Une opposition, deux mobilisations. Edouard Philippe et sa ministre du Travail ont dévoilé ce jeudi les fameuses ordonnances permettant au gouvernement de réformer le Code du travail. " Nous avons écouté les doutes de nos interlocuteurs (...) Chacun est libre d'être pour ou contre les textes que nous proposons ", a lancé le Premier ministre, précisant : " encore faudra-t-il que ces désaccords s'expriment dans le cadre prévu à cet effet dans le cadre démocratique ". Le chef du gouvernement le sait : la bataille autour de sa réforme ne fait que commencer.
Les opposants n'ont pas attendu la conférence de presse pour monter au créneau. Deux dates ont déjà été cochées. La CGT a appelé à manifester le 12 septembre. Jean-Luc Mélenchon souhaite, lui, " un rassemblement populaire le 23 septembre, à Paris ". A chacun donc, sa manifestation ?
" Cette double opposition est une nouveauté "
Eric Coquerel se défend de toute concurrence : " On a décidé de cette journée du 23 pour aider, apporter notre tribut à la mobilisation. Ce sera le week-end, ouvert à tous, car les salariés ne sont pas les seuls concernés par cette loi ", rappelle le député LFI. " Mais nous serons également présents auprès des syndicats, comme toujours. Tout ça est complémentaire et doit converger. "
Pour le moment, le secrétaire général Philippe Martinez a indiqué que la CGT n'avait pas " encore décidé " si elle manifesterait avec Jean-Luc Mélenchon.
" Cette double opposition est une nouveauté. On a pris l'habitude de voir des partis politiques aux premières loges des manifestations, mais, cette fois, une contestation politique s'empare, elle aussi, de la rue ", remarque Stéphane Sirot, historien spécialiste du syndicalisme. " Il faut maintenant voir si ces deux formes parviendront à s'articuler, voire à se rejoindre dans la contestation. Pour le moment, la CGT a pris garde à ne pas apparaître à la remorque de La France insoumise. Et, de son côté, Jean-Luc Mélenchon veut montrer qu'il incarne la force d'opposition principale à Emmanuel Macron. "
" Emmanuel Macron a reçu un mandat des Français pour réformer le Code du travail "
Du côté de la majorité, on insiste sur l'absence d'unité, déjà, au niveau syndical. " Ce que je remarque, c'est que des syndicats comme la CFDT, mais aussi FO, ne se joindront pas aux manifestations. Ça démontre qu'il y a un certain consensus et que les 300 heures de concertation ont été utiles ", indique Aurore Bergé, porte-parole du groupe LREM à l'Assemblée. " Nous n'avons pas de crainte face à la mobilisation, car il y a une grande différence avec loi El Khomri : Emmanuel Macron a reçu un mandat des Français pour réformer le Code du travail, il n'y avait pas d'agenda caché ", poursuit la députée.
Et les autres partis d'opposition ? Le PS donne timidement de la voix, gêné par son soutien à la loi El Khomri. La droite peine, elle, à critiquer des mesures portées par nombreux des candidats à la primaire. Et si le FN s'oppose, il ne le fera pas dans la rue.
Pour Stéphane Sirot, un autre acteur pourrait décider du sort de la mobilisation : " Un facteur déterminant sera la cristallisation des différents mécontentements et notamment celui des étudiants, via les APL ou la sélection à l'université par exemple ", indique le chercheur. " Dans les mouvements récents, ce sont les jeunes qui ont le plus inquiété le pouvoir en place. "
Arnaud BISSET