Je vais parfois de façon un peu vite, associant des faits, des noms, des choses, avec une facilité qui devrait me sembler suspecte. Toulouse vient de battre Clermont-Ferrand en finale du championnat de France de rugby. Dommage pour Clermont, qui s'y voyait déjà. A la fin du match, le vainqueur a brandi le fameux bouclier de Brennus. Enfin, une réplique : cabossé par des soirées de victoires un peu trop mouvementées, l'original est en sécurité dans une vitrine de la Fédération Française de rugby.
Bon, mais qu'est-ce que c'est que ce fameux bouclier de Brennus ? Ça me fait tout de suite penser à Abraracourcix, le chef gaulois de la tribu d'Astérix, juché sur son bouclier. Puis à Brennus, chef gaulois de la tribu des Sénons, qui pilla Rome en 388 avant notre ère. Je m'arrête donc sur ce nom, version latine de Brennos. Son nom vient probablement de Brenn, mot gaulois signifiant chef. Son nom est peut-être différent, mais va savoir.
Donc, Brennos et ses guerriers fondent sur l'Etrurie (pays des Etrusques) pour piller les riches cités. Une embrouille avec des ambassadeurs romains venus à leur rencontre lui fait jeter son dévolu sur Rome. Quand il parvient à la cité, les habitants, prévenus, ont disparu. Seuls restent quelques sénateurs, campant sur place sur leurs fameuses chaises curules (regardez sur quoi est assis César dans Astérix…), que les Gaulois vont massacrer. Et les légionnaires, bouclés à double tour derrière les murailles du capitole. Débute alors un siège de sept moi, pendant lesquels les troupes de Brennos pillent et massacrent dans les environs, tout en essayant régulièrement de pénétrer dans le Capitole. Une tentative nocturne échoue à causes des fameuses oies, qui alertent les assiégés. Longtemps après, on entretiendra un culte déférent pour ces oiseaux, tout en vouant aux gémonies les chiens qui n'avaient rien vu ni entendu...
Les Gaulois s'impatientent, d'autant que les Romains font comme si le siège allaient durer une éternité. Un jour, ces taquins leur balancent des bouts de pain du haut des murailles, histoire de leur faire comprendre qu'ils ont encore largement de quoi bouffer. Brennos décide alors de transiger. Il propose de partir contre le versement d'une rançon conséquente, 327,45 kg d'or. Le chiffre est bizarre, mais ça tombait juste en équivalent de monnaie de l'époque, ne me demandez pas laquelle.
On va chercher une balance et on met des poids d'un côté, l'or de l'autre. Mais les Gaulois glissent discrètement quelques poids en plomb. Les Romains s'en rendent compte et commencent à rouspéter « De quel droit utilises-tu des poids truqués ? ». Brennus le prend mal et répond « Du droit des vainqueurs ». Puis il jette son glaive dans la balance du côté des poids et s'écrie «Vae victis » (Malheur aux vaincus).
Voilà, on a l'explication, notre bouclier de Brennus rappellerait cet épisode fameux. Et il conviendrait fort bien pour ponctuer ces affrontements guerriers.
C'est ce que je croyais. Et bien j'avais tout faux. Brennus était le surnom d'un certain Charles Brennus, né à Châteaudun le 30 novembre 1859, et mort au Mans le 23 décembre 1943. De son vrai nom Brennus Ambriorix Crosnier (ça ne s'invente pas), il exerçait la profession de maître graveur. Joueur, entraîneur arbitre, et plus généralement passionné, il fut le Président d'honneur de la Fédération française de rugby en 1921. C'est lui qui grava le fameux bouclier de Brennus, sur un dessin initial du baron Pierre de Coubertin, alors secrétaire de l'Union des sociétés de Rugby. Le Bouclier de Brennus fut créé en 1892 pour récompenser le vainqueur de la première finale du Championnat de France de Rugby qui eut lieu le 20 mars de cette année-là.
Je copierai donc cent fois « Je dois réfléchir avant de faire des rapprochements hâtifs uniquement pour faire le malin ».
Sources :
- Wikipédia : Fiches sur Brennus, les oies du Capitole
- Histoire du Scuf, club de Charles Brennus
Photos : AFP/20 minutes, SCUF