La relativité générale pour les nuls

Publié le 31 août 2017 par Serdj

La relativité générale pour les nuls !


J'ai eu la chance dans ma vie de pouvoir beaucoup voyager. L'histoire extraordinaire que je vais vous raconter débute tout en haut de la tour Shanghai, dans la ville du même nom, où je séjournais pour mon travail. J'étais donc là, au 128e étage, à 632 mètres de hauteur, jouissant du magnifique panorama dans le poste d'observation, désert à cette heure matinale, lorsque je sentis une présence à coté de moi. Me retournant, j'eus la plus grosse surprise de ma vie : Albert Einstein, lui même, se tenait à coté de moi !

- Ach, me dit-il avec un fort accent allemand, cheune homme, che chuis bien content de fous voir, bourriez-vous, m'aider, s'il vous plait ?
- Mais... Vous êtes...
- Albert Einstein, pour fous servir !
- ... Mort !
Albert eut un sourire :
- Mort ? Tot ? Ach, ya ! Mais je chuis de noufeau là, voyez-fous ?
- Mais... Comment...
- Peu importe, cheune homme. Che suis là, et ch'ai besoin de fotre aide !
- Vous avez besoin de mon aide ? Mais Pourquoi ?
- Bour brouver ma théorie de la relativité générale, cheune hommme !
- Diable ! M'exclamais-je.
- Gomme fous dites !
- Mais comment ?
- Ach ! c'est très simple. Fous allez m'aider à ouvrir cette boîte ! Tournez cette poignée !
Il désignait l'armoire de contrôle de l'ascenseur qui m'avait amené là, une grosse boîte dont la porte était en effet munie d'une poignée.
- Mais... Dis-je. C'est certainement interdit, et fermé à clef ! Et Pourquoi...
- Ach, trop de questions, cheune homme ! Une à la fois, che fous prie, et che fous répondrai, promis ! Et d'abord, quel est votre nom ?
- Serge.
- Cherge ?
- Non, Serge.
- Mais c'est ce que j'ai dis ! Cherge ! Tournez cette poignée, foulez-vous ?
Inutile d'insister, pensais-je. Je tournai donc la poignée de l'armoire, qui, à ma grande surprise, n'était pas fermée à clef. Elle s'ouvrit, dévoilant un panneau de commande électronique d'apparence très complexe.
- Merci, cheune... Cherge ! Fous savez, je me suis escrimé toute la nuit à essayer d'ouvrir cette boîte !
- Vous n'avez pas pu l'ouvrir vous même ? M'étonnais-je. C'était très facile, pourtant !
- Ach, pour fous, ya ! Mais pour un fantôme comme moi...
Mes cheveux se dressèrent sur ma tête.
- Un fantôme ? Fous êtes... Je veux dire, vous êtes...
- Un fantôme, ya ! Comme fous l'avez dit, che suis mort ! Mais n'ayez pas peur, che ne mord pas ! Allons, fous n'allez pas me dire que vous avez beur d'un betit fantôme de rien du tout !
Et il souriait en disant cela, et malgré moi je souris aussi.
- Ach, bien ! Alors fous foulez bien m'aider, cher Cherge ?
- Je veux bien, répondis-je, mais comment ?
- Nous allons reprogrammer cet ascenseur pour qu'il tombe en chûte libre, et nous entrerons à l'intérieur pour tomber nous aussi !
- Quoi ? Mais nous allons nous tuer !
- Ach, je m'en fous, je suis décha mort ! Il n'y a que fous qui allez fous écraser au sol !
- QUOI !
- Allons, cheune homme, che plaisantais !
Décidement, Albert Einstein avait un humour assez décalé. Bizarrement, Cela ne me rassurait pas. Pas du tout.
- Che vais fous expliquer mon idée, et fous allez gombrendre.
- C'est cela, expliquez-moi.
- L'ascenseur ne tombera en chute libre que pendant huit secondes, soit sur une distance de 316 mètres, et ensuite il freinera avec une accélération ressentie de deux G, pendant huit secondes également, en parcourant la même distance, ce qui fait que nous arriverons au sol bien dranquillement, avec une vitesse nulle. Fous avez remarqué, bien zûr, que nous sommes à 632 mètres de hauteur, c'est à dire le double de 316...
