Luce Guilbaud : Tu dis que la poésie est le moyen d'échapper aux discours. Peux-tu en dire un peu plus ? Est-ce un certain degré d'obscurité que tu recherches qui est poésie pour toi ?
Françoise Clédat : Au discours au singulier, à la contrainte et aux limites du logos, à cette construction - langage, verbe, parole - par laquelle nous sommes voués à comprendre, penser, interpréter ce que nous percevons du réel. Un instrument magnifique dont j'ai eu très tôt la passion. Très tôt, l'utilisant, j'ai éprouvé qu'il décuplait l'intensité des expériences vitales de quelque ordre qu'elles soient, créait cette intensité en la révélant. Mais, parallèlement, je me suis heurtée dans cet usage à l'insuffisance de ma pensée, de mon intellect, au fait qu'une forme de connaissance résistait à la clairvoyance, demeurait irréductible aux formes intelligibles par lesquelles je peux m'efforcer de l'atteindre, approximative à jamais. Quand ce n'est pas mensonge, ou imposture. L'obscurité comme faille de l'intelligibilité. Témoin ou résultante d'une pratique comme mode de connaissance, à la fois dans sa tentative éperdue et dans son échec. Ce qu'est la poésie pour moi. Ce désir.
On peut retrouver l’intégralité de cet entretien dans la revue Décharge, n°175.