Voilà c'est fini... Ou en tout cas, ce sera bientôt fini. Les grands chefs ont décidé de vous éliminer et leur sentence est irrévocable. Et hop, la flamme s'éteint. Non, nous ne sommes pas un vendredi en fin de soirée, et Denis Brogniart n'est pas parmi nous. Nous sommes bien dans la vraie vie.
Née en septembre 2011, Equidia Life cessera d'exister le 31 décembre prochain. Ce qui était un secret de Polichinelle est désormais officiel. Je peux donc en parler.
Depuis plusieurs mois, cette décision radicale semblait de plus en plus inévitable. Un modèle économique coûteux, avec des grosses dépenses (budget de 7 millions d'euros par an mais on aurait pu faire avec moins) et des rentrées d'argent très limitées (un peu de pub et quelques abonnements pour la version digitale). Entièrement financée par les sociétés de courses (France Galop, le Trot et le PMU), la chaîne avait vu le jour dans un contexte favorable. La situation économique a changé et aujourd'hui, les maisons mères ne peuvent plus ou ne veulent plus supporter ces dépenses. Il aurait fallu changer de modèle économique, probablement rendre l'accès à la chaine payant, mais aujourd'hui il est trop tard. Pas question de "refaire le match", de faire des procès et de tomber dans le "il aurait fallu faire ça, ne pas faire ça" etc. Ce serait trop facile après coup, sans doute pas complètement objectif car nous avons chacun notre opinion sur des erreurs commises ou non, en fonction de notre position et de notre service. Et puis surtout, ce serait inutile. Il n'y aura donc plus de sports équestres sous l'étiquette Equidia.
Attention aussi à ne pas se laisser avoir par les réseaux sociaux. Nul doute que les messages seront nombreux pour regretter cette décision. Bien évidemment cela fait plaisir. Donc merci. Vraiment. Ces messages donneront l'impression que le monde entier regardait Equidia Life. Je connais nos audiences, et si une minuscule partie du monde avait regardé, ça se saurait... Les donneurs de leçons ne manqueront pas non plus, ceux qui ont un avis sur tout, surtout un avis, mais qui ne connaissent pas toutes les contraintes et n'ont pas 10% des données de gestion d'une telle chaine.
Je ne fais pas partie de ceux qui estiment que la Fédération Française d'Equitation devrait financer une telle chaine. Si les 600 000 licenciés de la fédé s'intéressaient à Equidia, ça se verrait dans les audiences. Et nous sommes loin, très très loin même de ces chiffres. Comment donc demander à des gens qui ne connaissent pas la chaine ou tout simplement qui ne s'y intéressent pas de la financer ? En tant que licencié d'autres fédérations, ça m'embêterait de payer pour quelque chose qui ne me concerne pas... Au mieux, une collaboration aurait été envisageable dans un modèle d'échanges. Pour diverses raisons, cela n'a jamais vraiment été mis en place. Dommage. Mais encore une fois, selon moi, ce n'est pas à la fédé de payer. Ce n'est pas son rôle.
