présence anarchique humaine.