Ce fantôme est dingue, me dis-je.
- Mais non, che ne suis pas dingue !
- Fous... Vous lisez dans les pensées ?
- Natürlich ! Les fantômes lisent dans les pensées, fous ne saviez pas ?
- Non je je savais pas
- Fous êtes bien ignorant, monsieur cherge ! Mais qu'importe. Fous avez compris ?
- Euh... Pas vraiment.
Albert Einstein haussa les épaules d'un air dégoûté.
- Lorsque nous aurons reprogrammé l'ascenseur, nous entrerons dedans. Vous appuierez sur le bouton du rez-de-chausée, et aussitôt, nous tomberons en chute libre pendant huit secondes, dans une dodale apesanteur, parce que l'accélération de notre chute sera exactement celle de la gravité terrestre. Fous gombrenez cela, monsieur Cherge ?
- Je comprends. Mais...
- Et ensuite, m'interromput-il, pendant les huit secondes suivantes l'ascenseur freinera, nous plaquant au sol avec une accélération ressentie de deux fois la gravité terrestre. Vous péserez deux fois fotre poids, ce sera pénible, mais supportable. Et vous aurez le brivilège d'avoir vécu huit secondes en apesanteur, gomme un astronaute ! Fous gomprenez, cette fois ?
J'avais gompris. Enfin, compris. Bizarrement, l'idée d'Albert Einstein ne me parût pas aussi folle que ça. C'était plausible, après tout. Il restait une question à éclaircir :
- Ok, mais à quoi ça va servir ?
- Ach ! Pendant notre bedit temps de chute libre, huit secondes, che fous le rapelle, nous allons faire quelques bedides expériences...
Un éclair d'inquiétude ressurgit en moi.
- Quel genre d'expériences ?
Albert Einstein me regarda avec condescendance :
- Vous connaissez un peu la relativité, che suppose ?
- La relativité ? E=mc2 ? Oui, un peu. Bien même, je crois. (Voir la relativité pour les nuls sur ce site)
- Ach, E=mc2, c'est de la relativité restreinte ! Là, che veux barler de la relativité générale ! Le principe de relativité généralisé ! Le principe d'équivalence !
Là, il m'avait largué. Mes yeux s'agrandirent, et le fantôme d'Einstein sembla percevoir mon incompréhension.
- Le principe de relativité, énonça-t-il, dit que les lois de la physiques doivent être les mêmes partout.
Ça, je comprenais.
- Cela feut dire que les équations qui décrivent mathématiquement les phénomènes physiques doivent avoir la même forme quel que soit le référenciel, qu'il soit fixe, en mouvement uniforme, ou en mouvement accéléré...
Là, il m'avait largué à nouveau
- Excusez moi, doc, je veux dire, professeur Einstein, pouvez-vous expliquer un peu mieux ?
- Hum ! Savez-vous ce qu'est un référentiel ?
- Euh.. Une sorte de cadre, je pense !
- Ya ! On ne peut pas décrire mathématiquement un phènomène physique, le mouvement d'un objet, par exemple, sans préciser tout d'abord par rapport à quoi cet objet est en mouvement. C'est que l'on appelle un référentiel. Mais, comme je l'ai démontré en 1905, il ne peut y avoir un référentiel universel, absolu. Les coordonnées de distance, de vitesse, et même de temps, de durée si vous voulez, dépendent de la vitesse relative entre le référentiel et le phénomène que l'on veut décrire. Elles sont relatives. Une distance donnée, ou même un intervalle de temps entre deux évènements dans un référentiel donné, peuvent devenir différents si on les décrit mathématiquement depuis un autre référenciel, en mouvement par rapport au premier. Ceci parce que la lumière a une vitesse finie. Vous gomprenez ?