Le 31 décembre donc, l'écran sera noir. J'en suis d'abord attristé pour toutes les personnes qui se sont investies pour que les sports équestres existent dans l'univers Equidia. Eric Brion, ancien directeur de la chaine à l'origine de la naissance de Life, Jérôme Lenfant, ancien directeur de la rédaction qui a toujours fait en sorte que les sports équestres existent au sein de la rédaction, Xavier Debreuille, Céline Gualde, mes deux prédécesseurs à la tête de la rédaction des sports équestres (photo ci-contre), Claude Neyret, à la tête de la prod de si nombreuses années, et tant d'autres. Tous les techniciens, les gens de la prod (immense Flora) qui ont oeuvré parfois très tard, parfois très tôt pour offrir de belles retransmissions. Impossible bien évidemment de tous les citer. Je pense aussi à certaines personnes de notre service communication, en particulier Clémence, qui ont toujours fait en sorte que la rédaction soit dans les meilleures conditions pour travailler. Je n'oublie pas mes stagiaires, de la 3e à beaucoup plus, qui m'ont apporté un peu de jeunesse et que j'ai (presque) toujours eu plaisir à recevoir et encadrer le temps de leur présence de une semaine à ... deux ans (bah oui Claire Griot tu as le méga record !) Bien sûr, mention spéciale pour Kamel Boudra, plus qu'un collègue, un ami avec sa passion, son professionnalisme et sa volonté permanente de mettre en lumière cavaliers et chevaux. Pensées aussi pour l'équipe d'Equestrian (Marie Ravaut, Malice Cardot, Camille Thomas, Estelle Farge et toute l'équipe de Flab) qui n'a jamais compté ses heures et n'a jamais économisé son énergie pour offrir chaque lundi une émission de qualité. Le début fut difficile, douloureux parfois. Mais au fil du temps, l'équilibre s'était mis en place. Je pense aussi à tous ces consultants qui se sont succédés dans toutes les disciplines. Merci Adeline, Odile, Camille, Maëlle, Clémence, Emeric (fier de l'avoir amené à l'antenne), Laurent, Rémy, Bernard, Marc, Alban, Alain, Jean-Marc, Jean-Luc, Patrick, Hervé, Jacques, Jean-Pierre, Violaine, Stéphane, Michel, Julien, Tony, les trois Jean Luc (Mourier, Goerens, Force), Dominique, Sophie pour les supers moments du barel, et tant d'autres. Je suis également attristé pour tous les passionnés qui se réjouissaient, le dimanche, en rentrant des écuries de regarder un grand événement sportif. Chaque année, nous diffusions près de 400 heures de sports équestres dont plus de 300 en direct. Unique. Nous étions également la seule chaine au monde à proposer tous les grands championnats en direct et en intégralité. Nul n'est irremplaçable. Les moyens de diffusion actuels sur internet permettront de suivre encore de nombreux concours. Ce ne sera pas forcément moins bien, ce sera peut-être même parfois mieux. Seule certitude, ce sera différent. Et il faut rester lucide, dans quelques mois, beaucoup auront oublié Equidia Life. Parce que c'est la vie. Je suis en revanche soulagé pour les "jamais contents". Ceux qui venaient pleurer sur les réseaux sociaux pour 10 minutes de retard, pour un consultant ou un commentateur qui ne leur plaisait pas, pour un événement qui n'était pas retransmis, pour "trop de pub". Qu'ils se réjouissent, ils n'auront plus besoin de "couper le son" et s'économiseront du temps sur les réseaux sociaux (quoiqu'ils trouveront d'autres raisons de pleurer ailleurs). Heureux pour un vice-président de la FFE qui dans une conférence affirmait récemment que c'était un handicap d'avoir une chaine comme Equidia pour espérer passer sur les grandes chaines (chouette, du coup, on va voir de l'équitation sur TF1 et France télévision maintenant, non ?). Indifférent aussi pour tous ceux qui nous considéraient à leur service, certains propriétaires qui menaçaient de porter plainte quand on osait émettre une réserve sur leur cheval (je ne m'inquiète pas pour eux, ils continueront d'aller écumer les loges VIP et les buffets de p'tit fours- champagne). Soyons honnêtes, il y a aussi beaucoup de gens heureux en interne et qui attendaient avec gourmandise la fin des Bleus qui selon eux "dilapidaient l'argent des courses", espérant qu'ils en toucheraient un bénéfice. C'est beau d'être resté naïf à leur âge... Ils seront probablement un peu moins joyeux dans quelques mois ou années, quand leur tour viendra. Pas sûr que je pleurerai...Mais je ne veux pas m'attarder sur ces "insignifiances" et préfère me souvenir des belles choses, les belles émotions et les bons moments vécus lors de ces 6 années passées d'Equidia Life.
