Le bédéiste Simon Mbumbo retranscrit les difficultés rencontrées par la diaspora qui rentre en Afrique pour sauver le continent à travers les bulles de sa bande dessinée Vaudou Soccer. Temps additionnel, le tome 1 est paru en avril 2017 et affiche de belles promesses.
Vaudou Soccer trace les péripéties de Ndamba, un footballeur professionnel qui vient tout juste de prendre sa retraite après une riche carrière en Europe. L’ancien sportif laisse femme et enfant pour s’installer au Bantou, Etat imaginaire d’Afrique centrale où il veut investir dans le Grimba FC, le club mythique du championnat de première division. Une fois intronisé président, Ndamba décide de rapidement rénover les structures de l’institution mais se heurte à Tobassi, leader du groupe des supporter ultra-grimb-fanatic qu’il refuse de subventionner. Le Grimba FC se retrouve alors entraîné dans une spirale de défaites et de mésaventures à laquelle les pouvoirs magiques de Tobassi ne semblent pas étrangers.
La problématique du retour aux racines souvent accompagnée d’une envie débordante de « rendre ce qui a été donné » sous-tend la bande dessinée. « Le foot est utilisé comme un prétexte pour raconter les difficultés que rencontrent un africain de la diaspora quand il décide de rentrer chez lui » justifie l’auteur, Simon Mbumbo. Une problématique qui lui parle, tout comme elle touche beaucoup d’Africains de la diaspora. Originaire du Cameroun, il a débarqué en France, à Angoulême, capitale de la BD, en 1999. Il y étudie les Beaux-Arts puis rejoint le groupe Bayard presse comme dessinateur. Il illustre diverses bande-dessinées jusqu’en 2003 où, un glaucome le tient éloigné des planches de dessins pendant une période de trois à quatre ans. Le bédéiste sort de cette épreuve difficile qui lui fait perdre 80% de sa vue, avec de nouveaux projets. « L’idée m’est venue d’établir un plan de carrière qui doit aboutir à la création d’une maison d’édition », explique-t-il. Simon Mbumbo s’inscrit à des formations pour apprendre les métiers d’éditeurs et de graphiste, afin de maîtriser toute la chaîne de production. Il espère ainsi pouvoir raconter des histoires africaines. En attendant il continue de répondre à des commandes de plusieurs maisons d’éditions françaises ou italiennes. En 2009 sort Malamine, un Africain à Paris chez les éditions Les Enfants Rouges où il assure les dessins tandis que son compatriote Edimo écrit. Edité en avril 2017, Vaudou Soccer est la première pierre posée par Mbumbo pour sa maison d’édition indépendante « Toom ». Les produits sont distribués dans l’Hexagone mais également en Afrique francophone. Le Camerounais espère à terme développer un studio de production sur le continent africain afin d’accompagner des jeunes auteurs.
Dessiner une histoire autour du football est aussi une manière pour le bédéiste d’exprimer son amour du mouvement. Et cela fonctionne. L’auteur réussit à mettre beaucoup d’intensité dans ses retranscriptions de parties de football. Les corps en déséquilibre, les muscles des joueurs, les expressions du visage et les effets de perspective rendent compte de la vitesse et de la puissance des actions.
Vaudou Soccer met aussi en exergue la question de la corruption comme facteur de blocage dans la réalisation des projets. Mais cette problématique est cependant secondaire. Le bédéiste a choisi de mettre l’accent sur la confrontation des mentalités européennes et africaines sous forme d’une dispute entre cartésianisme et superstition. Tout le monde en prend pour son grade. D’un côté il y a Ndamba qui débarque d’Europe avec des idées arrêtées et une rigidité teintée d’arrogance. Son refus de se placer en empathie avec la psychologie de ses joueurs le maintien dans une impasse. De l’autre côté, on a des individus qui abusent des pouvoirs mystiques qui leurs sont conférés et jouent sur les peurs. Ils détournent de savoirs et rites ancestraux non pas pour soigner des maux mais pour faire le mal et servir leurs intérêts particuliers. Ce premier tome de Vaudou Soccer place ainsi la barre assez haute et promet d’autres duels enrichissants. A suivre.