Quatrième de Couverture
La Mare au Diable est un lieu maudit où souffle l'angoisse. Près d'elle se déroule toute l'histoire. Un paysan, veuf avec ses enfants, cherche femme. Qui épousera-t-il ? Celle qu'on lui a promise, ou une pauvre paysanne, harcelée par son patron ? Cette petite Marie est l'âme d'un paysage de rêve, et l'emblème de l'enfance éternelle.
Un roman d'amour, mais traversé par le cri des chiens fous, la nuée sanglotante des oiseaux, le fossoyeur épileptique. La voix de la terre s'y accorde avec celle de l'Âme enfantine : George Sand y parle avec force du sol natal et des premiers souvenirs.
Mon avis
La Mare au Diable est le premier d’une série de romans champêtres où George Sand a choisi de dépeindre la vie à la campagne mais surtout les paysans sous une autre forme que celle faite par ses pairs. Là où, comme elle le dit dans son premier chapitre en s’adressant à son lecteur, les artistes présentent les paysans comme les pauvres travailleurs qui engraissent les propriétaires avant de venir se coucher près de la mort, elle a choisi de montrer qu’ils avaient eux aussi de vraies personnalités, une vie pleine d’animation et des pensées plus profondes que celles qu’on leur prêtait habituellement.
Germain est veuf, il vit avec ses beaux-parents, son beau-frère et ses trois jeunes enfants. Il travaille dur, bien et a une bonne âme. Seulement, à cette époque, toute la famille vit réunie et sous le poids du gain de la terre possédée : plus il y a de bouches à nourrir, plus il faut engranger mais, surtout, il faut s’assurer que tous les petits-enfants auront la possibilité de vivre une fois leurs aînés éteints. C’est dans cette optique que le beau-père de Germain lui propose de se remarier pour trouver une femme qui saura s’occuper des intérêts de ses enfants : c’est que, notre beau Germain n’est pas vénal pour un sou et a tendance à se laisser porter par les décisions des autres tant que lui peut gérer son travail comme il l’entend. Seulement, se remarier ne l’enchante guère et, surtout, le voyage pour se rendre auprès d’une potentielle nouvelle épouse ne se déroule pas comme prévu.
À travers son roman, George Sand cherche à rendre hommage aux paysans de son enfance, à montrer qu’ils ne valent pas moins que les érudits des villes. Eux aussi sont tiraillés par les tracas de la vie, par la mort, par leurs émotions. Les mariages arrangés ne leur conviennent pas forcément, l’amour a tout de même une place dans leur histoire. C’est très romancé mais, en même temps, très réaliste. Germain est l’incarnation de l’homme qui ne réfléchit pas plus que nécessaire : il fait son travail, aime ses enfants, respecte ses aînés et pleure sa femme qu’il aimait réellement. Il ne se torture pas l’esprit avec des pensées parasites jusqu’à ce qu’on les lui mette en tête. La petite Marie, elle, est réfléchie, dégourdie surtout et sait quelle est sa place et ce qu’elle doit faire pour espérer pouvoir se marier : travailler quelques années pour réunir l’argent d’une dot correcte. Puis il y a Petit-Pierre, ce garçonnet qui n’en fait qu’à sa tête, qui réfléchit un peu plus que son père tout en gardeur la candeur de son âge. Ces trois-là forme un trio complémentaire lorsqu’il faut traverser les bois, près de la Mare au Diable pour atteindre les domaines qui attendent Germain pour une femme et Marie pour un travail.
L’écriture de George Sand a encore une fois était un plaisir. Elle conte cette petite histoire avec des phrases poétiques qui restent simples d’accès, qui vont au but. J’ai d’ailleurs pris plus de plaisir à me gorger de ses mots que de son histoire. La trame est intéressante, elle permet de s’immerger dans les coutumes du Berry notamment à travers les appendices de fin d’ouvrage mais sa façon de conter ne nous plonge pas dans l’histoire à proprement parler : c’est une réelle description de la vie à cette époque, une observation d’un pan de vie de ces personnages avec le regard extérieur. C’est très agréable lorsqu’on aime ce genre et cela permet de se mettre au niveau de George Sand pour voir tous ces protagonistes avancer dans leur vie.
J’ai préféré lire La petite Fadette en terme d’attachement aux personnages mais La Mare au Diable a beaucoup à offrir et j’ai su cueillir au cœur des pages ce qui m’intéressait. On peut peut-être reprocher à George Sand d’avoir caricaturer ses personnages secondaires pour aboutir à ce qu’elle souhaitait mais, dans un format court, cela n’est pas gênant. Certains y ont vu une opposition entre les érudits de la ville et les paysans, notamment par la candeur et la bonté d’âme qui semblent dominer chez les paysans mais George Sand s’en est défendue : pour elle, c’était réellement à but de sortir cette campagne de la vision macabre et tragique à laquelle on la destinait dans les œuvres pour raconter enfin une belle histoire.
Un livre à la plume magique pour nous offrir un peu du Berry du XIXe siècle et surtout, un peu de douceur. Des croyances, des coutumes, un peu de superstition et nous tombons tête la première dans ce roman champêtre.
« Nous croyons que la mission de l’art est une mission de sentiment et d’amour, que le roman d’aujourd’hui devrait remplacer la parabole et l’apologue des temps naïfs, et que l’artiste a une tâche plus large et plus poétique que celle de proposer quelques mesures de prudence et de conciliation pour atténuer l’effroi qu’inspirent ses peintures. Son but devrait être de faire aimer les objets de sa sollicitude, et au besoin, je ne lui ferais pas un reproche de les embellir un peu. L’art n’est pas une étude de la réalité positive ; c’est une recherche de la vérité idéale, et Le Vicaire de Wakefield fut un livre plus utile et plus sain à l’âme que Le Paysan perverti et Les Liaisons dangereuses. »