J’avais zappé le quatrième volume de Millénium, vous savez, ce moment si décrié par beaucoup de fidèles
à Stieg Larsson où David Lagercrantz avait repris la main et les personnages
originaux, le journaliste obstiné Mikael Blomkvist et l’intrigante hackeuse
Lisbeth Salander. Mon intérêt pour le foot étant moyen-moyen, pour le dire sans
offusquer les supporteurs du PSG, son livre écrit avec Zlatan Ibrahimovic n’avait
pas détourné un seul instant mon regard de textes qui m’attiraient bien
davantage, et je n’avais donc aucun avis sur les moyens littéraires du
successeur.
(Je note, au passage, que les éditeurs de La fille qui rendait coup pour coup,
cinquième volume de Millénium paru à
grand bruit la semaine dernière, n’ont pas cru nécessaire, dans la courte
notice biographique consacrée à David Lagercrantz, de rappeler l’existence de
son passage sur les terrains ronds de ballons gonflés comme les montants des
transferts de joueurs.)
Bref, cette fois, je me suis laissé conduire par le
tintamarre et, si je ne sais plus pourquoi je n’avais pas lu le quatrième Millénium (d’autres urgences,
probablement), je sais pourquoi il est peu probable que je lise le sixième
quand il sortira.
Entendons-nous bien : La fille qui rendait coup pour coup n’est pas un thriller indigne,
cela se traverse sans déplaisir aucun, malgré quelques lourdeurs dans les
démonstrations annexes aux enquêtes en cours. Il faut bien expliquer, certes,
ce que sont les thèmes creusés ici, en particulier la gémellité et les
expériences menées, à une certaine époque, en Suède, selon des méthodes
descendant en ligne oblique de celles de Josef Mengele (je dis ça, je ne dis
rien, mais je viens aussi de lire La
disparition de Josef Mengele, d’Olivier Guez, c’est un autre genre, bien
sûr, mais c’est aussi plus passionnant). Quelques raccourcis auraient malgré
tout été bienvenus.
La fille qui rendait
coup pour coup est même, je le reconnais volontiers, un montage assez
réussi entre un sujet fort, un récit construit impeccablement et des
personnages connus qui ne laissent pas indifférent le lecteur que je suis. Mais
enfin, cela sent la fabrication et la sueur qui a accompagné celle-ci. Là où
Stieg Larsson avait largué, comme on se débarrasse d’un colis encombrant dont
on a nourri longtemps le contenu, trois bombes qu’il lui était aussi impossible
de ne pas concevoir que de ne pas lâcher, David Lagercrantz usine à petits
gestes précis une œuvre à la moindre puissance explosive. Dans la catégorie des
romans interchangeables, il tient sa place honnêtement. Je ne dirai pas qu’il s’impose
comme un écrivain indispensable. Beaucoup moins, en tout cas, que Stieg Larsson
chez qui la nécessité et l’urgence donnaient le sentiment qu’il était
nécessaire de l’accompagner.
Je vais donc laisser David Lagercrantz poursuivre sa route
en compagnie, je l’imagine aisément, de nombreux lecteurs. Mais sans moi.