Dans un précédent billet, je donnais quelques pistes pour rentrer, doucement, dans le monde assez spéculatif des cryptodevises. Le dernier billet sur Bitcoin a d’ailleurs déclenché une demande d’un petit guide général sur ce qu’il convient de faire pour enfin posséder quelques cryptos.
Voici donc quelques éléments supplémentaires d’information – et merci au passage à Axel Roffi pour le retour d’expérience sur Localbitcoins.
Préambule
Est-ce une bulle ? Si vous lisez ceci, n’êtes absolument pas au courant de ce que sont les bitcoins et les cryptos, mais voulez absolument mettre 100, 1000 ou 10.000 euros pour profiter de la ruée, alors oui, soyons clairs, c’est bien une bulle. De toute façon, c’est une bulle parce que les attentes sont énormes et les usages sont rikikis.
En effet, ce qu’on peut espérer de la technologie une fois en place est effectivement révolutionnaire et les enjeux sont de taille mondiale, avec des implications en terme de gouvernement, de finance, de gestion de la propriété privée qui sont elles-mêmes absolument énormes.
Certes.
Mais d’un autre côté, les usages réels et palpables des cryptos, à l’heure actuelle, sont absolument microscopiques. Au-delà du pure « trading », les solutions mises en places sont pour le moment extrêmement modestes et de tailles réduites. Le nombre de commerçants acceptant les bitcoins augmente tous les jours, mais si on devait comparer à l’arrivée d’internet ou à l’informatisation, on en serait encore qu’au tout début. Même chose pour les applications qui bénéficient des cryptomonnaies et des « contrats intelligents » basés sur Ethereum et ses dérivés : si on élimine les petits outils, les bricolages, les jeux de hasard et quelques applications d’assurance ou de trading de taille extrêmement réduite, il n’y a aucune application majeure apte, pour le moment, à remporter une adhésion massive de centaine de millions d’utilisateurs.
Enfin, les estimations du nombre d’acteurs effectifs sur ces marchés amènent à un chiffre bien inférieur à 50 millions d’individus. Pour le moment, il est raisonnable de penser qu’entre 5 et 10 millions de personnes possèdent des cryptomonnaies, sur 7 milliards d’humains (soit 0.14%). Par comparaison, Facebook touche plus d’un milliard d’humains (100 fois plus) et représente une capitalisation de 400 milliards de dollars (soit seulement 5 fois la valorisation de Bitcoin).
Bref, oui, c’est bien une bulle. Mais il est impossible de savoir si l’on est au début ou à la fin de celle-ci (et vu le nombre restreint d’utilisateurs, on peut logiquement penser qu’on n’est qu’au début), et surtout, cela ne change rien aux perspectives de long terme : les cryptomonnaies sont là pour durer. S’il est difficile de savoir lesquelles, parmi les centaines qui existent déjà, seront encore là dans 10 ans, comprendre comment elles fonctionnent et en posséder quelques unes ne paraît pas un mauvais pari actuellement. Pour rappel, ceux qui ont acheté pour 100$ d’actions Amazon lors de son introduction en Bourse en ont maintenant pour plus de 63.000$, 20 ans plus tard.
Autrement dit : oui, c’est très risqué, mais le moment semble malgré tout propice pour entrer intelligemment sur le marché.
1 – Comment acheter/vendre les cryptos :
Deux grandes méthodes :
a/via une plateforme de trading.
b/directement, ce qui suppose d’avoir un portefeuille dans les différentes cryptomonnaies.
a/ Acheter et vendre via plateforme
J’ai testé Bitstamp et Kraken et peux donc en parler en connaissance de cause :
Kraken: https://www.kraken.com
Il faut s’enregistrer proprement, donner toutes ses informations personnelles, une preuve de résidence (facture d’électricité, internet, …) et une photo de passeport ou de carte d’identité. Une fois ceci fait, on peut commencer à acheter / vendre en utilisant une carte de crédit (sur Bitstamp) ou en faisant un transfert banque à banque (pour les deux). Cette vérification prend du temps, plusieurs jours dans les deux cas, notamment parce que c’est un processus humain et aussi parce que ces plateformes, victimes de leur succès, ont beaucoup de dossiers à traiter.