- Oui ! (voir la relativité pour les nuls sur ce site)
- Gut ! Mais la chose que j'ai pouvée en 1905, c'est que si le second référentiel est en mouvement uniforme par rapport au premier, c'est à dire s'il se déplace à une vitesse constante, les équations gardent la même forme. Les valeurs peuvent être différentes, mais l'équation du mouvement est semblable, à ces valeurs prés. Dans ma théorie de la relativité restreinte, j'ai pu calculer comment ces valeurs de position, de distance, de vitesse et de durée changent quand on change de référentiel, pourvu que le second référenciel soit en mouvement uniforme, c'est à dire à vitesse constante, par rapport au premier. Fous savez cela, che suppose ?
Je hochai la tête. (Encore une fois, voir la relativité pour les nuls, si vous n'êtes pas familiers avec ces notions)
- Mais, continua le fantôme d'Albert Einstein, il y avait un broblème.
- Un problème ?
- Ya ! Un broblème. Lorsque le second référentiel n'est plus en mouvement uniforme, mais en mouvement accéléré, il se passe quelque chose d'anormal.
- Quoi donc ?
- La gravitation !
- Euh...
- Entre deux référentiels en mouvement rectiligne uniforme, les équations ont la même forme. Si un objet se déplace en ligne droite dans l'un des référentiels, le mouvement sera aussi une ligne droite dans l'autre référentiel. Fous saisissez ?
- Je saisis, dis-je.
- Mais si le second référentiel est accéléré par rapport au premier, les choses changent. Dans le second référentiel, la trajectoire ne sera plus une ligne droite, mais une parabole. Exactement comme si l'objet était soumis à un champ de gravitation. Fous gombrenez ?
- A moitié seulement.
Einstein soupira.
- Imaginez deux scientifiques, disposant chacun de tout l'appareillage pour faire toutes les expériences imaginables. L'un de ces savants est enfermé dans un ascenseur en chute libre, comme nous. L'ascenseur est clos, et aucune radiation, aucun signal ne peut passer à travers ses parois. L'autre scientifique est dans un vaisseau spatial immobile, très loin de la terre, très loin même du soleil, immobile entre les étoiles. Le vaisseau est lui aussi hérmétique et étanche à toutes les radiations.  Les deux scientifiques font toutes les expériences qu'ils veulent, à l'intérieur de leur monde clos. Ce que je prétends, c'est que toutes leurs éxpériences donneront les mêmes résultats. En d'autres termes, il leur est absolument impossible de déterminer a priori s'ils sont immobiles dans un espace libre de tout champ gravitationnel, ou au contraire dans un ascenseur en chute libre, en mouvement accéléré vers le bas dans un champ de gravitation comme celui de la terre. Fous voyez cela ?
- je crois.

- Gut ! Maintenant, imaginez que l'ascenseur stoppe sa chute libre, de sorte que le scientifique à l'intérieur se retrouve sous la gravité terrestre. Imaginez maintenant que le vaisseau spatial dans lequel se trouve le second scientifique accèlére brusquement, avec ses moteurs, avec une accélération de 9,81 mètres-seconde par seconde, ce qui est excatement l'accélération que nous allons subir dans notre ascenseur en chute libre. A nouveau, les deux scientifiques font des expériences. Ce que je dis, c'est qu'à nouveau il leur est totalement impossible de déterminer s'ils sont sur Terre, ou dans un vaisseau uniformément accéléré avec une accélération égale à celle de la pesanteur terrestre. Fous foyez ? Fous Gombrenez ?
- Je crois que je comprends.
- La gravité, c'est l'accélération. On ne peut différencier l'une de l'autre. C'est ce que j'ai appellé le principe d'équivalence. Et j'ai généralisé ce principe : Le principe de relativité générale, que j'ai inventé en 1915, dit que tous les phénomènes physiques, par exemple le mouvement d'un objet, doivent se décrire de la même façon, avec des équations semblables, quel que soit le référentiel. Toutefois, lorsque le second référentiel est en mouvement accéléré par rapport au premier, les équations qui décrivent le mouvement doivent rester identiques à celles qui le décrivent dans un référenciel non accéléré, à la condition d'ajouter un champ de gravitation. Fous avez gompris ?
- Je crois, dis-je à nouveau.
- Gut ! Eh bien, che grois que vous êtes prêt. Reste à reprogrammer cet ascenseur...
- Comment faire ? Demandais-je.
