La maison en Ipparalde :
« La maison traditionnelle basque est une institution de caractère économique, social et religieux, intégrée dans une famille, qui représente les habitants actuels en communion avec l’âme des ancêtres. Elle est porteuse d’une tradition, chargée de fonctions religieuses auxquelles elle ne peut renoncer. Tout ceci a modelé l’etxe de telle sorte qu’elle a pu jouir du droit d’asile ; elle a été inviolable et devait être transmise intacte, indivise, au sein de la famille.(…) La famille est la société de ceux qui ont le même sang et sont unis à la même maison. Elle est constituée par les parents, les enfants et les ancêtres. Ils ont la même maison pour refuge, lieu de travail et de réunion, chapelle et tombe. Cette maison, ainsi que les terres et les biens qui lui sont attachés, maintiennent fortement unis, jusqu’à nos jours, à la maison, ceux de la maison. » C'est ce sentiment de co-dépendance famille/maison que traduit le vocable Gure Etxea.
La vie sociale et politique des Basques s'organise autour de l’etxe ou etche. Seuls les chefs de famille propriétaires d’une maison assistaient aux assemblées du village. C’est l'élément initial d’intégration dans la communauté. L’aîné de la famille héritait de la maison. Jusqu'au XVIIe siècle, il est fréquent que le nom de la maison devienne le patronyme de l'enfant qui y naît. Témoin de l'importance que les Basques accordaient à leurs maisons, aujourd'hui encore des familles entières portent des noms de maisons, comme Etcheverry -> maison neuve, Harguindeguy -> atelier du maçon, etc. Qu'elle soit de statut noble, franche ou fivatière (dépendant d'une autre maison), les termes de "maison" et d'"homme" étaient interchangeables et comme synonymes.
Au Pays basque, les maisons varient selon les vallées, selon les aires géographiques... Les maisons traditionnelles dans la campagne basque reprennent un plan assez courant, celles-ci servant à accueillir les hommes et leurs bêtes sous le même toit.
Du fait de sa construction initiale, par additions de poteaux et de fermes, et de la nature des sols, la maison basque n'a pas de cave et elle est posée, sans fondation, sur le sol.
La maison basque a été conçue dans un premier temps par les charpentiers (mahisturu), sur la base d'une infrastructure conçue autour de fermes en bois. L'extérieur est reconnaissable par ses pans de bois. A l'intérieur, les supports verticaux espacés de plusieurs mètres partent d'un seul bois du sol jusqu'à la charpente ("maisons de bois longs"). Par la suite, la pierre a été employée comme support de base, le bois étant relégué au premier niveau (ou grenier) * ou seulement pour la charpente. Les maçons (hargin) ont ainsi pris la place des charpentiers dans la conception des habitations. Cette évolution a été favorisée par une situation économique plus favorable, permettant à la population de financer un matériau plus coûteux, et par le risque d'incendie que couraient les anciennes bâtisses.
Son orientation traditionnelle est est-ouest, avec l’entrée à l’est, pour se protéger des vents chargés de pluie provenant de la mer à l’ouest.
Elle est constituée d’un bloc rectangulaire, parallélépipède long, étroit et haut, qui évolue en fonction des reconversions (agriculture vers l’élevage intensif par exemple) ou de l’agrandissement de la famille (donnant ainsi l’aspect dissymétrique final si caractéristique (cf. photo P2), souvent constaté en Labourd, qui est donc une résultante de transformations de la maison et non un plan type initial), surmonté d’une toiture à deux versants en pente douce bien que le climat soit pluvieux (les tuiles canal n’ont ni trou, ni rebord permettant de les accrocher. De plus la faible pente offre moins de prise au vent), de faîtage parallèle au grand côté, débordant beaucoup à l’est et peu ou pas à l’ouest.
Chacune des quatre façades est traitée différemment des trois autres en raison de leur adaptation aux conditions climatiques :
- La façade est, largement percée avec son porche caractéristique (lorio), est entourée de trois murs en maçonnerie. Elle est particulièrement soignée. La porte d’entrée est en général très travaillée, le linteau (atalarri) donnant des informations sur les propriétaires (cf. photo P3). Il a également souvent une fonction religieuse, le soleil étant assimilé à l’œil de Dieu (iguzki : le soleil levant ou l’œil de Dieu, l'une des deux filles de Mari , la terre, à côté d' ilarguia, la lune ou le visage de Dieu (- cf.photo 4 -ce détail se retrouve dans tout le Pays basque). Sont ainsi accrochées à l’entrée de la maison diverses plantes représentant le soleil (fleurs de carde) et préservant de la foudre (tximista kontra - on dispose également des tuiles en forme de croix, sur le toit de la maison). Le coq, gravé sur un linteau, annonciateur du soleil levant (eguzkiari begira), traduit la même croyance.
- Le pignon ouest, est aveugle et peut remonter au-dessus du toit, à proximité de l’océan.
- Le mur latéral nord, est percé d’ouvertures petites et peu nombreuses éclairant ou desservant les zones d’intérêt secondaire.
- La façade sud, est plus largement ouverte pour profiter du soleil tout en s’en protégeant par l’intermédiaire de l’avant toit.
Photo 3 : Photo 4 :
La charpente (zuralde) en chêne est très robuste, est conçue pour résister à la pluie et aux vents violents. Des prises d’air latérales, ressortant sur la façade orientale lui assurent, ainsi qu’aux combles, une très bonne aération (utiles pour garder le fenil - seilharu - sain et pour le séchage des jambons, les minuscules ouvertures en forme de triangle ne sont donc en rien destinées aux pigeons). Elle est bâtie pour supporter la lourde couverture en tuiles canal rouge clair. Les cheminées massives et simples sont généralement disposées au nord, évitant ainsi de devoir dépasser le faîtage pour des raisons de tirage.
