L’erreur eut été de vouloir faire une typologie de la connasse, ou si j’avais été démago, une apologie de la pouffiasse. Non vraiment cela aurait été trop long. Je préfère vous racontez au fil de l’eau la pollution de la radasse, l’invasion perfide de la salope. Nous sommes toutes confrontées à cette petite garce qui tape sur les nerfs voire qui nous pourrie la life avec application, comme un caillou nous ruinerait le collant dans nos Stilettos. Moi j’ai pas de bol, les connasses j’en connais plein. D’aucuns diraient même que je les cherche. Je ne sais pas pourquoi, j’attire la pupute comme les crottes attirent les mouches. Mais je m’en fiche, même pas mal. Je me venge en inventant des noms d’oiseaux et en élargissant mon vocabulaire animalier. : Grues, morues, hyènes, vipères, dindes, guenons, chiennes. Résultat au milieu de cette arche de Noé, je ne daube pas, je suis zoologue, ranavoir.
Au début (naïve enfant que j’étais) je pensais que la connasse n’était qu’un gentil surnom donnée aléatoirement aux minettes avec un soutif bonnet B et aux ex les plus collantes de l’homme du mois. Notez bien qu’on était encore loin de ferrer l’homme de notre vie pourtant on était déjà envahies de parasites n’ayant rien à envier au velcro. On ne connaissait pas notre chance. Elles se contentaient en effet de lancer des regards langoureux derrière leur Clairefontaine en mâchouillant leurs mèches et en passant mots doux et promesses sexuelles buccales à notre propriété privée du moment. Connasses. J’apprendrais bien plus tard qu’avec l’âge cette petite pollution gentillette prendrait des airs d’Amoco Cadiz.
Au début (naïve junior que j’étais) je pensais qu’au bureau, la salope était la fille qui couchait avec le patron ou celle qui se cambrait a la photocopieuse en nous regardant l’air hautain ou plus généralement toutes les crevardes en bonnet C. J’appris plus tard à mes dépends que la morue avait de multiples visages, et des répliques facilement reconnaissables :
« t’as grossi / maigri, t’étais mieux avant »
« t’es frisée / brushinguée, t’étais mieux avant bis »
« dis donc t’es maquillée aujourd’hui tu passes un entretien ? »
« toi t’es pas jolie, à la rigueur t’es mignonne mais pas jolie »
« j’ai vu ta robe en vitrine et je me demandais qui pouvait bien acheter ça. Mais à toi ça va bien »
« je veux que tu aille manger à 12h, pisser à 13h15, que tu sois dans mon bureau à 14h précise »
« bon, il est 19h notre petite réunion se termine j’ai besoin des (tonnes d’) infos dont nous avons parlé pour demain 9h »
« non je ne veux pas te virer, par contre je t’ai envoyé une offre d’emploi chez un concurrent tu me diras ce que tu en penses… non non ne me dis pas merci »
…
Pourtant ce ne sont que les parties émergées de la brochette (femelle du Brochet… si si vérifiez) de bureau, tapie dans sa grotte, fondant sur leur proie au moindre signe de promotion.
Depuis, beaucoup moins naïve, je vérifie moi-même que ma jupe n’est pas coincée dans mon collant, je vérifie comme une grande que le persil ne s’est pas sournoisement glissé dans mon sourire, je check nonchalamment que les ex n’envoient pas des petits cœurs à chéri chéri. Au bureau je ne dors que d’un œil et verrouille mon poste à chaque arrêt pipi. Je me méfie des compliments féminins, j’anticipe les vacheries, je suis souple sur les genoux, je ne baisse pas la garde. Je suis Billy Eliott rescapée de la danse classique pour me vautrer dans la boxe thaïlandaise.
Mais je crois que j’ai trouvé la parade. J’ai la botte secrète pour les rendre folles : je m’en fou. Je souris, tout le temps, tant pis. J’ai l’air de Barbara Gourde, de Candy au pays des Télétubbies, mais ma griffe est d’acier. Je cultive l’air gentil, je les fais baisser la garde. Plongée contre plongée, a ce petit jeu là moi aussi j’ai gagné mon bonnet C. Je veille et reste zen au lieu de jouer au nail-pillow fight à s’en défigurer. Mon calme les rend dingue, pourtant je fulmine. Elles me détestent, elles daubent sur moi. Allez-y mes chéries ne vous retenez pas… appelez moi salope, connasse, appelez moi morue. Moi aussi je vous aime …