- Peuh ! Tous ces circuits électroniques, c'est l'enfance de l'art pour un génie comme moi ! Fous appuiyez là, et puis là, et puis là...
Mécaniquement, je suivis ses instructions, comme hypnotisé (voir mon roman, Une chaîne au cou, au sujet de l'hypnose). Au bout d'une demi-minute, quelques idéogrammes chinois s'inscrivirent sur un écran.
- Perfekt ! Wir sind bereit ! Che veux dire, nous sommes prêts !
- Vous lisez le chinois ? M'étonnais-je.
- Natürlich ! Nous autres fantômes, nous connaissons toutes les langues ! C'est d'ailleurs pourquoi che vous barle en français. Langue un peu brimitive par rapport à l'allemand, mais peu importe. Allons, cheune Cherge, entrez dans l'ascenseur !
J'hésitais.
- Euh... Quelle genre d'expérience vous avez l'intention de faire dans cet acenseur ?
- Oh ! Rien de terrible ! Fous allez juste jeter quelques balles.
- Jeter des balles ?
- Ya, ya ! Entrez !
Malgré moi, j'entrais dans l'ascenseur, suivi par le fantôme d'Albert Einstein.
- Allez-y pressez le bouton ! Dit-il.
Hésitant, je l'ai regardé. Il avait l'air si réél. Le fantôme d'Albert Einstein... Tout cela avait l'air si réel. J'ai fermé les yeux, et pressé le bouton. Instantanément, j'ai eu un haut-le-coeur. l'impression de chûte libre était térrifiante.
Et puis, je m'y suis fait. J'ai commencé à m'envoler. Ouvrant les yeux, je me découvris, flottant en apesanteur comme dans une cabine spatiale. Une sensation pas si désagréable, après tout. Albert, lui, semblait toujours fixé au sol.
- J'ai synthonisé ma position sur celle de l'ascenseur, s'excusa-t-il. Nous autres fantômes, nous avons besoin de nous matérialiser dans une position fixe par rapport à un objet matériel. Bon, ne perdons pas de temps. Prenez cette balle.
Dans sa main, il y avait une balle de tennis. Maladroitement, toujours flotant, je rebondis contre le plafond, puis contre une paroi, enfin je parvins à agripper l'objet qu'il me tendais. J'eus le temps de me demander comment un fantôme pouvait tenir un objet matériel dans sa main alors qu'il était incapable d'ouvrir une simple armoire, mais il ne me laissa pas le temps d'approfondir ma réflexion.
- Lancez-la, doucement, dans n'importe quelle direction, dit-il.
Je m'exécutai. La balle décrivit une ligne doite, toucha une paroi de l'ascenseur, et rebondit, toujours en ligne droite, vers un angle.
- Fous voyez ! Me dit-il, au comble de l'excitation. Les trajectoires sont des lignes droites, gomme si nous étions dans un vaisseau spatial hors de tout champ gravitationnel ! Gomme che l'avais prévu ! Magnifique !
- Si vous le dites, dis-je.
- Fous ne gromprenez pas ! La trajectoire est une ligne droite pour nous, mais vue par un observateur resté au sol, elle est une parabole descendante ! N'oubliez pas que nous tombons en chûte libre !
ça, je ne risquai pas de l'oublier. Maladroitement, je me heurtai contre une autre paroi.
- Et maintenant, dit Einstein, prenez ceci !
Il me tendit un petit pointeur laser, que j'arrivais à attraper en tourbillonnant sur moi-même.
- Allumez-le !
J'appuyai sur le bouton du pointeur, le dirigeant vers Albert. Un point rouge apparut sur son front.
- Ya ! Fit-il à nouveau. La lumière suit aussi une ligne droite ! Mais comme la vitesse de la lumière est finie, vue du sol, elle suit aussi une parabole descendante !
- En êtes-vous, sûr ? Parvins-je à demander, la tête en bas, à la limite du malaise.
- Ya, Natürlich ! Vue du sol, la trajectoire de la lumière est courbe, comme celle de la balle, mais sa courbure est bien plus faible, natürlich, parce que les photons de lumière vont bien plus vite que la balle de tennis. Celle courbure est précisément celle de l'espace-temps, dûe au champ de gravité terrestre ! Wunderbar !