Pour Kraken, l’ensemble des opérations se passe dans Funding (pour créditer le compte) et dans « Get Verified » (pour fournir l’ensemble des papiers de formalité bancaire).
Pour Bitstamp, l’enregistrement des données personnelles se fait dans « My Account » et « Verify Account« , et dans « deposit » pour le créditer.
Dans les deux cas, il s’agira d’utiliser un virement banque à banque SEPA. Dans la plupart des pays, c’est très simple. En France, cela veut dire que vous devrez faire comprendre à votre banque que vous voulez ajouter un bénéficiaire aux comptes que vous avez déjà déclaré. Si vous passez par une application bancaire en ligne, ce sera relativement simple de déclarer le nouveau bénéficiaire et ne demandera qu’une invraisemblable vérification de la part de votre banquier (via SMS ou via un courrier ou un télégramme du Pony Express ou que sais-je encore). C’est la France et son réseau bancaire sait faire frémir les « digital natives ».
Partant de là, une fois enregistré et des fonds déposés, il suffit de passer les ordres pour acheter et vendre des cryptos.
Notons le site Changelly qui permet de réaliser des opérations d’achat-vente dans des douzaines de cryptodevises différentes, mais il faut avoir mis en place le(s) portefeuille(s) qui recevront les cryptos achetées.
* Concrètement, comment se passe un achat de Bitcoin ?
L’idée sera donc de passer un ordre d’achat. En l’échange de (par exemple) 100€, vous prendrez les (milli)bitcoins qu’on vous proposera. Vous pouvez aussi imposer une quantité de (milli)bitcoins à avoir en l’échange de vos 100€ et l’ordre attendra jusqu’à ce qu’il soit servi (ou jamais si tout le monde trouve votre prix trop bas).
Sur Kraken, cela reviendra à peu près à ceci (cliquez sur l’image pour la voir en taille normale) :
Il faudra cliquer sur (1) « Trade » puis « new order » en dessous, entrer le montant (2) en ayant choisi « euros » (3) comme monnaie d’achat. Cliquer sur le gros bouton vert lancera l’ordre qui devra trouver preneur pour qu’enfin des bitcoins soient déposés sur votre compte (qui sera débité de vos euros au passage).
La vente se déroule globalement de la même façon, mais au lieu de vendre des euros pour acquérir des bitcoins, on fait exactement l’inverse : on passe à nouveau un ordre en positionnant les différents paramètres en fonction du marché (en essayant, pourquoi pas, de vendre ses cryptos aussi haut que possible – après tout, c’est le but).
Sur Bitstamp, cela donnera cela :
On aura d’abord cliqué sur (1) « Buy / Sell » pour se positionner sur la page d’achat/vente, puis on cliquera sur (2) « Buy » pour acheter quelques bitcoins. Cliquer sur le gros bouton vert citron en bas lancera l’ordre.
* Concrètement, comment retirer ses bitcoins vers son portefeuille ?
Si vous ne voulez pas laisser vos précieux bitcoins sur la plateforme d’échange (ce qui est une sage décision, personne ne devant trop faire confiance à personne dans le monde numérique – principe de base sur lequel est construit Bitcoin, du reste), il vous faudra faire un retrait (withdraw) depuis l’une ou l’autre plateforme.
Pour Kraken, cela donnera à peu près ceci :
Après avoir cliqué Funding (1), on choisira le retrait (« withdraw », en (2)) puis Bitcoin (XBT) en (3). La méthode sera « Bitcoin », permettant un transfert vers votre portefeuille. Il vous faudra obtenir l’adresse de ce portefeuille (ce qui est expliqué plus loin). Pour la saisir, on emploiera le bouton « +Add address » (5). Il suffira ensuite de valider le nombre de bitcoins qu’on souhaite retirer et de valider avec le gros bouton vert.
