L’agenda de l’écrit de Benoît Casas est doté d’un mode d’emploi, au début du livre :
« L’agenda de l’écrit est un livre constitué d’un ensemble de 366 textes, très courts, 140 signes, datés du 1er janvier au 31 décembre.
Chaque jour l’indication de date est complétée de la mention de la naissance – ou de la mort – d’un écrivain (survenue le jour en question).
Chaque texte, s’il s’agit d’un jour de naissance, a été écrit à partir de mots tirés des deux premières pages d’un livre de l’auteur choisi.
Chaque texte, lorsqu’il s’agit d’une date de mort, a été écrit à partir de mots tirés des deux dernières pages d’un livre de l’auteur choisi.
Le livre qui résulte de ces 366 textes brefs d’hommage quotidien se donne à lire sous une forme d’agenda, il s’intitule L’agenda de l’écrit. »
L’agenda de l’écrit est un livre, mais c’est aussi un agenda, c’est à dire qu’il peut être utilisé exactement comme un agenda : il y a du blanc, beaucoup de blanc sur la page, mais ce n’est pas un blanc de poésie, c’est un blanc pour écrire, des notes de lecture, de la poésie, ou la liste des courses si on préfère, le poète ne sera pas choqué.
L’agenda de l’écrit est un agenda, c’est à dire qu’il se glisse volontiers dans un sac à main, et devient une bibliothèque portative, un démarreur de lecture portatif, un démarreur d’écriture portatif (dans un sac à main, souvent, on trouve aussi un stylo). L’agenda de l’écrit est la bibliothèque portative de Benoit Casas : c’est lui, lecteur, poète, éditeur, qui choisit chaque jour un livre (et donc un auteur), dans la sienne, le réduit à 140 signes, le glisse dans l’agenda. Dans l’agenda, on emporte avec soi donc des philosophes, des romanciers, des historiens de l’art, des poètes, des peintres, des hommes, des femmes (trop peu !), des morts, des vivants (trop peu !). Comme la bibliothèque n’est pas terminée (le peut-elle ?), Benoît Casas écrit un deuxième volume de l’agenda de l’écrit.
Sur la double page 8 septembre / 9 septembre, la rencontre heureuse d’Alfred Jarry (naissance) et de Stéphane Mallarmé (mort) me réjouit.
8 septembre
Naissance d’Alfred Jarry
Commencement électrique : la phrase. L’amour : un unanime lieu commun, un permis de chasse. L’amour est un acte, on peut le faire rajeunir.
9 septembre
Mort de Stéphane Mallarmé
Pensée, séjour d’été : le trait musical placé, jusqu’à la vérité. Mes vers sont hasard, expérience, coup de dés : ma volonté survit intacte.
Le rythme rapide est donné par la forme très brève du « 140 » (qui n’est pas un tweet, mais bien un 140, exactement 140 signes), et le poème devient souvent une sentence, un fragment, une maxime. C’est aussi un journal, avec ses biographèmes, c’est un journal de lecture, un journal d’admiration et d’hommage. C’est un livre politique, érotique, philosophique, de voyage, artistique, lapidaire. C’est un livre qui a le goût du jour. C’est un livre à lire au jour le jour, ou en picorant au fil des pages, ou du début à la fin d’une traite.
Aujourd’hui par exemple :
14 septembre
Mort de Dante Alighieri
Le dire est faible, ma parole sera courte : j’ai mémoire, vue nouvelle, d’un enfant, langue au sein. Je voulais voir la lumière, je voyais.
Je proposerai celui-ci, pour la naissance de l’agenda de l’écrit :
L’avenir du livre seul n’est pas une mort mais un livre métamorphosé : une collection géométrique dans la mémoire insistant, « nous » gravé.
Cécile Riou
Benoit Casas, L’agenda de l’écrit, éditions Cambourakis, 2017, 384 p. 14 €.