Les fenêtres les plus exposées sont souvent surmontées d’un rejet d’eau de ruissellement constitué à l’origine d’une simple dalle de grès fichée horizontalement dans le mur, dépassant de 15 à 20 cm.
Les volets pleins en bois à barre sont peints de la même couleur que les autres pièces de bois des façades ou de la charpente. Ils sont en général d’un rouge assez foncé dit rouge basque (à l’origine, le sang de bœuf était utilisé pour enduire les pièces de bois, mêlant un aspect rituel à l’aspect pratique - le sang de bœuf était renommé avoir des vertus protectrices contre les insectes et le pourrissement). On trouve également, à partir du XIXe siècle un bleu très foncé, sorte de bleu de Prusse, ou un vert « profond » également foncé, et parfois un gris très clair. À Arcangues, le Marquis d’Arcangues a introduit un bleu plus clair. Les contrastes de la couleur avec le blanc chaulé (une fois par an, souvent en juin avant la Fête-Dieu) des murs confèrent à la façade cette légèreté distinctive et surprenante pour une maison relativement massive et imposante, qu’on ne retrouve pas en Basse-Navarre.
Quelques photos de ces superbes maisons :
Bidart, l'hôtel de ville Ustaritz
La maison de Basse-Navarre :
La maison de Basse-Navarre a subi l’influence de la Navarre espagnole (dont elle fit partie jusqu'en 1530 - Merindad de Ultra Puertos) et de la géologie des sols de la région. On trouvera ainsi des maisons tout en pierre, à façade plate (sans encorbellement ni lorio) et sans colombage en bois. La pierre donc a été un des matériaux de base de la construction, mais la présence d’argile (et de briqueteries qui se développent au XVIIIe siècle) a également influencé la physionomie de cette bâtisse, et la brique plate a été utilisée comme matériau de remplissage des murs (cf. photo).
La maison navarraise est une succession de rectangles de proportion 1:2 dont la petite longueur (qui donne sur la façade principale) est d’environ 4.5 m, à cause de la portée limitée des poutres supportant le plancher de l’étage. Elle est à l’origine symétrique et s’est vue adjoindre des dépendances d’une largeur égale au quart de la longueur de la façade initiale.
Ces différents rectangles communiquent entre eux et ont un accès à la façade par des portes de dimensions respectables, à la mesure de la façade (dont la largeur est rarement inférieure à 10 m et jusqu’à 20 m), de l’ordre de 2.40 m de largeur pour 3 m de hauteur. Ces portes permettaient l’entrée des engins de travail (charrettes de bois, de paille ou de foin). Les murs intérieurs sont aussi épais et imposants que les murs extérieurs.
Le toit est couvert de tuiles rousses et des pierres d'angle apparentes renforcent l’impression de robustesse de la maison.
Le colombage, quand il existe, est toujours situé au-dessus du 1er étage, rarement sur toute la façade mais limité à l’une des parties latérale ou centrale.
Les fenêtres sont assez petites, et dites « à petit bois » c’est-à-dire à petits carreaux et réparties symétriquement par rapport à un axe vertical.
A Saint-Étienne-de-Baïgorry et dans la vallée des Aldudes, le balcon, qui s’étend sur toute la façade, est accroché entre les deux murs gouttereaux au-dessus du premier étage (cf. photo). Ce balcon a une fonction utilitaire précise. Il était utilisé pour mettre à sécher les graines qui serviraient de semences telles que le maïs, le lin, le chabre ou les piments.
La maison souletine :
Du fait de sa position géographique à l’est du Pays basque, à la frontière avec le Béarn, et sur les premières pentes d’altitude des Pyrénées, la maison souletine diffère fortement de ses cousines des autres provinces d’Iparralde. Elle subit les influences climatiques de la montagne, éloignée de l’océan (donc moins soumises aux pluies portées par les vents d’ouest) et économiques et religieuses du Béarn.
Elle n’en demeure pas moins basque, mais en marquant sa différence, comme le dialecte souletin le fait au sein de la langue basque.
La maison souletine est prête à affronter la neige et ses toits sont pointus et à forte pente, souvent terminés par un coyau qui se redresse à l’extrémité de la toiture.
La maison n’est plus d’un seul tenant massif comme en Labourd ou en Basse-Navarre, mais peut s’ériger en équerre, en T, ou se répartir en plusieurs bâtiments autour d’une cour, tout comme en Béarn.
Les murs, sans pan de bois, sont en pierre, calcaires ou marnes, ou en galets des torrents se rapprochant ainsi de la maison béarnaise avec ses murs ornés de galets des gaves.
La couverture est en ardoises de Bedous (Béarn) ou de Lourdes (Bigorre).
La porte d’entrée n’est plus orientée systématiquement à l’est, comme ses cousines occidentales qui se protègent des pluies océaniques. Elle s’ouvre dans un mur latéral et non plus en façade.
La maison reste basque et possède un eskatz, qui joue son rôle de pièce de distribution entre l’habitation, souvent couverte d’un toit à quatre-eaux (quatre pentes) et les parties dédiées aux animaux et au stockage (toit à deux pentes). C’est à présent le porche de l’eskatz qui, en façade, est surmonté d’un linteau mentionnant l’identité des maîtres de maison.