Nous avons déjà montré que le gouvernement envisageait la Première guerre mondiale comme un moment d'unité nationale, de ferveur patriotique, un moment héroïque pour la Nation. Le rapport Becker entreprenait un véritable retour en arrière mémoriel tandis que l'hommage à Lazare onticelli apparaît comme un moment de glorification, de construction d'une histoire héroïque, comme le montre N. Offenstadt ( sur le site du CRID 14-18 et du CVUH).
A rebours de l'opinion publique et des fictions récentes, les cérémonies officielles renouent avec une lecture de la guerre comme un grand élan patriotique pour la défense de la Nation.
Cela apparaît d'autant plus étrange qu'à l'heure de la construction européenne, ce conflit européen - et plus particulièrement l'affrontement franco-allemand - semble incompréhensible, voire absurde.
Cela apparaît d'autant plus étrange que des œuvres de fiction et les travaux historiques ont, depuis des années, mis en avant le vécu des soldats : les situations et les opinions sont très contrastées et évoluent alors que la guerre s'éternise. L'histoire ne s'écrit pas uniquement à partir des textes des généraux et des hommes politiques, mais aussi à partir du témoignage du simple soldat.
Cela apparaît d'autant plus étrange qu'en 1998 déjà, Lionel Jospin avait insisté sur la répression au sein de l'armée française en prenant l'exemple des fusillés.
Dans ce contexte-là, la Première guerre mondiale devient un nouvel enjeu politique, un lieu d'affrontement gauche-droite.
Et c'est dans ce contexte-là que le Conseil général de l'Aisne souhaite adopter un voeu invitant la France à "reconnaître les soldats condamnés pour l'exemple comme des combattants de la Grande Guerre à part entière" et à inscrire leurs noms sur les monuments aux morts. "Le conseil général de l'Aisne invite solennellement la République française à prendre (...) la décision de reconnaître les soldats condamnés pour l'exemple comme des combattants de la Grande Guerre à part entière, (...) de façon à permettre que leurs noms puissent être légitimement inscrits sur les monuments aux morts". Ce vœu doit être discuté et voté le 16 avril (tiens, tiens...).
Ici, pas de sens général donné à la guerre mais une attention au soldat... une autre forme d'héroïsation ? Pas tout à fait, il s'agit plutôt d'établir une égalité de "traitement mémoriel" entre tous les soldats, qu'ils se soient révoltés ou pas. Cela met évidemment en lumière la diversité des parcours et des attitudes dans la guerre.
D'un côté, donc, la droite gouvernementale reprend le thème du "grand élan patriotique"; de l'autre, la gauche locale souhaite reprendre le thème des fusillés comme symbole d'une injustice et d'une répression démesurée au sein de la République. On renoue donc avec un affrontement mémoriel digne de 1998, avec un débat idéologique qui peut même faire penser à l'Affaire Dreyfus.
Reste à savoir ce que fera la droite locale... réponse le 16 avril