Je reçois ce jour un courrier de médecin conseil, se disant confrère dans sa signature, qui me met dans un état de fureur à peine contrôlable.
Il émane d'une caisse d'un département voisin, il concerne une jeune patiente d'une trentaine d'année, qui s'est occupé de son compagnon atteint d'une leucémie jusqu'à sa mort en septembre 2007.
« 29/05/2006
Docteur,
L'assurance maladie s'est engagée dans le cadre conventionnel avec les médecins à maitriser l'évolution des dépenses d'arrêts de travail. Des actions de contrôle et de sensibilisation sont effectuées auprès des médecins et des assurés.
Dans ce contexte, une étude menée conjointement par le Service médical et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de XXXX a révélé que Madame XXXX XXXX a bénéficié de plusieurs arrêts de travail d'une durée inférieure à 16 jours au cours de la période du 29 septembre 2007 au 2 mai 2008.
Cependant, la seule analyse quantitative de ces arrêts maladie que vous avez prescrits ne saurait suffire à la connaissance fine de la situation de cet assuré.
Aussi, en cas de nouvel arrêt, un médecin conseil sera amené à se prononcer, soit en contactant le médecin prescripteur, soit en convoquant ce patient pour une visite de contrôle afin de justifier cet arrêt de travail.
Nous vous précisons que cet assuré est destinataire d'un courrier l'informant des périodes indemnisées et du contrôle lors du prochain arrêt maladie.
Restant à votre disposition pour renseignements complémentaire, veuillez agréer, Docteur, l'expression de nos salutations distinguées.
Signé : Le Directeur et « Le médecin conseil responsable de l'échelon local du service médical »
»
Wouah... Laissons de coté l'erreur sur la date du courrier... c'est tellement insignifiant à coté du contenu.
Résumons: je suis dans le collimateur de cette caisse, ainsi que la patiente, et la prochaine fois qu'un arrêt passe dans leur mains... ils tapent.
Première question que je me pose... « Qu'est ce que j'ai encore fait.. et qu'est ce qu'on me reproche ».. je me plonge donc dans le dossier de la patiente pour revoir la chronologie, et voir les informations apparemment qui « ne saurait suffire à la connaissance fine de la situation ».
Quelques remarques... d'abord, ils ont du en raté quelques un, car les arrets ont commencé en Aout 2007
Arret 1 : Son compagnon s'aggrave, elle est a son chevet, ne dort presque plus, commence à somatiser avec des douleurs abdominales permanentes et pluriquotidiennes : sur l'arret de travail je leur marque :
27/08/2007 au 3/09/2007 « Lipothymies – Insomnies – Asthénie – douleur abdominales – contexte environnemental actuellement délétère »
Le 3, elle revient me voir, elle va toujours aussi mal, pleure toute la journée, je fais une prolongation jusqu'au 17/09 en ajoutant sur le motif « Probable syndrome anxio-depressif réactionnel ».
Le 17/09 elle revient me voir à nouveau... son compagnon est MORT depuis 2 jours. Nouvelle prolongation jusqu'au 1er octobre , sur laquelle j'ajoute dans le motif d'arrêt de travail : « Décès du compagnon ».
Le 1er octobre, elle revient me voir à nouveau en état d'anxiété généralisé , elle ne mange plus, voit son compagnon mort dans son lit, perds du poids.. véritable entrée dans une dépression. On discute de la nécessité de reprendre le cours de la vie, et notamment du travail.. mais vu le contexte, je lui refais un arrêt jusqu'au 15 octobre.. (toute ces précisions sont consignés sur le motif d'arrêt de travail).
Elle reprend le 16 octobre.. et au bout d'une semaine... crise d'anxiété généralisé, toujours pas de reprises de poids. Etat complètement incompatible avec un quelconque travail.
Je l'envoie chez un psy, qui ... la met en arret de travail.
Je la revois deux ou trois fois pendant qu'elle est suivi... c'est le psychiatre qui se charge des arrets, je n'en ai même pas trace dans mes dossiers...
Jusqu'à ce qu'elle revienne en février avec des hallucinations morbides de son défunt compagnon, refus d'hospitalisation en psy, elle pense que ce psy ne lui sert à rien... d'ou tentative avec un nouveau psychiatre :
Nouvel arrêt le 16/02 jusqu'au 24/02, date à laquelle elle doit voir ce nouveau psychiatre... qui trouve son état incompatible avec l'exercice de son métier... et PROLONGE l'arrêt.
Certes ces arrets sont nombreux mais pour résumer , et venant de ma part, 1 mois et demi d'affilée, lors du décès de son compagnon en septembre... et 8 jours en février sont les SEULS arrêts que je lui ai fait... donc UN SEUL de moins de 16 jours (puisque apparemment.. ils comptent ceux de moins de 16 jours...) Tout les autres ont étés fait par les psy... et à mon avis ils sont largement justifiés.
Mais c'est tellement plus facile de taper sur le généraliste, messieurs les « médecins » conseils des caisses.... n'est ce pas ?
Plusieurs réflexions à vifs .. dès que je vais la revoir, je vais lui demander de changer de médecin, et je vais demander en urgence, qu'on m'enlève des listes sécu comme quoi je suis « son médecin traitant »... puisque le seul fait de l'être... je suis en train de « payer » pour des arrets fait par des médecins spécialistes... (même si je suis tout à fait d'accord avec eux...). Je suis sur qu'elle comprendra.
Je comprends bien les pressions qui sont exercés sur les médecins conseils par les autorités administratives... mais ne sont ils pas avant tout... médecin « titulaire d'un diplôme de docteur en médecine. Il est chargé de guérir et soigner les maladies, pathologies, et blessures de ses patients », ne sont ils pas censés avoir une attitude confraternelle ? (un petit coup de fil pour demander des explications, des informations si elles ne leur apparaissent pas claire ?).
NB: ce "post" date de un mois... j'ai hésité avant de le poster.. attendant des nouvelles de la caisse que j'ai essayé a plusieurs reprises de contacter.. le médecin n'a jamais répondu ni à mes appels direct, ni à mes demandes de me "contacter".
J'ai revu la patiente entre temps, au courant de ma démarche actuelle et de ce post, elle m'a même signé un papier m'autorisant à utiliser les documents la nommant (et m'a aussi donné une copie du courrier qu'elle a reçu).
J'ai mis certains syndicats sur le coup.. mais ils attendant que ca "pète".. car là il ne s'agit que de "menaces"...