Sur Bitstamp, c’est globalement la même chose :
On remplira l’adresse de destination (avec un joli petit libellé le cas échéant) et la quantité que l’on souhaite transférer. Bitstamp ne rigole pas avec la sécurité et vous imposera l’utilisation d’un facteur d’authentification supplémentaire. L’objet de ce billet n’étant pas de décrire l’authentification à facteurs multiples, je vous renvoie à cette petite documentation. Au final, en cliquant sur le gros bouton vert « withdraw », on lance le retrait.
Dans les deux cas (Kraken et Bitstamp), la transaction de retrait est lancée ce qui va aboutir à écrire (au moins) une transaction sur la blockchain Bitcoin depuis une adresse détenue par la plateforme vers une adresse détenue par vous (votre portefeuille).
Achat de bitcoin, retrait de ces derniers vers votre portefeuille, voilà qui est fait si l’on considère les plateformes de trading. L’autre solution, sans passer par une plateforme, est l’achat direct.
b/ Achat et vente en direct
Ici, pas d’intermédiaire « de stockage » : on va acheter et les cryptos seront directement déposées sur un portefeuille numérique qu’on se sera mis en place. Une solution consiste à avoir un ou plusieurs logiciels qui tournent sur sa plateforme préférée (l’ordinateur de bureau, le téléphone mobile, etc… ) mais cela imposera de savoir faire des sauvegardes, de protéger soi-même ses mots de passe et ses clés privées.
* Quelques informations sur les portefeuilles électroniques
Sur mobile, on trouve Coinomi qui marche bien (on le trouvera bientôt sur AppStore et il est déjà disponible sur GooglePlay) ; Electrum est spécialisé pour Bitcoin, mais est plutôt bien fait. Enfin, Mycelium est un bon portefeuille présent sur Android et Apple.
Si on regarde ceux qui n’ont pas d’installation (des sites en ligne, donc) citons Coinbase qui offre un bon service pour ETH, BTC et LTC. Il y a une comparaison de différents services ici. Dans tous les cas, il y a des procédures d’enregistrement qui ne sont pas toujours simples ou rapides.
En installation sur PC, c’est un peu la bousculade de portefeuilles mais aucun ne gère le multidevise. Dans les bons portefeuilles, on trouve Mycelium ou Electrum.
L’alternative, c’est localbitcoin qui permet d’acheter / vendre directement à des gens dans le monde réel, de la main à la main. Cela suppose bien sûr d’avoir le portefeuille déjà créé (pour du BTC) et de rencontrer les personnes pour échanger du cash contre leur crypto, mais c’est pratique si vous souhaitez acquérir très rapidement des bitcoins sans passer par une identification longue et fastidieuse.
Il ne faut pas s’arrêter au terme « local » ; ici, vous pouvez tout à fait acquérir des bitcoins d’un correspondant (par exemple espagnol) s’il a un compte bancaire dans un pays SEPA. Pour ce faire, il vous suffit de choisir le mode de paiement adéquat (dans notre cas, un virement SEPA) :
Pour des raisons de sécurité évidente, il est impératif de choisir un profil avec un historique de transactions impeccable. En cliquant sur le profil, on obtient toutes les informations nécessaires pour effectuer notre achat et les règles de transactions fixées par le vendeur. Il est préférable de créer un compte afin de dialoguer instantanément avec notre correspondant. Comme la monnaie est très volatile, le temps est un facteur important et il faut agir vite pour avoir le prix indiqué.
Le virement SEPA est donc une méthode de paiement relativement facile selon les délais de votre banque pour ajouter un nouveau bénéficiaire. L’autre méthode plus rapide, plus anonyme, est bien évidemment le paiement en cash. Pour ce faire, on choisit cash comme moyen de paiement dans notre liste déroulante :
On a alors une liste de vendeurs qui proposent leurs services. Pour les mêmes raisons que précédemment, on choisit également ceux qui ont un historique impeccable et on les contacte pour convenir d’un rendez-vous. Les règles de l’échange sont là encore fixées par le vendeur et sont souvent les mêmes :
En terme de retour d’expériences, ceux qui ont essayé localbitcoin ont constaté une commission de vendeur variant entre 4 et 5%. C’est de loin le moyen le plus rapide pour obtenir des bitcoins, puisque cela peut être négocié en une heure.
