L’expédition straumlienne est tombée sur un trésor aux confins de la Galaxie : une mine de programmes inconnus dans les Archives d’une civilisation disparue.
Mais, en l’explorant, elle éveille une Perversion, une Intelligence Artificielle qui ne songe qu’à soumettre et à détruire. Toutes les civilisations. Toutes les formes de vie.
Deux enfants parviennent à s’échapper. Ils emportent avec eux le seul remède possible. Mais ils sont incapables de diriger leur navire…
Parmi les mille et une définitions proposées de la SF figure en bonne place celle affirmant que « la science-fiction, c’est de la fantasy avec des boulons » et que, sauf erreur de ma part, formula le premier Terry Pratchett (1948-2015), par ailleurs un auteur de grande valeur que l’on vit mieux inspiré plus souvent que le contraire. À sa décharge, on peut rappeler qu’aux origines troublées du genre se firent de nombreux amalgames avec toutes sortes d’espèces cousines, comme dans le Cycle de Mars d’Edgar R. Burroughs (1875-1950) ou bien les Légendes du mythe de Cthulhu de Howard P. Lovecraft (1890-1937), entre autres. Les premiers récits de SF, en effet, parurent dans des pulps et souvent intercalés entre deux autres histoires appartenant à la fantasy ou au fantastique.
Si des distinctions nettes s’opérèrent assez vite, le grand public resta néanmoins hermétique au genre, pour des raisons qui n’ont pas leur place ici, et le succès de La Guerre des étoiles (Star Wars ; Georges Lucas, 1977) vint à point nommé pour ajouter de la confusion là où elle n’était pas nécessaire. Car avec son antagoniste majeur doté de pouvoirs en apparence magiques, sa princesse de l’espace prisonnière dans une forteresse, son contrebandier au grand cœur et son principal protagoniste apprenant l’usage d’une épée de lumière sous l’égide d’un vieux sage vêtu comme les mages d’antan, ce premier Star Wars présentait bien sûr tous les aspects de l’heroic fantasy transposés dans un univers de space opera. Ainsi s’imposa une vision du genre SF qui perdure encore auprès d’un certain public.
Voilà pourquoi on s’étonne de voir Vernor Vinge commettre Un Feu sur l’abîme car non seulement il n’en était plus à l’époque à son coup d’essai mais de plus il avait déjà démontré une fine connaissance du genre comme un réel talent d’écrivain ainsi qu’un intérêt marqué pour le thème de la singularité technologique, alors bien peu répandu. En bref, rien ne le prédisposait à s’enliser de la sorte dans cette épopée spatiale à l’exotisme certes loin des pulps déjà évoqués mais dont les fondements ne trompent personne : on retrouve bien là le vieux cliché de l’ancien mal jadis vaincu et à présent réveillé par des ignorants en quête de pouvoir, qui se jette à nouveau à la conquête de l’univers alors qu’un groupe d’aventuriers tout ce qu’il y a de plus hétéroclite se met en quête du seul moyen de vaincre ce terrible adversaire.
Il suffit de remplacer l’univers en question par n’importe quel royaume, qu’il s’agisse des Terres du milieu ou je ne sais quoi d’autre du même acabit, et on obtient le sempiternel récit manichéen dans la pure tradition du médiéval fantastique le plus classique – et ce, sans même évoquer le monde des Dards, une espèce de chiens télépathes encore au stade technologique du Moyen Âge, quel curieux hasard… Quant au reste, on y trouve une espèce d’aventure spatiale plus ou moins bien assez camouflée sous quelques bonnes idées pour à peu près parvenir à donner le change, sauf que ces divers axes s’avèrent bien trop mal exploités pour éviter à l’intrigue de se perdre dans la facilité du cliché parmi les clichés : la course-poursuite à travers les étoiles.
Livre bien trop souvent plébiscité par des gens qui feraient sans doute mieux de revoir leurs classiques pour se rappeler quelle direction doit éviter une SF prétendant à une certaine qualité, Un Feu sur l’abîme connut un succès inversement proportionnel à son intérêt et qui ne se dément toujours pas.
À vous de faire votre choix maintenant…
Note :
Ce roman ouvre le cycle Zone of Thoughts, qui se poursuit avec Les Enfants du ciel (The Children of the Sky, 2011) puis Au Tréfonds du ciel (A Deepness in the Sky, 1999).
Récompense :
– Hugo, catégorie roman, 1993
– Nebula (nominé), catégorie roman, 1992
– John W. Campbell Memorial (nominé), catégorie roman, 1993
– Locus (nominé), catégorie roman, 1993
Un Feu sur l’abîme (A Fire Upon the Deep), Vernor Vinge, 1992
Livre de Poche, collection Science-Fiction n° 7208, septembre 2005
800 pages, env. 8 €, ISBN : 978-2-253-07208-9