Paysage VII
Un peu de jour suffit dans ses yeux transparents
comme le fond d’une eau, et la colère la prend,
aspérité du fond que ride le soleil.
Le matin qui revient et la trouve vivante,
n’est bon ni n’est doux : il la regarde immobile
entre les maisons de pierre qu’enserre le ciel.
Son corps frêle sort entre ombre et soleil
comme un lent animal, épiant tout autour,
et ne voyant rien d’autre si ce n’est des couleurs.
Les vagues ombres qui habillent la rue et son corps
rembrunissent ses yeux qui s’entrouvrent à peine
comme une eau, et dans l’eau une ombre transparaît.
Les couleurs reflètent le ciel calme.
Le pas lui aussi qui foule lentement le pavé
semble fouler les choses, pareil au sourire
qui les ignore et qui glisse sur elles comme une eau
transparente. Dans l’eau passent de vagues menaces.
Chaque chose à la lumière du jour se voile à l’idée
que la rue, si ce n’est sa présence, est déserte.
Paesaggio VII
Basta un poco di giorno negli occhi chiari
come il fondo di un’acqua, e la invade l’ira,
la scabrezza del fondo che il sole riga.
Il mattino che torna et la trova viva,
non è dolce né buono : la guarda immoto
tra le case di pietra, che chiude il cielo.
Esce il piccolo corpo tra l’ombra e il sole
come un lento animale, guardandosi intorno,
non vedendo null’altro se non colori.
Le ombre vaghe che vestono la strada e il corpo
le incupiscono gli occhi, socchiusi appena
come un’acqua, e nell’acqua traspare un’ombra.
I colori riflettono il cielo calmo.
Anche il passo che calca i ciottoli lento
sembra calchi le cose, pari al sorriso
che le ignora e le scorre come acqua chiara.
Dentro l’acqua trascorrono minacce vaghe.
Ogni cosa nel giorno s’inscrespa al pensiero
che la strada sia vuota, se non per lei.
Cesare Pavese, Travailler fatigue (Lavorare stanca), édition bilingue, traduit de l’italien et préfacé par Gille De Van, Gallimard, 1969, p. 91 et 90.
Je remercie Tristan Hordé pour cette contribution
note bio-bibliographique de Cesare Pavese
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