S'abandonner soi-même est simple. Du point de vue de l'ego, c'est impossible. Mais de fait, "il y a peu à faire", dit Fénelon, qui n'est décidément pas cet hommede lettres un peu fade que la culture bien-pensantenous racole :"Quand on est ainsi prêt à tout, c’est dans le fond de l’abîme que l’on commence à prendre pied[104] ; on est aussi tranquille sur le passé que sur l’avenir. On suppose de soi tout le pis qu’on en peut supposer; mais on se jette aveuglément dans les bras de Dieu ; on s’oublie, on se perd ; et c’est la plus parfaite pénitence que cet oubli de soi-même, car toute la conversion ne consiste qu’à se renoncer pour s’occuper de Dieu. Cet oubli est le martyre de l’amour-propre ; on aimerait cent fois mieux se contredire, se condamner, se tourmenter le corps et l’esprit, que de s’oublier. Cet oubli est un anéantissement de l’amour-propre, où il ne trouve aucune ressource. Alors le cœur s’élargit ; on est soulagé en se déchargeant de tout le poids de soi-même dont on s’accablait ; on est étonné de voir combien la voie est droite et simple. On croyait qu’il fallait une contention perpétuelle et toujours quelque nouvelle action sans relâche ; au contraire, on aperçoit qu’il y a peu à faire."Fénelon, Oeuvres I, Pléiade, p. 577Nous croyons qu'il y a beaucoup à faire.En un sens, oui.Mais pas par nous.Seulement,pour que tout se fasse à travers nous,nous devons dire "oui"encore et encore.C'est tout ce que nous avons à faire.Se laisser faire,c'est tout faire.