L’Abbaye de Auberive (Haute Marne) est un centre d’art contemporain, entre autre ( aussi concerts, conférences etc). Son propriétaire, Jean-Claude Volot, est grand collectionneur d’art. Particulièrement intéressé par l’art singulier (art brut) et les arts populaires. Chaque année, en été, l’abbaye présente une exposition. 2017 est marquée par « Opiums? », qui propose une grande partie du fonds de l’Abbaye et quelques autres oeuvres. Le tout sur le thèmes des croyances, des religions, des dévotions, des addictions diverses et variées. Jusqu’au « culte » rendu à Mao! Une exposition très très complète, à voir jusqu’au 1er octobre. Du mercredi au dimanche, 10-12h30. 14-18h30. Le mardi, 14-18h30.
Parmi la quantité d’œuvres présentées, j’ai envie de parler de celle de Yolande Fièvre, son « Petit peuple pour des pierres ».
Des créatures faites d’argile séchée sont assemblées en une sorte de cérémonie, sur un sol jonché de terre. Il semble que certaines soient décapitées. D’autres seraient bicéphales. De fins branchages ont poussé dans leur corps et jaillissent tels des membres. Ils s’emmêlent pour former au-dessus d’eux comme un dais de procession. Trois animaux, d’argile eux aussi, de la taille de gros chiens, suivent ce rituel. Mais ces êtres étranges ne seraient-ils pas des buissons animés de vie quasi humaine? Oui. Les ramures ont une âme. La nature a une âme. Voilà sans doute ce que dit l’installation de l’artiste. En tout cas, c’est bouleversant. Plongeon dans les ancestrales croyances, et dans nos propres rêves, cauchemars et imaginaires.Dans la pièce à côté, un autre « petit peuple », celui de Jephane de Villiers.
Une foule de mini personnages hallucinés se regroupe autour d’un énorme animal (lui aussi d’argile séchée) ou s’agglutine sous une espèce de cage faite de ronces. On imagine des populations soumises à une divinité…ou quelque chose comme ça. Là encore, une installation bouleversante.Le sculpteur Marc Petit occupe une place de choix dans cette Abbaye d’Auberive. De très nombreux bronzes sont à voir en extérieur comme en intérieur. Et on se laisse prendre par ses sombres personnages accablés, tourmentés, ravagés de souffrance. L’artiste ne leur a laissé que la peau sur les os. Une peau parcheminée, ridée jusqu’à la déchirure. Ils sont à la fois légers comme des fantômes et lourds comme des humains qui avancent sous le poids de tous les malheurs du monde.
Ils avancent, et même ils dansent. Jambes, bras et mains graciles dessinent des chorégraphies. Mais c’est « la danse macabre ». La mort, déjà, avant même d’être mort. La mort à l’intérieur de la vie. Ou le contraire. La matière même de ces sculptures, entre terre souple manipulée par les doigts de l’artiste et rigidité cadavérique du bronze est extraordinaire.L’exposition m’a laissé plein d’autres résonances vibrer en moi: Un Christ en bois du XVIIème siècle aux côtés d’un Christ en bois de Tanzanie. Des maternités de Côte d’Ivoire en bois associées à des Vierges à l’enfant de France ou d’Italie. Une collection de petits bénitiers. Une sculpture pieuse d’art populaire mexicain. Des peintures de Nitkowski, de Correia, de Rustin… Des dessins de Fred Deux. Un Combas. Une collection de porcelaines de la propagande Mao…
Cliquer sur les visuels pour agrandir, en deux fois, et voir le nom de l’auteur