Il y a quelques semaines, je choisis ce roman pour Masse Critique de Babelio (on choisit un livre dans une liste, on reçoit un livre, on critique un livre), parce que j'aime son titre oxymore. Caos calmo en italien...
Je ne sais rien encore de son auteur. Alors je suis un peu dépitée quand j'ouvre le paquet-poste et découvre un bandeau rouge sur la jaquette du livre.
Encore un prix ! (voir Le boulevard périphérique, Henry Bauchau) Celui-là je ne connaissais pas : Prix Méditerranée étranger 2008 ! En Italie il avait reçu en 2006 le prix Strega. Il parait que c'est l'équivalent du Goncourt. Un autre qui n'aura pas besoin de moi pour être lu !
En attendant les larmes -- J'ai pensé au début de l'histoire que l'arrivée des larmes marquerait la fin du roman. J'étais donc un peu fatiguée d'avance d'avoir à patienter cinq cent et quelques pages. Qui va pleurer le premier ? Le père d'abord ? La petite fille avant son père ? Tous les deux ensemble ? Car c'est là que réside tout le suspens de cette histoire très originale, à la limite du farfelu, n'était son début dramatique.
Le premier chapitre du roman est magistral. Il cumule en une vingtaine de pages les descriptions drôlatiques mais réalistes des tragédies qui s'abattent sur le héros en l'espace de quelques heures, un soir d'été. Pietro va à la plage. Pietro et son frère se baignent. Devant eux deux femmes en train de se noyer. Ils les ramènent non sans mal au bord (chacun la sienne) sans que personne ne prête vraiment attention à leur acte de bravoure. Un peu dépités et à bout de forces ils remontent de la plage vers leur maison de vacances. Devant la villa, ambulance, pompiers, gyrophares. Lara la jeune femme de Pietro, la maman de Claudia, vient de succomber à une attaque cérébrale que rien ne laissait prévoir.
De retour à Milan dans les jours qui suivent cette fin d'après-midi dramatique, Pietro décide de (ou plutôt est amené à) s'installer pour passer ses journées dans sa voiture stationnée juste en face de l'école de Claudia. Le véhicule va servir de confessionnal (de divan ?) à toutes sortes de personnages qui viennent tour à tour rendre visite au veuf de fraiche date : la famille, les amis, les collègues, les voisins, les passants et passantes. Les jours passent, les semaines, les mois.
C'est gonflé je trouve de faire culminer l'intensité dramatique d'un roman dans ses premières pages. Sandro Veronesi ne réussit que partiellement son coup à mon goût. On dirait un John Irving latin, mais je me suis ennuyée parfois (comme avec Irving depuis quelque temps d'ailleurs).
Alors c'est quoi ce chaos calme, ce "quiet chaos" ? Sandro Veronesi propose plusieurs définitions et exemples différents tout au long du roman. On peut faire au bout du compte comme son héros, une recherche sur google, elle sera décevante. L'explication que je préfère c'est celle que le héros-narrateur propose à la toute fin. Le chaos calme, c'est le chaos heureux dans lequel vivent tous les enfants. Mais un jour ils devront grandir et quitter la bulle de l'enfance, ce chaos calme dans lequel tout est réversible. Il n'y a pas de retour possible au chaos calme de l'enfance. Les adultes veulent y croire parfois mais à tort, c'est irréversible. Le héros essaie mais il échouera finalement. Se mettre à la marge, dans un état de précarité artificielle lui a donné un temps seulement l'illusion qu'il lui serait possible de ne pas souffrir de ce qu'il venait de vivre.
D'autres, plus que moi, aimeront ce roman pour les leçons de vie, de management des entreprises, d'éducation des enfants, que le narrateur est amené malgré lui à dispenser aux personnages qui viennent s'épancher sur son siège du passager. J'admets que dans ce domaine, le dernier chapitre qui organise et résoud le chaos du narrateur est brillantissime (dix pages). Attention, je ne dis pas tout à fait qu'il suffit de lire les pages une à trente et quatre cent quatre vingt dix à cinq cent de ce roman ! Le foisonnement des histoires, des théories et des contre-théories est d'une grande virtuosité mais il a fini par me lasser souvent au long du récit.
- Un homme accidentel, Philippe Besson
- Darling, Jean Teulé