ATTENTION ! Article contenant des spoilers !
Comme toujours, avant de plonger dans le cœur du récit, il me paraît d’abord important de rappeler tout le déroulé des événements afin de bien comprendre ce qui se joue sous nos yeux. Concrètement, que se passe-t-il ? Le film s’ouvre par les plans d’une personne (probablement une femme) en train de brûler, puis par la pose d’une pierre précieuse sur un socle. Action qui entraîne la restauration de toutes les pièces d’une maison. C’est alors que se dévoile MOTHER (Jennifer Lawrence), une jeune femme sans enfant en couple avec LUI (Javier Bardem). Au détour de quelques séquences, nous apprenons que MOTHER a complètement réhabilité la maison après un incendie, tandis que LUI est un auteur à succès en panne d’inspiration. Rapidement, leur vie tranquille est interrompue par l’arrivée d’un vieux couple, L’HOMME (Ed Harris) et LA FEMME (Michelle Pfeiffer). Si LUI trouve dans cette arrivée une véritable bouffée d’oxygène, MOTHER est au contraire perturbée par leur intrusion.
Durant leur passage, plusieurs événements surviennent : la pierre précieuse est détruite, leurs fils rappliquent et s’entretuent, une cérémonie d’adieu a lieu dans la maison en présence de nombreux invités, une fissure ensanglantée apparaît dans le plancher, MOTHER semble souffrir d’un mal grandissant… Après leur départ, MOTHER et LUI font l’amour et la jeune femme tombe enceinte. Pour le plus grand bonheur de LUI, qui retrouve soudainement l’inspiration. Quelque temps plus tard, son ouvrage est publié et rencontre le succès. Journalistes et fans débarquent pour le féliciter mais les choses dégénèrent, entraînant l’apparition des forces de l’ordre. Dans le chaos, MOTHER accouche d’un fils, rapidement confisqué et tué par les innombrables visiteurs. Furieuse, MOTHER incendie la maison pour exterminer ses occupants. Avant la mort de sa femme, LUI (étonnamment intact) récupère son cœur pour en extraire une pierre. En la posant sur un socle, les pièces de la maison se restaurent et dévoilent une nouvelle femme.
Le second niveau de lecture, relativement évident lui aussi, est lié à la création au sens large. Une thématique omniprésente représentée de différentes façons dans le film : la création artistique (rédaction d’un ouvrage), la création d’une vie (naissance d’un enfant), la création matérielle (construction d’une maison)… Plus que la création en elle-même, le réalisateur s’intéresse ici surtout à ses conséquences sur son créateur et sur les personnes qui l’entourent. Ainsi, dans le long-métrage, la forme d’idolâtrie à l’égard du personnage de Javier Bardem peut être perçue comme une critique du fanatisme dangereux de certains fans pour leur artiste préféré. Un fanatisme dont la portée peut être terriblement aveuglante pour les artistes, ceux-ci recherchant parfois désespérément toute forme de reconnaissance. C’est ce qu’exprime formidablement bien le personnage de LUI, un artiste égocentrique qui privilégie l’art à la vie. L’amour (sous forme de louanges) qu’il reçoit pour son œuvre passe ainsi avant son amour pour sa femme. D’ailleurs, MOTHER le cerne très bien à la fin du film en déclarant qu’il ne l’aime pas vraiment, il aime le fait qu’elle l’aime. Cette réflexion autour de la notion de création et d’artiste peut, bien sûr, facilement s’étendre au réalisateur lui-même, qui a certainement dû susciter/rechercher ce type de réaction au cours de sa carrière. De plus, il y a un lien intéressant à faire entre l’influence de MOTHER sur LUI et celle de Jennifer Lawrence sur le réalisateur.
A titre personnel, je dois reconnaître que j’ai une préférence pour la dernière interprétation qui, au-delà d’être la plus subtile, est également la plus solide sur la longueur. Effectivement, en se rangeant à ce niveau de lecture, la plupart des plans qui composent le film ont du sens, en particulier le final. Alors que c’est moins le cas pour l’approche biblique ou la notion de création, qui ne semblent être utilisées ici que pour brouiller maladroitement les pistes. Certes, individuellement, il s’agit de thématiques relativement riches mais leur association dans ce film manque, à mon sens, cruellement de cohérence et de pertinence. Comme si, trop habitué à les utiliser, Darren Aronofsky s’était laissé aller à du recyclage. Dans le même ordre d’idée, on pourra aussi légitimement reprocher au réalisateur l’opacité de son film. Si certains messages s’avèrent assez limpides, le cinéaste les surlignant en permanence, d’autres se révèlent en revanche plutôt confus, donnant l’impression d’être introduits sans véritable raison. Bien sûr, il est nécessaire qu’une œuvre, quelle qu’elle soit, puisse conserver une certaine ambiguïté, mais il me paraît tout de même indispensable qu’elle puisse également offrir des clés d’interprétation viables pour être appréciées. Or, Mother ! demeure selon moi bien trop flou sur le fond, au contraire par exemple de sa forme qui séduit pratiquement de bout en bout.
Pour conclure, vous l’aurez compris, qu’on adhère ou pas au projet, Mother ! est un film qui mérite vraiment le coup d’œil. Un ovni qui ne laisse assurément pas indifférent et qui offre une belle base de réflexion sur toute une série de sujets. J’espère que cet article vous aura permis d’y voir un peu plus clair, et ainsi de vous faire votre propre opinion. Comme d’habitude, n’hésitez pas à réagir par commentaire si vous avez des questions, des remarques ou même, qui sait, une approche différente de la mienne. C’est tout l’intérêt du billet.