Laissons un peu s’exprimer notre intuition : à l’image de la Coupe du monde 1998, les JO de 2024 peuvent être une chance, sans pour autant se forcer à croire benoîtement qu’il s’agira d’une «bonne affaire» sur tous les plans.
Ne boudons pas notre plaisir. Mais soyons lucides. La désignation de Paris pour accueillir les JO de 2024, après deux échecs plutôt accablants (2008 et 2012), constitue l’une de ces nouvelles capables de réjouir les cœurs et les esprits de ceux qui s’y déclarent favorables depuis toujours et rêvaient que, enfin, cent ans après, cette fête universelle retrouve la patrie de Coubertin. Pour les autres, les sceptiques avérés qui ne manquent pas d’arguments eux non plus, le triomphe pour le moins singulier de la candidature française restera un objet de débat d’autant plus légitime que, en effet, au stade suprême du capitalisme si parfaitement incarné par le CIO, nous aurions mille raisons de nous détourner de ce spectacle outrageant de gigantisme et de puissance ultrafinanciarisée, sponsorisé jusqu’à la gueule par ces multinationales de consommation de masse, peu regardantes sur les conditions d’attribution et de réalisation du plus grand théâtre sportif mondialisé, tous les quatre ans sur le retour, et pour lequel des villes avaient l’habitude de se damner…
Bien sûr, la question des coûts et de la facture globale sera l’une des clefs de la réussite. Tant de grandes cités, non des moindres, en vécurent l’amère expérience… Mais ce n’est pas tout. Laissons un peu s’exprimer notre intuition : à l’image de la Coupe du monde 1998, les JO de 2024 peuvent être une chance, sans pour autant se forcer à croire benoîtement qu’il s’agira d’une «bonne affaire» sur tous les plans. Une chance par exemple pour la Seine-Saint-Denis, épicentre des Jeux (Stade de France, village olympique, etc.), où les habitants qualifient déjà cet événement d’accélérateur de développement. Et pourquoi pas une chance pour les Jeux eux-mêmes. Puisque nous ne nous résignons pas au monde tel qu’il est, pourquoi devrions-nous laisser l’argent et la mise en concurrence à outrance gangrener le sport, composante essentielle de nos vies? L’accueil des JO sera donc une occasion unique d’inventer des sortes «d’états généraux», partout, afin d’ouvrir le grand chantier de la place du sport dans notre société. Les citoyens pourraient prendre toute leur place dans ce processus. Pour que ce moment unique de rencontres et de communion bascule du bon côté. Faites vos Jeux !
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 14 septembre 2017.]