Manish Nai, la Matière comme medium
Jusqu’au 8 octobre à la Fondation Fernet Branca
Issu d’une famille de négociants textiles,
Manish Nai a commencé dès le début des années
deux-mille, à exploiter les possibilités offertes
par la jute, fibre végétale largement utilisée en Inde,
principalement dans l’habillement et dans le secteur
de la construction.
Détournée de sa destination originaire, la jute alors
compressée par l’artiste et agglomérée à du carton
de récupération, devient la matière première d’ensembles
sculpturaux monolithiques aux arrêtes saillantes
et parfaitement rectilignes. Accolées à une structure en bois,
les sculptures compressées de Manish Nai s’inscrivent
à la frontière des plans bidimensionnels et tridimensionnels.
La série des Billboards part d’une exploration sociologique
de l’espace public de Bombay. Suite à la période de récession
entamée par l’économie mondiale en 2008, une multitude
de panneaux d’affichages étaient laissés partiellement vacants,
sans publicités.
Photographiés sur les bords des routes puis combinés et arrangés
digitalement par l’artiste, ces compositions mettent en œuvre
le concept de sérendipité, ou heureux hasard :
« Jusqu’à ce que le papier soit arraché, je n’ai aucune idée de
ce qui apparaitra sur le mur. »
De ce procédé de création émergent des formes et motifs
abstraits, géométriques et entrecoupés par des bribes
de mots et de phrases désorganisés dont la signification
initiale devient supplantée par les seules propriétés esthétiques
de l’ensemble. On peut penser aux affichistes tels Raymond Hains.
Plus singulières, les sculptures compressées faites de journaux
ainsi que l’assemblage de bâtonnets bariolés en tissus
de récupération procèdent de la réutilisation et de la
pérennisation d’objets à la durée de vie généralement éphémère.
Intimement liées au mode de vie indien, le pays comptant
près de cent quotidiens différents, dans dix-neuf langues,
les sculptures de journaux sont compressées puis moulées
autour d’une légère armature de bois.
La fraîcheur et la spontanéité de la démarche de Nai
dans le choix de ses matériaux provient de la grande
distance qui le sépare de ces repères historiques.
Il instaure néanmoins une sorte de dialogue avec quelques
figures emblématiques du modernisme occidental d’après-guerre
lorsque son intérêt pour la matérialité du jute le pousse
à réaliser des formes simples, unitaires, telles que le cube
et la colonne, très répandues dans l’art minimaliste.
Or, même si ses oeuvres semblent extraites de leur contexte,
le regard de Nai est loin d’être indifférent aux innombrables
sollicitations qu’offre le spectacle de la vie quotidienne
d’une mégalopole comme Bombay, son lieu de résidence.
De manière significative, ce sont les façades de l’espace
urbain, les murs boursouflés, dévorés par le temps et
rongés par l’érosion, qui constituent sa toile de fond et
attirent le plus son attention.
« Lorsque je parcours la ville, je recherche des moments
de vacuité et de planéité. Pour moi, les panneaux d’affichage
vides et les murs de béton sont comme des oeuvres d’art. …
J’ai souvent observé des ouvriers du bâtiment façonnant
des murs en jetant du ciment dans des dalles, on aurait dit
qu’ils réalisaient une peinture gestuelle ».
Souvent recouverts d’une couche de peinture blanche ou
sommairement dissimulés avec du papier ou du plastique,
dans l’attente des messages et images publicitaires qui sont
leur raison d’être, les panneaux d’affichage vides qui ont séduit
l’oeil aiguisé de Nai offrent une gamme surprenante de
figures et d’accidents picturaux inattendus – monochrome,
grille, collage, glacis, lettres ou chiffres en filigrane.
Les photographies de ces « abstractions trouvées »
fascinent autant que son travail autour de matériaux
plus vernaculaires, auquel elles fournissent un contrepoint
ingénieux.
Né en 1980 à Gujarat, en Inde, Manish Nai est diplômé
en arts plastiques de la L.S. Raheja School of Art de Bombay.
Manish Nai vit et travaille à Bombay.
Fondation Fernet Branca St Louis
2 rue du Ballon
Horaire
du mercredi au dimanche
13 h à 18 h