ADREES LATIF, ARCHIVES REUTERS
Depuis qu'il a touché terre il y a plus d'une semaine, près de Corpus Christi au Texas, l'ouragan a déversé 27 trillions de gallons (environ 102 trillions de litres) de pluie sur le Texas et la Louisiane - assez pour recouvrir l'île de Manhattan avec une profondeur de 1,6 kilomètre.
Il s'agit d'un record continental de précipitations pour un système tropical aux États-Unis. Tout près de Houston, c'est 1,3 mètre d'eau qui est tombé du ciel - tout juste 3,2 millimètres de moins que le record établi à Hawaii en 1950.
Le déluge a endommagé environ 156 000 logements et certains secteurs de Houston pourraient demeurer inondés durant encore un mois. Le nombre de décès recensés est pour l'instant de 44 morts, ce qui place la tempête au sixième rang des plus meurtrières des 50 dernières années.
Qu'est-ce qui a rendu l'ouragan si puissant ? Harvey était étrange - du fait qu'il se soit presque dissipé une première fois avant de se raviver en un puissant ouragan, du fait qu'il ait pris de la force si rapidement avant de toucher terre, du fait qu'il se soit immobilisé aussi longtemps au-dessus d'une seule région et, bien sûr, du fait qu'il ait déversé autant d'eau.
L'actuel directeur du Centre national américain des ouragans, Ed Rappaport, le décrit comme une combinaison de caractéristiques uniques quant à sa force et sa trajectoire. Une combinaison malencontreuse qui a entraîné de graves conséquences sur une région densément peuplée.
Harvey a pris naissance dans l'Atlantique, au sud-est de Porto Rico, le 17 août, puis il s'est tranquillement affaibli en onde tropicale et a traversé en coup de vent la péninsule du Yucatan, au Mexique, sans trop faire de dommage. Toutefois, dès qu'il a atteint le golfe du Mexique, le 23 août, il s'est transformé en un ouragan de catégorie 4 à peine quelques heures avant de frapper la côte - un phénomène que les experts ont rarement observé.
Il s'agit du premier ouragan de niveau 4 à toucher terre aux États-Unis depuis 2004 (ouragan Charley). Selon plusieurs experts, dont M. Rappaport, Harvey va demeurer l'une des tempêtes les plus destructrices à avoir frappé les États-Unis. En quelque sorte, il est tombé à l'endroit parfait pour causer le plus de ravages. La plus grande part des pluies sont tombées à l'est de l'oeil du cyclone pour s'abattre tout près de la quatrième plus grande ville du pays - une ville plate comme une crêpe particulièrement vulnérable aux inondations.
La majorité des ouragans, incluant Katrina en 2005, faiblissent avant d'atteindre les côtes. Harvey, lui, a gagné en puissance, nourri en partie par les eaux très chaudes du Golfe du Mexique.
" Harvey est le premier à être passé de tempête tropicale à cyclone de force majeure dans ses 36 dernières heures avant de toucher terre aux États-Unis ", a précisé Ed Rappaport.
Puis, il est tout simplement resté.
Pour plus de 130 heures - du vendredi 25 août, à 10 h jusqu'au mercredi 30 août, à 22 h - Harvey a arrosé l'est du Texas. Dans les rares moments où il a bougé, dont son retour dans le golfe du Mexique le temps d'une journée, il est demeuré assez près pour inonder le Texas.
" C'est extrêmement rare de voir un ouragan aussi important s'immobiliser ainsi après être entré sur le continent ", reconnaît Brian McNoldy, chercheur et spécialiste des ouragans à l'Université de Miami.
Habituellement, ces puissants phénomènes météorologiques soufflent à travers une région, déversent quelques centimètres d'eau et poursuivent leur chemin. Mais Harvey est demeuré coincé entre deux anticyclones, à l'est et à l'ouest, qui le repoussaient sans cesse. Il a donc zigzagué entre les deux systèmes à travers tout le sud-est du Texas.
Finalement, après avoir accosté une deuxième fois sur la frontière entre le Texas et la Louisiane, il s'en est allé.
Il s'est dirigé vers le nord et l'est, s'affaiblissant tranquillement tout en laissant tomber plusieurs centimètres de pluie sur les États du Mississippi, de l'Alabama, du Tennessee, du Kentucky, de l'Indiana et de la Caroline du Nord. À compter de dimanche, les prévisions météorologiques indiquent que la tempête n'aura plus l'air que d'un banal orage.
Seth BORENSTEIN - La Presse