Là, il m'avait à nouveau largué. Mais je n'eus pas le temps d'approfondir, car soudain, il me cria, consultant le chronomètre qu'il avait au poignet, et que je n'avais pas remarqué jusqu'alors :
- Dépéchez-vous, cheune homme ! Revenez au sol, nous allons freiner dans... Une seconde !
Dans un éclair d'adrénaline, je compris que j'allais bientôt me retrouver plaqué au sol, et que si je continuais à flotter près du plafond, la chûte risquait d'être très douloureuse. Poussant avec mes pieds sur le plafond, je me propulsai vers le sol. Juste à temps. J'eus soudain l'impression d'être écrasé par une locomotive. Une gravité de 2G, découvris-je, n'est pas une plaisanterie. C'est aussi puissant que ce que l'ont peut éprouver dans les virages serrés des grand huit d'un parc d'attraction, sauf que là cela dura huit secondes interminables ! Sûr, j'avais vécu de meilleurs moments.
- J'espère que les freins et les gâbles de l'ascenseur tiendrons le choc, dit soudain le fantôme d'Einstein, toujours debout, qui ne semblait nullement incommodé par la double gravité. Ils n'ont pas été gonçus pour ça. A mon avis, ils tiendrons, mais je n'en suis pas certain...
- Quoi !? Parvins-je à m'exclamer.
- Ach, che blaisante, bien sûr ! J'ai fait sous les galculs !
Comme si cela pouvait me rassurer !
Mais finalement, une clochette se fit entendre, et une voix synthétique annonça, en chinois, que nous étions arrivés au premier étage (c'est à dire au rez-de-chaussée, mais les chinois, comme les américains, prétendent que c'est le premier étage)
La gravité normale revint comme l'ascenseur stoppait sa descente. Je me relevai, douloureusement endolori, et fit face à Albert, qui me souriait, l'air frais comme un gardon (si un fantôme peut être frais comme un gardon, mais en tout cas il en avait l'air)
- Magnifique ! Làcha-t-il. Dout s'est bassé gomme brévu !
J'avais déja remarqué que, lorsque il était ému, son accent allemand empirait.
- Si vous le dites, hasardais-je.
- Dans un champ de gravitation, la lumière suit une trajectoire gourbe ! Savez-vous pourquoi ?
- Non...
- Parce que l'espace-temps lui même est gourbe lorsque un champ de gravitation est présent ! Fous gombrenez ?
- Non, je ne gombrends pas.
- Pourquoi prenez-vous cet accent allemand ? Est-ce que ch'ai un accent, moi ? Bas du tout !
Ce n'était pas le moment de le fâcher.
- Vous n'avez aucun accent, assurais-je. Qu'est-ce que l'espace-temps. ?
- C'est un continuum quadridimensionnel !
Il appellait ça une explication !
- Si vous voulez savoir où et quand un évènement à lieu, dit-il, voyant mon air ahuri, vous avez besoin de quatres coordonnées : trois pour dire où cela se passe et à quelle altitude, et une pour dire quand, c'est à dire (x,y,z,t). Mais cela ne suffit pas.
- Ah ?
- Ya ! Ces quatre coordonnées ne signifient rien par elles-mêmes si nous ne précisons pas par rapport à quel autre évènement elles dont calculées. Le point zéro, le centre du référentiel espace-temps. Fous voyez ?
- Un peu.
- Mais Comme je vous l'ai dit, il n' a pas de référentiel absolu. Toutes les coordonnées sont relatives. Ce qu'il nous faut, c'est un moyen de déterminer comment les coordonnées changent si l'on modifie un tout petit peu le point zéro. C'est ce que j'ai fait dans ma théorie. C'est du calcul différentiel, cheune homme !
- Ah !
- Ya ! Avec le calcul différentiel, pour calculer comment les coordonnées changent lorsqu'on déplace le référentiel, il suffit d'intégrer ces tous petits changement le long de la trajectoire que l'on va suivre pour déplacer le référentiel.