Au passage, une fois qu’on dispose de Bitcoin (monnaie reine), on peut acheter et vendre directement sur les plateformes ci-dessus avec un minimum de paperasse (puisqu’on échange des cryptos contre d’autres cryptos, il n’y a pas de monnaie fiat impliquée ce qui simplifie grandement la donne).
* Sapristi, où est mon adresse bitcoin ?
Vous l’aurez noté, une adresse Bitcoin ressemble donc à une suite de caractères plus ou moins longue commençant par « 1 ». Muni de cette adresse de réception, vous pouvez facilement recevoir vos bitcoins.
2 – Quel panier ?
Pour en revenir à une stratégie concrète dans l’immédiat, je pense intéressant de rentrer, mais sans prendre de risque, et en procédant progressivement :
– typiquement, une somme fixe, toutes les semaines (un investissement tous les mois, c’est déjà trop long dans le monde des cryptos) ; la somme peut être modeste, 50€ ou 100€ par exemple.
– constituer plutôt un panier de crypto plutôt que tout mettre sur BTC ; en substance, voici ce que recommande :
– Bitcoin – BTC 15%
– Litecoin – LTC 15%
– Ethereum – ETH 20%
– Monero – XMR 25%
– Dash – DASH 25%
À mon avis le potentiel d’appréciation de XMR et DASH est supérieur à celui qui existe sur BTC et LTC donc mettre un peu plus sur ces monnaies semble logique. Mais tout mettre à égalité n’est pas réellement choquant non plus, et c’est plus simple.
Si on aime le day-trading, on peut réduit de 10% sur tous les autres (i.e 13.5, 13.5, 18, 23.5, 23.5 ) et on introduit
– Ripple – XRP 4%
– Lumen/Stellar – XLM 4%
Ces deux cryptos sont petites (pour 10€, on a 50 XRP et 530 XLM) et assez volatiles, ce qui permet d’avoir un bon levier en cas de hausses. Mais il faut aimer jouer et être vigilant sur les mouvements dans une même journée. Et si on n’a pas le temps, autant laisser ces deux là.
Dernier point : quel moment pour rentrer ? Votre estimation vaut probablement la mienne. Gardez à l’esprit que le monde des cryptos est extrêmement jeune et particulièrement turbulent. Le marché est étroit et (sur)réagit donc rapidement aux événements extérieurs. Enfin, il n’est pas exempt de dissensions internes.
En cas d’événements extérieurs, je ne suis pas inquiet pour la plupart des principales monnaies citées ci-dessus. Même les grognements ou tentatives d’interdictions d’Etats pourtant réputés pour être autoritaires (Venezuela, Chine, pour ne citer que ces deux exemples les plus saillants) n’ont que marginalement modifié la donne. Cela ne modifie guère le potentiel des cryptos sur le long terme.
En revanche, les événements internes, comme ce qui se passe actuellement sur Bitcoin (les dissensions entre les développeurs de Bitcoin Core d’un côté, farouchement contre Segwit2x, et les mineurs de l’autre, résolument pour), et son possible dénouement fin octobre début novembre, pourraient aboutir à de nouveaux forks qui pourraient bien affaiblir durablement la monnaie reine. La prudence et la vigilance s’imposent donc pour les prochaines semaines.
J’espère que ce petit manuel rapide (mais gratuit) donne un aperçu de ce que vous pouvez faire pour vous procurer des cryptomonnaies. Je sais qu’il ne répondra pas à toutes vos questions, que vous pourrez donc poser en commentaire de ce billet et auxquelles je tenterai de répondre. Enfin, comme indiqué ci-dessous, j’aime bien, moi aussi, les Bitcoins et j’accepte volontiers les dons.
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