… je sors mon revolver ?
Les expositions thématiques sont difficiles et longues à mettre en place, mais elles devraient toujours être un plaisir pour les yeux et pour l’esprit, créant des liens, bâtissant des passerelles, permettant de confronter des oeuvres de manière parfois improbable. C’est ainsi que Mélancolie fut un immense plaisir, une superbe réussite, et que Un Théâtre sans théâtre fut la meilleure exposition vue l’an dernier. Je n’en attendais pas moins de Traces du Sacré, à Pompidou jusqu’au 11 août. Sujet important, essentiel, central dans l’histoire de l’art.
Alors pourquoi, après deux visites (il faut bien ça, vu la taille de l’exposition), en suis-je ressorti avec une opinion plutôt mitigée, malgré la qualité des oeuvres présentées ? J’y vois trois raisons : trop grand, trop mystique et trop peu critique.
Trop grand : qui trop embrasse mal étreint. Pris d’une sacrophilie dévorante, les commissaires traquent toute trace du sacré, même infime, partout où ils le peuvent. Il suffit qu’un artiste, à un quelconque moment de sa vie, ait manifesté un peu d’intérêt pour un quelconque courant plus ou moins relié à la religion, pour qu’on le retrouve ici. Nul ne niera que le travail de Beuys ou de Pollock ait été influencé par le chamanisme, sibérien ou indien, par exemple, mais est-il nécessaire d’inclure ici Man Ray (La prière, certes : sacré ou blasphème ?), Duchamp ou Strömholm, parmi d’autres ?
Trop mystique : je ne suivrais pas les cul-bénits qui protestent contre la trop faible présence de l’art catholique, là n’était pas le but de l’exposition, mais, a contrario, les premières salles font la part belle au spiritisme, à l’ésotérisme, à Sâr Peladan et à Aleister Crowley. Sans doute, esprit trop rationnel, suis-je aux antipodes de la mystique New Age, mais je me suis franchement ennuyé devant ces évocations spirites. Trop peu critique : c’est là, à mes yeux, le défaut principal. Peut-on aujourd’hui (dans l’exposition elle-même*) présenter un discours neutre et documentaire sur le sacré, peut-on se contenter d’un balayage large des diverses quêtes spirituelles sans soulever les enjeux philosophiques et sociaux que ces questions soulèvent. On parle peu de théologie dans cette exposition, et beaucoup de mystique, et on n’y parle pas du tout ou presque de l’utilisation du sacré par le pouvoir. Comme Art Press, je trouve que le sacré a un ‘arrière-goût un peu amer’ et j’aurais bien titré comme eux “Le sacré, voilà l’ennemi !”Rangeons l’arme dans son étui, et, dans le prochain billet, parlons de quelques oeuvres exposées.
* Le catalogue, très bien fait, traite un peu ces questions, mais la plupart des visiteurs passent à côté.