- C'est vous qui avez inventé le calcul... euh... Différentiel ?
- Nein ! C'est Isaac Newton, bien avant moi !
Einstein baissa d'un coup dans mon estime. S'il n'avait fait que développer ce que Newton avait trouvé bien avant lui, alors...
- Mais il y a une complication, que Newton n'avait pas vue.
- Ah ! Fis-je à nouveau.
- Comme nous l'avons vu, la gravité change la courbure de l'espace-temps. Et qu'est-ce qui cause la gravité ?
- Je ne sais pas...
- Allons, cheune cherge ! Bien sûr que vous le savez ! Ici, maintenant, qu'est ce qui fait que vous êtes attirés de tout votre poids vers le bas ?
- La gravité terrestre !
- Ya ! Et qu'est ce qui cause la gravité terrestre ?
- Euh...
- Vous savez que tout les objets matériels possèdent une masse, j'espère !
- Oui !
- Eh bien, tout ce qui possède une masse crée un champ de gravitation. L'attraction terrestre, que vous ressentez, n'est que la somme de tous les minuscules champs de gravitation créés par tous les cailloux, les rochers, tous les atomes de la Terre en réalité. Ce qui est amusant, c'est que la somme de toutes ces minuscules attractions que vous subissez de la part de tous ces objets se comporte exactement comme si toute la masse de la Terre était concentrée en un seul point, au centre de la Terre. C'est pourquoi nous avons l'impression d'être attirés par le centre de la Terre.
- Génial ! Et c'est vous qui avez démontré cela ?
- Nein ! C'est encore Isaac Newton.
- Zut !
- Donc poursuivit Albert Einstein, ignorant mon interjection, tout objet matériel crée un champ de gravitation. Mais ce que j'ai trouvé, et que Newton n'avait pas vu, c'est que la gravitation déforme l'espace temps.
- Comment cela ?
- Voyons ! Nous venons de le prouver ensemble ! Dans un champ de gravitation, ou dans un référentiel accéléré, ce qui est la même chose, la trajectoire de la lumière n'est pas droite, mais courbe ! Et savez-vous comment on appelle cette trajectoire de la lumière dans un champ de gravitation ?
- Euh... Non.
- Une géodésique. C'est la plus courte trajectoire possible entre deux évènements dans l'espace-temps.
- Ah !
- je vais vous expliquer. Imaginons un référentiel comme un point à partir duquel partent quatre axe orthogonaux. Quatre lignes droites.
- Trois, vous voulez dire. Pour X, Y, et Z. Je connais cela. C'est de la géométrie dans l'espace.
- Oui, mais moi, cheune homme, je fais de la géométrie dans l'espace-temps ! Donc il me faut quatre axes : trois pour les distances et un pour le temps.
- Ah ! Je vois.
- Sortons de cet ascenseur, voulez-vous ?
Je ne me fis pas prier. Albert m'entraîna, à sa suite, dans le hall de la tour, puis vers la porte de sortie, et nous nous retrouvâmes au grand jour, dans un parc verdoyant.
- Ici, ce sera très bien.
- Très bien pour quoi ?
- Pour une petite expérience de pensée.
Il sortit de sa poche une bille de verre, qu'il posa par terre.
- Dans le référentiel de la Terre, cette bille est immobile. Vous êtes d'accord ?
- Oui, bien sûr.
- Et bien, vous avez tort. Cette bille est en mouvement dans l'espace-temps de la Terre. A Chaque instant, elle se déplace vers le futur. A la même vitesse que nous. Elle symbolise notre axe temporel vers le futur.
- Je vois, dis-je.
- Maintenant, je pose trois pointeurs laser autour de celle bille. Un par ici, horizontal, un autre horizontal aussi, mais perpendiculaire au premier, et un troisième verticalement, au dessus de la bille, pointant vers le ciel. Je les allume... Que voyez-vous ?
- Rien, dis-je.
- Natürlich ! C'est parce que nous sommes en plein jour. Mais de nuit, avec un peu de brouillard, nous verrions les trois rayons laser orthogonaux. Vous arrivez à imaginer cela, j'espère ?
- Oui, je crois.
- Gut !
