Vivant de petits métiers, de petits trafics, la mère de Roman Kacew (qui n’a pas encore trouvé son pseudonyme) nourrit pour lui les plus hautes ambitions : artiste, militaire, ambassadeur de France. La France est un pays mythique qui hantera l’enfant puis l’adulte toute sa vie. Le regard que porte l’auteur sur cette période où il grandira à Wilno puis Varsovie puis Nice fait de ses jours parfois difficiles (mais il n’a manqué de rien) un roman assez extraordinaire. Sans l’amour exclusif que lui portait sa mère, cette enfance n’aurait sans aucun doute pas été aussi magnifiée. Le récit qu’il en fait dans ces pages joue sur différents registres où l’humour est toujours présent, où l’habileté de l’écriture laisse entrevoir des situations qu’il ne décrit pas mais dont il dit l’effet qu’elles produisent sur lui. En particulier son initiation sexuelle, qu’il s’agisse de la bonne dont il projette le postérieur sur le visage du professeur de maths (« vous avez l’air, lui dit celui-ci, très attentif et pourtant vous semblez être toujours dans la lune »), ou du spectacle des ébats du pâtissier avec une jeune fille du quartier qui lui donne « le goût de l’art, cette obsédante poursuite du chef d’oeuvre ». Il sera deux fois prix Goncourt, Ambassadeur, côtoiera les grands de ce monde, aura du succès auprès des femmes, bref tout ce que sa mère lui avait promis, tout ce qu’elle avait voulu pour lui. Car elle l’a tant aimé qu’il avoue à plusieurs reprises que jamais personne n’a pu lui donner plus grand amour.