Vendredis du Vin # 15: Sekt ou Nul n'est Champagne dans son pays

Par Irislisson
  Milles raisons pour ce retard (la vigne, le travail, la chaleur, des visiteurs,....) mais avant d'abandonner ma participation jusque là régulière aux Vendredis du Vin, je préfère me faire gronder par Nicolas Ritoux, président de cette 15ième édition des VdV, à qui je présente toutes mes excuses et je vais essayer de vous livrer ma contribution tardive sur des vins effervescents, qui ne viennent pas de Champagne.

Malheureusement, ma cave ne regorge pas de pétillants ou mousseux en ce moment. Il reste, bien sûr encore une ou deux bouteilles de vrai Champagne, mais le stock de blanquette de Limoux, méthode ancestrale, qui fait partie de mes bulles préférées et bio de chez Jean-Claude Beirieu, pour les jours d'hiver, est épuisé et attend un renouvellement à la prochain édition du marché biologique à Olargues au 15 août.
Oui, vous avez bien lu: les jours d'hiver - chez nous,
sans frigo, les bulles, comme la mousse au chocolat et d'autres denrées, qui sont mieux servis frais, c'est pas l'été, qu'on s'en régale...
De quoi vais je donc vous entretenir, si je n'ai rien à me mettre dans le verre, allez vous vous demander. D'un sujet, qui a suscité ma curiosité, quand j'ai vu cette bouteille dans la vitrine d'un boucher lors d'un voyage en Allemagne l'année dernière:

J'ai pris cela d'abord pour du pur folklore, surtout quand j'ai vu l'étiquette de prés

Sekt  demi-sec (donc entre 33 et 50 g/l de sucre résiduel) du Boucher - donc un vin effervescent Allemand, qui m'a pas insufflé assez de confiance, pour en ramener dans mes bagages...

Mais j'ai commencé à m'intéresser à la différence entre le Sekt, très prisé en Allemagne et le Champagne.
Particulièrement prisées chez les dames sont les bouteilles appelées "piccolo", donc de 0,2 l, qui se consommaient déjà au petit déjeuner tardif entre copines, au café ou à toute autre occasion de réunion féminine quand j'étais petite. (Avec le
Eierlikör  - liqueur à base d'œufs - probablement une des base de l'alcoolisme léger chez la gente féminine en Allemagne de l'époque de nos mères et grandes mères).

Mais revenons à l'histoire du Sekt en Allemagne. Les premières maisons, qui fabriquaient ces vins effervescents datent du début du 19ième siècle et suivaient la méthode champenoise à la lettre et avec un succès vite grandissant. Les vins de base venaient souvent même de France et les cuvées se vendaient sous des noms comme „Monopol“, „Crémant Rosé“, „Lemartin frères“ etc. - il s'agissait donc, comme dans le sujet de notre VdV de Champagne qui ne vient pas de la Champagne. Je vous retrace comme exemple l'histoire d'une entre eux, Kloss & Foerster, crée en 1856 à l'Est de l'Allemagne, à Freyburg, en Saxe.
Et arrivât, ce qui devrait arriver: La Maison de Champagne Heidsieck à Reims gagne déjà en 1894 un procès, qui interdit à la maison Allemande Kloss & Foerster, de commercialiser son effervescent sous le nom de Monopole...

Celle-ci doit donc changer sa marque commerciale et ses étiquettes et choisit le nom de Rotkäppchencapsules rouges de ses bouteilles (et accessoirement à la marque "red top" de Heidsieck...) (chaperon rouge) pour sa production - une allusion aux traditionnelles


Le petit chaperon rouge devient une ambassadrice infatigable à travers plus d'un siècle pour ces bulles fabriquées à l'est de l'Allemagne - à travers deux guerres, comme marque fétiche pendant 40 ans de RFA - expropriée et transformé en VEB (entreprise possédée par le peuple) - la production augmente - on installe d'autres procédés, à partir des années 60, 70 et 80, comme la méthode de transfert et la méthode de la cuve close, inventé déjà 1907 par Auguste Charmat, continu à importer des vins de base de France, Italie, Espagne et des pays de l'Est - la production augmente de 600.000 btls/an en 1956 à 15.000.000 btls/an dans les années 80 - jusqu'à la réunification 1989, qui - avec l'entrée des mousseux venus du Ouest, mène au déclin...

Un management-buy-out
et des dirigeants, qui se portent aussi acquéreurs, sauvent l'affaire, on regagne d'abord le marché de ex Allemagne de l'Est et petit à petit aussi le reste du pays et l'export. Le marketing y est aussi pour quelque chose, regardez notre chaperon du début du deuxième millénaire:

qui est omniprésente sur les écrans, les pages de la presse écrite et aussi sur l'Internet - pas sûr, qu'elle trouvera grâce devant les gardiens de la loi Evin en France aujourd'hui...

Aujourd'hui, les marques Mumm, Jules-Mumm et MM-Extra, rachetés de Seagrams, font aussi bien partie de la maison, que la noble Geldermann Privatsektkellerei à Brisach - et faute de pouvoir s'appeler Champagne, la gamme de la société, qui couvre aujourd'hui un tiers des ventes d'effervescents en Allemagne, contient des Sekt Tradition - la base de la gamme, avec des mousseux, qui sortent de fermentations et prises de mousse en cuve méthode Charmant, les Sekt Flaschengärung (fermentation en bouteille), qui sont fabriqués après la méthode du
transfert  , et finalement les Sekt traditionelle Flaschengärung (fermentation traditionnelle en bouteille), qui est la seule à correspondre à la méthode champenoise ou traditionnelle.
Que des enquêtes auprès des consommateurs montraient, qu'il y a que 14 %, qui savent faire la différence entre ses différents
dénominations, va étonner personne.
Ils se buvaient 450.000.000 bouteilles de mousseux en Allemagne en 2007 - 4 sur 5 bouteilles avec des bulles venaient de la production Allemande, étaient donc des Sekt.
Si vous êtes curieux, de lire ce qu'ont trouvé des bloggueurs Allemands de la Weinrallye sur un sujet semblable, vous pouvez regarder
ici et voir, que j'avais sauvé l'honneur du Champagne français au milieu de tant de bulles.
PS:
entre temps, vous pouvez
lire le compte rendu de ces pétillants Vendredis du Vin # 15 chez Nicolas Ritoux, à qui je vais excuser le fait, qu'il écorche le nom de mon cher domaine, on me citant comme Lison, vu qu'il a accepté le retard de ma contribution et qu'il est un tout nouveau participant  canadien de ces Vendredis, qui ont changé de gouvernance on passant de Lisa Roskam, Canadienne anglophone, vivant en France,  à Remy, journaliste bi-lingue canadien d'origine francophone du Quebec - il y a même une contribution d'un Américain, qui écrit en français - cela vous changera des fautes, que vous fait une Allemande, qui écorche votre langue à sa manière sur ce blog....
C'est cela, la mondialisation du vin:-)