- Ces trois rayons, plus l'axe du temps, fixent notre référentiel. Mais Le problème, c'est qu'ils ne sont pas droits, en réalité.
- Comment cela ?
- Nous sommes sur Terre ! Et la terre possède un champ...
- ...de gravitation ! M'exclamais-je. Le champ va courber les rayons lumineux.
- Ya ! Très peu, en réalité. Il faut des instruments très délicats pour s'en rendre compte. C'est comme si la trajectoire des rayons suivait un cercle très grand.
- Grand comment ?
- Environ une année-lumière de diamètre.
- Whao !
- Ya ! Ceci parce que le champ de gravité terrestre nous parait très puissant, mais qu'il est très faible en réalité. 9,81 mètres-seconde par seconde, c'est ridiculement petit ! Mais l'important, c'est ceci : La matière crée un champ de gravitation, et le champ de gravitation déforme-l'espace temps. La gravité peut courber les axes, et elle peu aussi les incliner. Et j'ai calculé comment.C'est ce que l'on appelle le tenseur énergie-matière.
- Mais le quatrième axe ? Objectais-je. Celui du temps ? Il est tout droit, lui, parce que la bille ne bouge pas par rapport à la Terre !
- Mais si ! Il subit lui aussi l'effet de la gravité terrestre, de la même façon que les trois autres axes ! Nous ne nous rendons pas compte, mais nous vieillissons un tout petit peu moins vite qu'un corps qui serait situé très loin dans l'espace, hors de tout champ de gravitation !
- Génial ! Et de combien ?
- Moins d'une seconde pour toute votre vie.
- Zut ! Ce n'est pas beaucoup.
- Mais au voisinage d'un trou noir...
- Je sais. J'ai vu le film Interstellar.
- Ach? Je ne connais pas ce film !

Cette fois, c'est moi qui allait expliquer quelque chose à Albert Einstein !
- Dans ce film, un vaisseau spatial se rend sur une planète qui orbite autour d'un trou noir. La gravitation du trou noir est telle que quelques heures passées sur la planète équivalent à des années sur la Terre.
- Très intéressant. Une belle application de ma théorie !
- Monsieur Albert...
- Ya ?
- Je ne comprends pas bien.
- Qu'est-ce que fous ne gombrenez pas bien ?
- Pourquoi le temps est-il différent des autres coordonnées ? D'après ce que vous m'avez dit, votre espace-temps c'est juste de l'espace plus du temps. Mathématiquement, le temps ressemble aux trois autres, coordonnées x,y,z. Mais alors pourquoi est-il différent, dans la vie de tous les jours ? Pourquoi ne pouvons-nous pas voyager dans le temps, apparamment ?
- Il est différent, en effet ! C'est à cause du signe moins dans la définition du temps propre.
- C'est encore moins clair.
Einstein soupira.
- L'espace ordinaire dans lequel nous nous imaginons que nous vivons possède trois dimensions : cela veut dire simplement que pour  repérer la position d'un objet à parti d'un autre objet "origine", pris comme référence, il nous faut 3 coordonnées, trois nombres, que nous appellerons x,y,et z. La distance d entre un objet et l'origine peut se calculer simplement grâce au théorème de pythagore : elle est telle que d2 = x2 + y2 + z2. On l'appelle la distance Euclidienne, du nom d'Euclide, un savant grec de l'antiquité, et on dit que l'espace est euclidien.
- Je sais cela.
- Mais l'espace-temps  de la relativité n'est pas euclidien, et de plus il est à quatre dimensions : il nous faut une quatrième coordonnée, que nous appellerons q, pour positionner un objet par rapport à un autre. Mais q n'est pas le temps, comme on pourrait le croire. En réalité on a q = i.c.t, où t est le temps, c la vitesse de la lumière et i un nombre "imaginaire" tel que i2 = -1. Dans un tel espace, les points sont des évènements : ils correspondent à "ici et maintenant" ou "là bas et à telle date". En relativité, on aime bien appeler s (et non plus d) la distance entre deux points-évènements. Et on obtient s2 = x2 + y2 + z2 - (ct)2. J'espère que vous avez noté le signe moins !
