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"Cela commence par une petite phrase sur l’impermanence des choses et des hommes, une réflexion de simple sagesse, et se termine par du bruit, des chaises de théâtre renversées autour d’un drapeau algérien taché de sang. .. "L’être humain n’est que de passage ici-bas. La vie est brève, nous devons tous disparaitre un jour", dit doucement Mohammed Boudiaf, assis à la tribune du palais de la culture d’Annnaba. Et son visage jusqu’ici souriant devient grave. Voilà vingt sept minutes que le président du Haut Comité d’Etat parle d’économie, de gestion et d’emploi. Maintenant, il aborde la question religieuse, -forcément politique-, celle de la foi et de l’intégrisme. Dans la salle, on se tait, on écoute. Abdel le journaliste est au sixième rang, sur la mezzanine, à une quinzaine de mètres face à la tribune. Son carnet à la main, le chroniqueur local a tout noté : les huit fonctionnaires assis de part et d’autre du président Boudiaf, les fleurs coupées posées à même la table, les caméras, les drapeaux et ces grands rideaux ocres qui ferment la scène. Il est onze heures trente cinq ce lundi vingt neuf juin, Mohammed Boudiaf parle toujours de progrès et de religion. Il commence une phrase :" les pays développés nous devancent grâce à leurs connaissances scientifiques mais ...l’Islam". L’Islam : ce sera son dernier mot! "On a entendu un claquement sec à la droite de la tribune" raconte Abdel, "Comme un coup de pistolet." Intrigué, le président suspend sa phrase et il tourne la tête vers les coulisses. Au fond de la scène, un homme a écarté le rideau et s’avance. Il est petit, un mètre soixante environ, mince, très pâle, porte l’uniforme bleu des services de sécurité et tient un pistolet mitrailleur calé contre sa hanche. Personne ne bouge. Autour du président, la sécurité est pourtant extrêmement stricte. Et très efficace. Aucun homme, même en uniforme, ne peut pénétrer le périmètre rapproché s’il n’est connu des autres gardes du corps. D’ailleurs, aucun autre garde du corps ne semble s’inquiéter. Celui qui s’avance ne peut être qu’un des leurs. Dans la salle, Abdel croit que l’homme en bleu veut en savoir plus sur ce claquement suspect qui a amené le président à s’interrompre. "Il s’est avancé jusqu’à un mètre cinquante derrière la tribune," dit Abdel" il a regardé l’assistance pendant trois à quatre secondes. Comme s’il hésitait. Puis, sans un mot, il a vidé son chargeur dans le dos du Président"..." Lire la suite! *** "Je ne suis pas prêt d'oublier ce lundi 29 juin 1992, jour de l'assassinat de Mohamed Boudiaf allias Mohamed el watani. c'était une journée qui s'annonçait très belle, nous devions ta mère et moi t'accompagner au lycée pour un oral du Bac. Nous étions assis dans la voiture, décontractés, en train d'écouter la chaine 3 (Radio Alger en français) car nous savions que cette épreuve était, pour toi, une simple formalité. Il était environ 18H quand la radio a interrompu ses programmes pendant un court instant avant qu'une voix venue d'outre tombe n'annonçât la mort a Annaba ex Bône, du président Boudiaf. Nous n'arrivions pas à croire cette terrible nouvelle car Boudiaf représentait pour nous comme pour la majorité d'algériens un réel espoir de redresser ce pays en le mettant à l'abri des nombreux prédateurs et autres fanatiques. Nous étions attérés, abasourdis et pensant , une nouvelle fois, que ce beau pays était assurément frappé d'une terrible malédiction. Peu de temps après, on te vit sortir du lycée avec un sourire éclatant qui en disant long sur le déroulement de ton oral mais en approchant tu vis qu'on avait pleurés et compris aussitôt qu'un grand malheur venait de se produire...» Sid-Ali. Allah yarahmak...Paix à ton âme!