Marcel & Simone se la joue Faites entrer l'accusé... Nous vous proposons une série sur les scandales qui ont fait frémir, bondir ou qui ont même bousculé le monde de l'art.
Une récente exposition toulousaine a fait siffler le vent du scandale…
Du 1er juillet au 25 septembre 2016, la Fondation Bemberg expose 44 pièces d’orfèvrerie germanique du XVIe siècle. Jusque-là rien de particulièrement scandaleux. Le problème c’est le propriétaire de cette collection, Rudolf-August Oetker. Oetker était un membre de la SS à Dachau et le beau-fils de Richard Kaselowsky, un proche de Heinrich Himmler. Le groupe Oetker avait été qualifié dès 1937 par Hitler d’ « entreprise modèle du national-socialisme ». Autre personnage gravitant autour d'Oetker, Günther Schiedlausky, ancien membre de l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg, état-major du parti national-socialiste allemand en charge de la confiscation des biens juifs.
Ici encore, le scandale aurait pu être évité. Le hic c’est que le musée ne mentionne à aucun moment l’histoire de ce personnage. En réponse à l’article du Quotidien de l’art qui a lancé la polémique, l’institution répond que tout le monde connait le passé de ce collectionneur. Il semble pourtant totalement inconnu du grand public, contrairement à ses proches, Hitler, Himmler, Goering…. La responsable de communication s’insurge «L'Allemagne n'oublie pas son passé, devrait-on aux mêmes motifs renoncer à acheter du L'Oréal, du BMW ou du Krupp ?» ; « C'est une polémique qui concerne l'histoire, pas les musées », déclare à l'AFP le président de la Fondation, Guillermo de Osma. Double réponse qui soulève bien des questionnements sur le rôle des musées. Où est donc passée la mission pédagogique du musée et sa fonction de témoin ? Non, on ne peut pas comparer un musée avec une entreprise, ils ne jouent pas le même rôle social ou économique.
Les musées jouent un rôle central dans la conservation du patrimoine national et des œuvres d’art qui le composent, mais aussi dans leur présentation au public. Si l’art n’est pas le reflet passif de l’histoire, les musées ne le sont pas non plus : ils ont une action et ils peuvent influer diversement sur notre conception commune de l’histoire mais aussi de l’actualité.
L’institution a évidemment le droit d’exposer ces œuvres mais pourquoi ne pas en profiter pour aborder l’histoire justement ? Le musée rétorque qu’il n’a pas pour habitude de révéler la biographie de ses collectionneurs. C’est bien dommage et cette attitude nie totalement l’histoire matérielle des œuvres qui sont intrinsèquement liées à leur histoire, leurs propriétaires, leur parcours. Le musée ne peut donc pas s’étonner que la provenance de ces œuvres soit observée de près et que l’unique mention « marché de l’art » ne suffise pas. La polémique ne porte pas finalement sur la question de l’éventuelle origine douteuse de ces œuvres (quoiqu’un pedigree précis n’ait jamais fait de mal) mais bien sur le rôle d’un musée et d’une exposition. On ne peut pas dissocier une œuvre de son histoire. Cette règle élémentaire ayant été, semble-t-il, oubliée par le musée, il ne peut s’étonner de faire les gros titres.
Le musée manque aussi de faire une belle exposition en prenant justement le sujet à bras le corps et réfléchissant sur cette collection particulière : comment exposer la collection d’un nazi ? Le musée norvégien Henie Onstad avait fort bien compris l’intérêt en réalisant une exposition « In search of Matisse » en 2015 autour de l'affaire du Matisse spolié, Profil bleu devant la cheminée, qui avait été rendu aux héritiers de Paul Rosenberg suite à sa présentation au centre Pompidou en 2012 lors de l’exposition « Matisse : paires et séries ».
Christopher A. Marinello, représentant de la famille Rosenberg, avec Tone Hansen, la directrice du musée Henie Onstad, devant le Matisse "Profil bleu devant la cheminée" en 2014
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Autre scandale lié à la Seconde Guerre mondiale. Des milliers d'oeuvres d'art confisquées par les nazis avaient été emportées en Russie par l'Armée rouge.
1945-1995: LA SAGA DES TABLEAUX VOLÉS
Le 35 de la rue Krgyjanovskovo, à Moscou, est une masse de brique rouge anonyme. Pas de raison sociale. Des hommes déchargent un camion garé devant le bâtiment 3. Cinq caisses. Hommes et caisse...
http://www.lexpress.fr/informations/1945-1995-la-saga-des-tableaux-voles_609100.html