- OK. Mais où cela nous mène-t-il ?
- A ceci : On peut se représenter un tel espace en imaginant que la coordonnée q = ict mesure les intervalles de temps en "mètre de temps". Un mètre de temps, c'est la durée qu'il faut à la lumière pour parcourir un mètre. Soit environ 3,3 nanosecondes. La "distance" s définie ci dessus s'appelle la distance de Minkowski. En relativité, on l'appelle "temps vécu" ou "temps propre". Elle est reste contante quel que soit le référentiel !
- Un mètre de temps. C'est joli !
- Mais ce n'est pas tout : cet espace-temps est courbe. Qu'est ce que cela signifie ? Voici une façon très simple de se le représenter : imaginons que l'on cherche à atteindre une cible située à 10 m de nous avec un ballon, et avec une balle de fusil. Dans l'espace ordinaire, les trajectoires, représentées ci contre, sont très différentes. Avec un ballon lancé à 10 m/s, on peut atteindre la cible en faisant décrire au ballon une arche de 3m de hauteur, et le parcours du ballon durera une seconde et demie. Avec un fusil, qui tire des balles à 500 m/s, on peut attendre la cible avec un tir très tendu, faisant une arche de 0,5 mm de hauteur, et une trajectoire qui durera deux centièmes de secondes ; ou bien, en tirant presque verticalement, on peut faire faire décrire à la balle une arche de 12 Km de hauteur : notons qu'il faut être très bon tireur, et que l'on néglige les effets atmosphériques et la rotation de la terre ! A la limite, on peut atteindre la cible avec un photon de lumière, lancé à 300000 km/s. l'arche (qui existe bel et bien) est alors totalement imperceptible, le tir est quasiment rectiligne.
- Je vois, dis-je.
- Mais ajoutons la dimension temporelle et mesurons le temps en mètres de temps (figure ci-contre). Les courbures des trajectoires deviennent toutes les mêmes, que ce soit pour le photon, le ballon ou la balle de fusil !
- Oh ! Fis-je, étonné. 
Ce rayon de courbure est gigantesque : le centre de courbure se trouve presque à une année lumière ! Cette courbure uniforme, c'est celle qui est engendrée par la gravité terrestre : La matière courbe l'espace-temps, d'autant plus que cette matière est dense. C'est la raison profonde de ce fait qui avait stupéfié Gallilée : l'accélération d'un corps en chute libre (un kilo de plume ou une tonne de plomb) est toujours la même au voisinage de la terre :  1G. En réalité, c'est la courbure de l'espace-temps, due à la masse de la terre, qui crée cette accélération que nous appelons la pesanteur.
- Je crois que j'ai compris ce qu'est la courbure de l'espace-temps, dis-je finalement.
- Gut ! Et dans un trou noir, la gravité est tellement forte que le rayon de courbure de l'espace-temps devient identique au rayon du trou-noir lui même. La lumière tourne autour !
- ça à l'air si simple quand c'est vous qui l'expliquez.
Einstein sourit.
- Voila, je pense que vous avez tout compris !
- Je crois, dis-je. La matière crée de la courbure, et la courbure déforme l'espace-temps, de sorte que les géodésiques sont courbes. La lumière suit ces géodésiques, qui définissent des référentiels, comme nos  pointeurs lasers de tout à l'heure. Les corps matériels suivent des trajectoires dans ces référentiels, déformant en retour l'espace-temps. Mais les référentiels eux-mêmes doivent s'aligner sur ces géodésiques. Ils doivent devenir... bizarres.
- Ya ! Ils peuvent être penchés, tordus, et c'est pourquoi les équations sont si difficiles à résoudre ! Mais mes depuis que je les ai écrites, en 1915, aucune expérience physique n'a pu les contredire. Je suis fier de dire que ma théorie est, avec la mécanique quantique (que j'ai aussi contribué à créer), la plus parfaite théorie physique ! Adieu, cheune homme !
Surpris, je me rendit compte que j'avais fermé les yeux un instant, tout à mes pensées. Lorsque je les rouvrit, Einstein avait disparu !
- Adieu, monsieur Albert, dis-je. Et merci !

Sciences


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