Au-dessus de tout, il y a les Jeux Equestres Mondiaux 2014 en Normandie avec mon partenaire Mini Norman. Deux semaines merveilleuses avec une équipe exceptionnelle où nous avions réussi à instaurer une solidarité et un esprit incroyable. Nous bossions 18 heures par jour mais toujours avec la pêche. Pas une engueulade et un plaisir immense à diriger cette équipe. Ces émissions du soir avec Marine Costabadie, en direct, devant parfois des centaines de spectateurs venus devant le studio (photo ci-dessous), cette Marseillaise lancée par ce public le soir de la médaille d'argent de l'équipe de CSO et toutes les stars qui venaient sur notre plateau. Inoubliable.Quelques flashs aussi en mémoire : la médaille d'or de Bosty à Herning et une interview quelques minutes après avec ma voix qui tremblote et les yeux qui piquent, un plateau à Bordeaux avec Marcus Ehning, Pius Schwizer et encore Bosty où tout partait en vrille avec mon super accent et beaucoup de bonne humeur. Plus récemment, une grosse émotion en regardant le parcours de Salim Ejnaini lors du Longines Masters de Paris. Une belle journée de reportage à Lamotte avec ma super Claire Griot, les tournages des Tops Flosp dans les écuries de Guy Duponchel avec toute l'équipe sports équestres ou en Normandie avec Amandine Gardes, les déplacements à Bourg-en-Bresse, Megève, Pau et bien sûr Dinard, les sorties de piste avec le para-équestre à La Baule ou les p'tits jeunes des poneys, ou encore tout dernièrement, l'émotion à commenter la reprise de Sönke Rothenberger aux Championnats d'Europe de dressage de Göteborg.
Et puis il y a bien sûr toutes ces rencontres. Des cavaliers du haut niveau parfois, amateurs le plus souvent. Des consoeurs et confrères qui tentent d'exercer ce métier en refusant d'être à la botte de ce milieu, quelques jeunes, des "baby-bloggeurs", rédacteurs et photographes (Matthieu, Gilles, Damien) encore tout frais, avec encore plein de choses à apprendre mais avec la volonté pour certains de bien faire les choses (gardez votre flamme les jeunes...), des moins jeunes aussi (Christophe, Eric), des "communicants" (Jessica et ses photos "à tomber", Diane, Aliénor, Pauline, Véronique, Daniel, Pascal etc.) avec qui j'ai pris beaucoup de plaisir à collaborer, des producteurs comme Jean-Marc Labrousse qui aiment leur métier et surtout qui respectent les gens. Quelques prénoms comme ça qui me viennent à l'esprit : Caro, Cécile T., Marie Léty, Alex (c'est quand le prochain spectacle ?), Marine H. et tant d'autres.Et toutes ces personnes tout simplement passionnées, toutes ces rencontres au hasard des allées des concours, quelques minutes à discuter, à échanger, à partager. Coup de coeur pour l'équipe de France de paradressage avec Fanny, Véronique, Patricia, Céline, Thibaut, José, Vladimir, Samuel etc. , tous les cavaliers du para-équestre et toute l'équipe de HandiEquiCompet. Un mot aussi pour Pauline, Michel et toute la bande du complet, vrais passionnés, loin des paillettes. A l'image de la discipline qu'ils suivent. Pour ces "officiels" sur les concours comme la famille Longis et tous les gens du paddock avec qui on a parfois bien ri en sortie de piste, Gilles, mon président du jury préféré etc.
Et bien sûr, tous ces gens à Equidia avec qui nous avons essayé de construire quelque chose. Nous n'avons pas toujours été d'accord, nous avons probablement parfois fait des erreurs, mais nous y avons cru en cette chaine. N'est-ce pas Lorenza, Yves ? D'autres aventures nous attendent. Toujours regarder devant !
De mon côté, la suite se fera donc en rouge (pour le moment). J'ai déjà amorcé depuis quelques semaines une transition vers la rédaction des courses avec pas mal de projets à mettre en place. Un nouveau challenge qui m'excite assez je le reconnais. La perspective de ne plus faire d'antenne est aussi un vrai soulagement. J'ai toujours préféré l'ombre à la lumière (sauf pour le bronzage). Fini les gestions de budget, des droits tv etc. Retour à mon coeur de métier : le journalisme.