Dans un entretien accordé au Magazine Marianne ce vendredi 15 septembre, Jean-Luc Melenchon annonce avoir décidé de ne plus regarder son fil Twitter.
Comment comprendre une telle décision et que cela peut-il révéler d'une stratégie de communication ?
J'ai décidé de ne plus regarder le fil Twitter. C'est devenu trop violent pour moi. Toutes ces choses me touchent trop durement. Il m'est arrivé pendant la campagne présidentielle de rester une semaine entière sans ouvrir les journaux ou regarder la télévision. C'est trop ! Je trouve cet univers horriblement anxiogène .
On peut rester dubitatif face à l'explication apportée pour justifier cette décision.
" C'est devenu trop violent pour moi ".S'il est vrai que sur Twitter et sur le web en général les échanges ne sont pas toujours productifs et peuvent rapidement déraper dans l'invective stérile, Jean-Luc Melenchon a régulièrement adopté le même comportement à l'occasion de déclarations publiques ou d'interviews.
L'argument porte d'autant moins que de nombreux partisans de Jean-Luc Melenchon sont particulièrement actifs sur les réseaux sociaux et sur Twitter au point d'adopter parfois les comportements agressifs que ne supporte plus aujourd'hui Jean-Luc Melenchon lorsqu'ils le concernent.
La crédibilité du prétexte de la violence des échanges sur Twitter n'est donc pas forcément l'argument le plus efficace de sa part.
Si la justification officielle semble peu crédible, cette décision nous apporte un éclairage sur la stratégie de communication de son équipe et les difficultés qu'elle rencontre.
Méconnaissance du fonctionnement des réseaux sociaux
Qu'attendent les utilisateurs des réseaux sociaux ? Pouvoir s'exprimer, échanger, donner leur avis, critiquer, questionner, s'informer, s'amuser,...Les marques, les personnalités publiques et les politiques doivent comprendre qu'elles doivent respecter cette règle du jeu si elles décident d'être présentes sur les réseaux sociaux. Les attentes et les comportements des utilisateurs de ces leviers de communication diffèrent profondément d'autres leviers pour lesquels la consommation se fera de manière passive, c'est-à-dire sans interactions possibles, comme lire un article, regarder ou écouter une émission TV ou radio.
D'ailleurs, toutes les émissions TV et radio proposent aujourd'hui à leur audience d'interagir en direct si elles le souhaitent...au travers de leurs réseaux sociaux dédiés.
Ne pas accepter des expressions différentes de la sienne n'a plus sens de nos jours et prouve une méconnaissance profonde des usages et des attentes. Chercher à les utiliser uniquement pour diffuser son message ne sera pas suffisant et ne correspondra pas aux attentes.
Dans ce cas, autant se contenter de proposer un site web classique, dont l'approche statique suffira à publier ses messages sans risque d'interactions.
Impuissance à gérer les réactions
L'argument avancé pour justifier l'abandon de Twitter revient à reconnaitre une certaine impuissance dans la gestion de l'outil et sur les comportements à adopter en réaction.
En tant que personnalité publique ayant un message politique à faire passer, céder de cette façon revient à abdiquer, et peut être considéré comme un aveu de faiblesse.
Alors que la communication de La France Insoumise avait été louée dans son utilisation des réseaux sociaux durant la campagne électorale, elle montre ici ses limites sur l'utilisation d'outils dans un mode quotidien.
Le compte Twitter de Jean-Luc Melechon montre bien cette baisse d'activité depuis l'élection présidentielle
Par nature une personnalité politique s'expose à la critique. Il est donc naturel de trouver cette expression critique sur Twitter sous toutes les formes que l'on connait actuellement : critiques, fake news, hatters, Trolls,...
Faut-il jeter l'éponge pour autant ?
Volonté de contrôle
Il faut vivre avec son temps et accepter les règles de communication de ce début de 21 ème siècle. Chacun peut s'exprimer à propos du sujet de son choix. C'est ce que permettent les réseaux sociaux.
Un Parti Politique, tout comme une entreprise, n'est plus en mesure de maitriser l'intégralité des propos à son sujet. Il est impossible d'être le seul à pouvoir parler de soi.
Vouloir quitter un levier d'expression public et collaboratif montre une volonté de revenir à des solutions de communication unilatérales, plus simples à gérer, et sur lesquelles il n'existe pas de risque de contradiction.
Il est vrai que pour faire que son message porte sur les réseaux sociaux, il ne faut pas se contenter de le diffuser. Il faut savoir montrer de l'attention aux autres et créer du lien.
Revenir à des outils ne permettant pas l'échange peut être révélateur d'un mode de fonctionnement vis-à-vis de l'information et de la façon dont on souhaite gérer la relation aux autres, ou aux 'Gens', selon l'expression de Jean-Luc Melenchon.
Ne pas être présent revient à laisser la place libre. Si cet espace est utilisé par des contradicteurs (ou plus) de Jean-Luc Melenchon, faire le choix d'abandonner ce levier ne permettra plus de faire entendre sa voix et ses arguments.
Rappelons à l'équipe de com de La France Insoumise l'un des principes de base en terme d'animation de Communauté : le 1/9/90
L'erreur de Jean-Luc Mélenchon consiste justement à abdiquer face à 10% qui se manifestent. Or, si Jean-Luc Mélenchon a conscience qu'il ne parviendra pas à influencer ou faire changer d'avis ces 10%, son objectif en terme de communication devrait se porter sur les 90%. Ne plus être présent ne lui permettra pas de se faire entendre par eux et les laissera potentiellement influencés par le message proposé par ces fameux 10%.
Nouvel effet d'annonce ou réalité ?
On sait très bien que les politiques sont adeptes du 'Il ne faut jamais dire jamais ".
Il faut certainement relativiser cette annonce.
Tout d'abord, Jean-Luc Melenchon n'annonce pas quitter Twitter mais précise ne plus lire son fil Twitter. Si Jean-Luc Melenchon, abandonne Twitter, ce ne sera certainement pas le cas de son équipe de communication.
Si son compte Twitter reste actif, cela prouvera, comme c'était déjà probablement le cas auparavent, que Jean-Luc Melenchon n'était pas l'auteur des Tweets mais que son compte était géré par son équipe. La question se pose dès lors de la portée du message. Comment faire adhérer à son message au travers d'un levier que l'on n'utilise pas officiellement mais qui est seulement utilisé en notre nom. Difficile dans ces conditions de prétendre créer du lien avec 'les gens'.
D'autre part, Jean-Luc Melenchon s'exprimait à propos de son propre compte Twitter mais pas à propos du compte Twitter de son Parti.
Si Jean-Luc Melenchon fait le choix (temporairement) de ne plus lire Twitter, il y a fort à parier qu'il n'entrainera pas avec lui les partisans de son mouvement qui son généralement très actifs sur les réseaux sociaux et Twitter comme le montreront certainement un certain nombre de réactions à mon article.
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Je rappelle, si cela est nécessaire, que cet article n'est pas partisan (pour ou contre Melenchon) mais à seulement pour objectif d'aborder le sujet de la communication et de l'utilisation d'un réseau social.--------------------------------------
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