Un scandale et surtout d'insupportables et innaceptables pressions pour faire taire une voix et une expression libre. Mais heureusement après trois heures passées au tribunal militaire de Beyrouth, le réalisateur franco-libanais Ziad Doueiri a bénéficié d'un non-lieu lundi en début d'après-midi.
Z. Doueiri avait été interpellé dimanche soir à son arrivée à l'aéroport de Beyrouth par les autorités libanaises qui lui avaient confisqué ses passeports libanais et français. Une convocation lui avait été donnée pour une comparution devant le tribunal militaire, ce matin, sans que les motifs en soient précisés. Z. Doueiri rentrait au Liban après avoir que son dernier film, L'Insulte, avait été primé, samedi, à la Mostra de Venise.
Z. Doueiri a été entendu pendant une heure par le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, le juge Sakr Sakr. Le réalisateur "était accusé d'avoir violé l'article 285 du code pénal libanais qui interdit toute visite en territoire ennemi sans autorisation préalable" des autorités libanaises, a précisé son avocat, Najib Lyan. Ce dernier a indiqué, lundi, que le réalisateur avait adressé une demande au ministère de la Défense, mais que ce dernier n'y avait jamais répondu.
Des journalistes, notamment d'al-Akhbar, et des militants libanais avaient réclamé ces derniers jours des "excuses" au réalisateur pour son avant-dernier film, L'Attentat, tourné en partie en Israël, y voyant une "normalisation" des relations avec l'État Hébreu.
Adapté du best-seller de Yasmina Khadra, L'Attentat est l'histoire d'un chirurgien israélien d'origine arabe dont la femme est l'auteur d'un attentat suicide. Le film avait été interdit au Liban en 2013 à sa sortie, parce que le cinéaste avait tourné partiellement en Israël avec quelques acteurs israéliens.
Lundi matin, le juge Sakr Sakr a estimé que les faits étaient prescrits, a précisé l'avocat du réalisateur à L'Orient-Le Jour. Le réalisateur s'est immédiatement rendu à la Sûreté générale pour récupérer son passeport. "Cette affaire a été fomentée par deux catégories de personnes : les jaloux du succès du réalisateur et les politiques qui veulent vider le Liban de ses forces vives dans la continuation de la politique du régime syrien", a ajouté l'avocat.
"Je suis arrivé à l'aéroport et les agents de la Sûreté générale m'ont interpellé et confisqué mes passeports. Quand j'ai demandé de quoi j'étais accusé, on m'a répondu qu'on ne pouvait rien me dire", a déclaré à la presse M. Doueiri après son non-lieu. "Les gens qui me combattent essaient d'empêcher la diffusion de mon nouveau film L'insulte, a-t-il affirmé. Mais j'ai été longuement interrogé et la justice a constaté que je n'avais aucune intention criminelle vis-à-vis de la cause palestinienne". Interrogé par les journalistes, le réalisateur a affirmé soutenir la cause palestinienne. "Des membres de ma famille sont morts en défendant la cause palestinienne", a-t-il dit avant d'ajouter : "Mais certaines personnes veulent faire de la surenchère".
Le cinéaste rentrait d'Italie, en prévision de l'avant-première, prévue demain mardi, de son film L'Insulte, pour lequel l'acteur palestinien Kamel el-Basha a obtenu le prix de la meilleure interprétation masculine à la Mostra de Venise, lorsqu'il a été interpellé à l'aéroport de Beyrouth. Ce week-end, Ziad Doueiri avait également annoncé que le ministère libanais de la Culture avait sélectionné l'Insulte pour représenter le pays du Cèdre dans la course à l'Oscar 2018 du meilleur film étranger.
"Je suis profondément blessé. Je viens au Liban avec un prix de la Mostra de Venise, et la police libanaise a autorisé la diffusion de mon film. Je ne sais pas qui est responsable de ce qui s'est passé", avait déclaré à l'AFP Ziad Doueiri dimanche soir. "Nous saurons au tribunal qui se trouve derrière cette affaire", avait-il précisé.