Un an après leur album éponyme, nous avons rencontré le duo de producteurs néerlandais afin de discuter de leur relation avec la musique.
Un an après la sortie de votre premier album, est-ce que vous y changeriez quoi que ce soit aujourd'hui ?
Harm Coolen : Je pense que oui. C'est vraiment un truc spécifique mais après avoir écouté cet album à travers des centaines de haut-parleurs différents, je réduirais de quelques décibels le low end.
Merijn Schotte-Albers : Je dirais que lorsque nous produisons un album, nous voulons qu'il soit le mieux possible. Au moment de sa création nous le trouvions donc parfait mais maintenant notre vision de la musique est différente. Mais c'est comme ça ! Il est sorti et maintenant nos interrogations se portent majoritairement vers l'avenir.
Est-ce que vous vous lassez rapidement de vos créations ?
Merijn : Si c'est une bonne track, je peux l'écouter pendant des mois, voire des années. En général, si une composition nous lasse, il est inutile de s'obstiner.
Harm : Pareil
Il y a quelques mois vous avez sorti un remix EP. Quel effet ça fait de se faire remixer ?
Harm : Je crois que c'est toujours cool d'offrir à une track une seconde vie. Cet EP donne des versions orientées club de nos tracks qui ne l'étaient pas forcément à la base.
Merijn : Lorsque nous sommes en DJ set, nous n'avons pas l'habitude de passer nos propres tracks, ou alors c'est très rare. Cependant nous n'avons aucun mal à passer les tracks de cet EP, c'est plutôt excitant.
Harm : Excitant est le bon mot je pense
Est-ce que c'est frustrant parfois ?
Harm : Non pas vraiment. Le fait est que nous prenons de la distance avec ces remixes car à partir du moment où les tracks sont retravaillées, elles ne nous appartiennent plus. Dans cet EP, la plupart du temps seule des petites parties des tracks originales ont été réutilisées (comme une ligne vocale par exemple). C'est pour ces raisons que s'il y avait quoi que ce soit qui ne me convienne pas, il est impossible de mal le vivre.
Vous faites également des remixes. Selon vous il est plus facile de remixer ou de composer une track originale ?
Merijn : Remixer est plus facile. Nous remixons le plus souvent des tracks qui ont des hooks captivants comme pour notre remix de The Acid. La musique originale a un tempo 2 fois plus lent et possède un hook vocal de ce genre. Par moments, elle dégage trop d'émotion, ce qui ne correspondait pas à nos goûts. Donc voici ce que nous avons fait : nous avons pris le hook et l'avons rendu plus groovy. Bien sûr nous sommes assez difficiles et il est assez dur de trouver du matériau que nous jugeons intéressant à remixer.
C'est plutôt bizarre de vouloir enlever de l'émotion dans une track non ?
Merijn : Ah oui ? Que-ce que tu veux dire par là ?
On pourrait penser que l'essence de la musique c'est justement l'émotion.
Merijn : Oui je vois, dans cet exemple nous voulions plutôt que la track renvoie une émotion différente.
Harm : Oui, la rendre moins dramatique en fait.
Merijn : Pour revenir à ta question précédente, lorsqu'on produit une track originale, c'est souvent à la fois excitant et difficile de trouver un bon hook, un motif intéressant et accrocheur. Tu peux avoir un excellent beat et une ligne de basse parfaite, ça ne suffit pas. L'essentiel est de trouver ce petit truc qui va te donner envie de réécouter la track encore et encore. C'est pour cette raison que remixer une bonne track est agréable : on a juste à ouvrir le projet et la magie opère plus rapidement.
Harm : Cependant nous préférons composer des musiques originales car il y a plus de challenge.
Est-ce que vous samplez beaucoup ?
Merijn : Les parties vocales que nous utilisons proviennent d'amis à nous et non d'internet. Concernant les drums nous enregistrons des parties de notre propre batteur.
Harm : Ça nous arrive d'utiliser des drums kits provenant d'internet mais la plupart du temps elles viennent de notre batteur.
En vous écoutant j'ai l'impression que le son brut a une importance particulière chez vous. Quand je parle de sons bruts, je veux dire tous les sons qui ne sont par générés de manière artificielle.
