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Extrait du livre de Aiko Sato (Japon)

Publié le 26 août 2017 par Goure

Dans le journal Le Monde j’ai aimé une page sur les séniors nippons. Je vous en propose un extrait:
UN EXTRAIT DE « QUATRE-VINGT-DIX ANS, PAS DE QUOI PAVOISER »

« Même calculer mon âge est fatigant. Quatre-vingt-dix, quatre-vingt-onze… Quelle importance ? L’âge n’est pas le problème. Autrefois, c’était simple. On avait un an de plus au Nouvel An. Quand on était né un 28 décembre par exemple, on avait déjà 1 an. On me demande mon âge, et je suis obligée de triturer mon cerveau. L’âge est peut-être important pour une jeune femme, mais pour une vieille dame comme moi, un an de plus ou de moins… Comme je parle fort, tout le monde pense que je vais bien. Et on me demande des conférences, des interviews, mais je n’en ai pas la force. Alors, je parle faiblement, et on me demande de répéter : ça m’agace et je me remets à reparler fort (…).

Dans les pages des lecteurs des grands journaux, des femmes demandent conseils parce que leur mari est violent ou les trompe, leur belle-mère est désagréable ou leur fille a un copain qui leur déplaît… Les Japonaises sont plus indépendantes, plus fortes, gagnent leur vie : on dit qu’elles sont les égales de l’homme. A lire ces demandes de conseils, on peut avoir des doutes. Une copine m’a dit : cette perte de force intérieure, c’est le piège de la paix.

Le cauchemar des vieux… Ma télé ne marche plus. J’appelle. Un technicien vient. Tripote la télécommande. En dix secondes, ça remarche. Facture 4 500 yens (40 euros). Je m’insurge. C’est le coût du déplacement… L’électricité de ma maison de campagne a continué à marcher alors que je n’y étais pas. Je me plains. Un technicien vient. Il me dit que j’avais oublié de couper. C’est faux. Je l’ai bien coupé. Mais mon compte bancaire est déjà débité. C’est la rationalisation de la gestion, m’est-il répondu.

Je vais aux toilettes dans le grand magasin Mitsukoshi. Quand j’ai voulu tirer la chasse d’eau, je me trouve devant une batterie de boutons mystérieux. Je vois un fil avec une boule rouge. Je tire et retentit alors la sonnerie de l’alarme… Je ne vais plus aux toilettes que chez moi. (…)

Avec un smartphone, la vie est simplifiée. Pour moi : c’est incompréhensible. Je lis dans le journal que le temps du trajet du train à grande vitesse Shinkansen entre Tokyo et Osaka a été réduit de trois minutes. Et alors ? Pourquoi vouloir à tout prix aller plus vite, être plus efficace ? C’est comme si les progrès techniques allaient de pair le manque de considération pour les vieux.

Vivre longtemps est pénible. Je pleure sans être triste, mon cerveau marche au ralenti, mes genoux fléchissent et j’ai envie de dire « laissez-moi tranquille ! ». Mais à qui ? Aux dieux ? A moi-même ? (…) Les jeunes marchent vers leurs rêves. Nous, les vieux, vers la mort (…) Nos rêves, à nous les vieux ? Mourir d’un coup. C’est triste comme rêve. »

(Traduit du japonais par Philippe Pons)

« Quatre-vingt-dix ans, pas de quoi pavoiser », Aiko Sato (Shogakkan, non traduit, 2016).
Une série en six chapitres


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