Puisque les chansons de Barbara m’obsèdent depuis quelques jours, je reviens au film de Mathieu Amalric, et notamment au moment où Barbara - Balibar chante la chanson de Brassens, Le père Noël et la petite fille. Elle commence au piano sur un ton léger, puis, sur une indication du réalisateur, Yves Zand (Mathieu Amalric), se lève et ira finir la chanson dans les bras de sa mère (Aurore Clément) assise sur le canapé. Les gestes qu’elle fait, et notamment quand elle chante « il a mis du grain dans ma grange », ne laissent aucun doute sur l’intention de Mathieu Amalric : il s’agit d’évoquer le viol incestueux dont on sait, parce qu’elle en a parlé, que Barbara a été victime. Ce n’est peut-être pas l’intention de Brassens, qui termine sa chanson par ces mots : « Le mauvais temps n’est plus ton lot ». Mais ce moment dans le film dit beaucoup de notre façon de prendre les mots des autres pour exprimer nos propres sentiments. Dans celle-ci, le fait de chanter au masculin ou au féminin modifie nettement le point-de-vue. Quand une chanson me vient en tête, en dehors du matraquage publicitaire, elle me raconte souvent quelque chose de moi. Et c’est aussi ce que me fait ce film, et je sais gré aux scénaristes, aux acteurs, au réalisateur de m’offrir des images touchant ma sensibilité. Comme lorsque, dans un restaurant routier, quand Barbara répète sur un piano droit devant quelques hommes sa chanson Nantes qui, non seulement rappelle la mort de son père (« je veux que tranquille il repose »), mais aussi certainement ce que d’autres éprouvent au moment de cette perte. Guy Goffette, auteur de Géronimo a mal au dos, rencontré récemment, disait : « Plus mon père est mort, plus il grandit ».