Harm : Oui je pense. Nous avons commencé à produire sur des logiciels de MAO qui nous permettaient de manipuler le son à notre convenance. Le fait de ne pas se considérer comme des bons musiciens jouant des instruments nous a poussé au début à concevoir notre musique à partir de sons samplés. Lorsque tu samples, tu as énormément de contrôle sur l'échantillon audio. On peut tirer beaucoup de plaisir à retravailler un vieil enregistrement trouvé, de réutiliser les drums...
Merijn : Pour notre nouvelle sortie nous avons vraiment enregistré les sons de batterie nous-même, ce qui était nouveau pour nous.
Vous avez fait une école de cinéma. Pourriez-vous composer des BO de film ?
Harm : Oui bien sûr, si c'est un bon film ! (rires)
Merijn : Tu l'as fait pour un documentaire.
Harm : Oui c'était il y a longtemps, un projet solo avant la création même du groupe. C'était sympa à faire, tout dépend du film en fait.
Composer une BO est un travail différent ?
Harm : Oui c'est totalement différent car tu travailles pour un réalisateur. De plus, tu n'es pas complètement libre car tu dois te calquer sur l'histoire du film ; chaque son, chaque accord dois apporter quelque chose de cohérent à l'oeuvre en allant dans son sens.
Merijn : Je pense que justement le fait de se laisser guider par le film peut rendre les choses plus faciles. Je me trompe peut être mais personnellement je pense que c'est moins évident de faire vivre une track seule qui n'a pas l'apport du film. Tu dois essayer de déclencher des sentiments aussi puissants sans l'aide d'un support visuel. Cependant ça serait intéressant d'essayer.
Et écoutez-vous des BO de films ?
Harm : J'en ai écouté quand j'étais plus jeune. Je me souviens que le premier CD que j'ai acheté était la BO de Matrix quand j'avais 12 ans. A l'époque j'avais adoré cet univers, mais maintenant je sais pas... J'ai changé je suppose !
Merijn : J'ai eu cette récente envie de me replonger dans des BO de film. Car j'ai l'impression aujourd'hui d'écouter des musiques qui se ressemblent toutes. J'ai envie, à la manière d'un scientifique, de découvrir des sons originaux et d'en puiser une nouvelle inspiration. Après c'est sûr que ce n'est pas toujours évident car les BO ne sont pas toujours appropriées à mes moments de vie. Je me vois mal écouter un morceau épique alors que je suis juste en train de faire de la bicyclette...
Harm : Oui c'est vrai. Personnellement j'ai réessayé il y a quelques semaines j'ai eu la même impression : le plus souvent les BO de film sont trop grandioses pour la vie quotidienne.
Pensez-vous que les images influent sur la manière dont nous percevons la musique ?
Merijn : Oui sans aucun doute. J'ai, il y a quelques semaines, essayé d'exploiter ce phénomène. Lorsque tu es au début de la composition d'une track, tu es confronté à plusieurs difficultés. Tu dois te montrer optimiste et plein d'espoir, et te persuader que ce rudimentaire petit enchainement de notes va donner naissance à une oeuvre intéressante. Donc ce que j'ai fait, c'est que j'ai choisi de visualiser mentalement des images, des scènes, afin de donner plus de consistance émotionnelle à mon ébauche et de nourrir mon inspiration.
Et sinon concernant votre futur ?
Harm : On va tous mourir (rires)
Merijn : On a beaucoup d'inspiration pour de nouvelles compostions. On a prévu de retourner en studio le plus souvent possible.
Dernière question : est-ce que ça vous énerve lorsque que quelqu'un écoute pour la première fois Detian et sort " ah mais je connais c'est la musique de Schweppes ! "
Harm : (rires) Non pas du tout ! Ça nous a aidé à faire connaître notre musique, et nous a donné pas mal d'opportunités.
Merijn : Ça n'a jamais été un problème. On a beaucoup joué en France, nous ne passons cette track presque jamais et personne ne la réclame.
Harm : Personne n'est là en train de crier " Où est la chanson-Schweppes ? ". On a vraiment une bonne expérience avec notre public.
Merci à vous !
Harm : Merci à toi !
Merijn : A la prochaine !
Retrouver la dernière sortie de Weval ainsi que leur dernier album.
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