" Une idée cynique a été enseignée à la jeune génération, celle que l'utopie est contre le réel et que, par conséquent, il est bien inutile de lutter pour elle. Mais qu'est-ce qu'une jeunesse sans idéaux ? Quand le réel devient insupportable, il est de notre devoir, surtout quand on est jeune, de le dire à haute voix, de ne pas se taire et se résigner, même si on y laisse sa peau. Parce que la transformation est possible. Alors que la soumission est une vulgarité de l'âme. Même si c'est un mensonge, même s'il est inventé, créé par l'art, le mythe enfante l'espoir... L'art narratif doit créer un monde à côté de ce monde pour lui briser ses chaînes. Il est fondé sur la fable. Il travaille avec les éléments du réel, mais il le transforme. Dès lors que l'on écrit "il était une fois", on transforme. Le problème, c'est que beaucoup de gens voient dans le roman et l'art en général une reproduction de la vie. C'est au contraire l'envers de la vie que l'on propose, pour changer la vie. Ça m'accable quand je lis des auteurs qui racontent une réalité rassurante. La littérature, c'est le contraire. Ça sert à troubler, à perturber, à détourner de ce qui est confortable. Ça n'est pas censé donner la paix."
Lidia Jorge, extrait d'entretien pour le magazine Transfuge n°89, juin-juillet 2015 http://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%ADdia_Jorge