À l’occasion de la première grande rétrospective consacrée à l’œuvre du photographe américain Eugene Richards au Musée George Eastman de Rochester, dans l’Etat de New York (du 10 juin au 22 octobre 2017), les éditions du musée Nelson Atkins publient un superbe catalogue intitulé The Run-On of Time, la première publication à situer le travail de Richards dans la longue tradition photographique fusionnant vision artistique personnelle et pratique documentaire. Le photographe américain est respecté et reconnu dans le monde entier pour son œuvre intègre et puissante, riche de son dévouement aux questions sociales et économiques. Durant ces dernières décennies, il a exploré des sujets complexes, comme le racisme, la pauvreté, l’urgence médicale, l’addiction aux drogues, le cancer, la famille américaine, le vieillissement, les effets de la guerre et du terrorisme, ou la dépopulation des campagnes américaines. The Run-On of Time (« L’ininterruption du temps ») parcourt la carrière de photojournaliste et photographe documentaire de Richards, depuis 1968 jusqu’à aujourd’hui. Jusqu’à maintenant, son œuvre a d’abord été célèbre dans les actualités internationales et les organes de presse pour lesquels il a pris des photos sur commande, ou dans les livres, dans lesquels il plonge au plus profond de ses sujets, par ses photos et des textes à la première personne. À travers plus de 150 photos, cet ouvrage permet une compréhension plus complète de la carrière de Richards, montrant en quoi sa vision artistique personnelle s’avère l’héritière de W. Eugene Smith et Robert Frank dans sa façon d’aborder les questions sociales importantes de notre époque. Le livre présente des photographies extraites des séries majeures de Richards, dont Dorchester Days (1978), étude de la vie d’un quartier au sud de Boston ; Exploding Into Life (1986), chronique de la lutte de sa première femme contre le cancer du sein ; Below The Line: Living Poor in America (1987), étude documentaire de la pauvreté urbaine et rurale ; The Knife & Gun Club: Scenes from an Emergency Room (1989) ; Cocaine True, Cocaine Blue (1994), exploration en profondeur des conséquences sociales de la consommation de drogue ; American We (1994), poignant portrait collectif de la vie de famille américaine ; Stepping Through the Ashes (2002), images de New York les jours qui ont suivi le 11 septembre 2001 ; et The Fat Baby (2005), anthologie de quinze essais photographiques. Ses projets récents sont aussi représentés, avec des photos de The Blue Room (2008), méditation poétique sur les fermes familiales abandonnées des Hautes Plaines ; A Procession of Them (2008), sur ses visites dans les établissements psychiatriques autour du monde ; War Is Personal (2010), portraits empathiques mais impitoyables de personnes ayant fait l’expérience directe de la guerre en Irak ; et Red Ball of a Sun Slipping Down (2014), reconsidération de sa première série aboutie sur le Delta de l’Arkansas. Les photos d’Eugene Richards traitent des aspects les plus profonds de l’expérience humaine : naissance, mort, et effets écrasants de la pauvreté systémique. Son style est déterminé mais poétique, et ses photos profondément ancrées dans le tissu de l’expérience vécue. A travers ses photos, ses écrits et ses œuvres filmées, Richards confronte des sujets provocateurs à une honnêteté dépassionnée, qui peut être également controversée, lyrique, belle et mélancolique. Au final, les photos de Richards mettent en lumière des aspects de la société américaine qui seraient sinon restés cachés à la vue de tous. Le livre est maintenant disponible sur la boutique en ligne du Musée George Eastman, ainsi que sur Amazon.com.