The Young Lady (2016), William Oldroyd

Par Losttheater

Le silence est assourdissant dans le paysage isolé de The Young Lady, le premier long-métrage de William Oldroyd. Ce cruel, viscéral et vilainement subversif film d’époque semble tout droit sorti d’une histoire des sœurs Brontë. Un film alarmant qui refuse d’anéantir la peine psychologique et physique bien qu’il y ait une beauté sur mesure pour la mettre en œuvre. Audacieux dans sa forme, son ton et son idéologie, c’est un des meilleurs films de l’année.

Le drame d’Oldroyd s’ouvre avec un mariage, qui force l’adolescente Katherine (Florence Pugh) à prendre la main d’un homme deux fois plus âgé qu’elle. Grossier et méprisant, il est encore plus cruel lors de la présence de son père ajoutant une peine supplémentaire à leur union sans amour. On suit au jour le jour la vie mondaine de Katherine dans le manoir du 19ème siècle : elle se lève, elle traîne sur le sofa et se prépare pour la soirée où elle devra assouvir les désirs de son mari. Un jour, alors qu’elle se retrouve seule dans le manoir, elle entreprend une liaison avec Sebastien, un jeune palefrenier qui travaille sur les terres de son mari. Elle devient vite obsédée par le jeune homme et cette relation se transforme en un catalogue de corruption, la menant à d’affreuses conséquences.

Adapté du roman de Nikolai Leskov datant de 1865 « Lady Macbeth of the Mtsensk District », la dramaturge Alice Birch a déplacé le récit de la Russie au Northumberland et l’a texturisé en un conte épars et absorbant. Ce texte minimaliste assure que le dialogue est fracturé tandis que le langage corporel est intensifié. Sa prose fait ressortir le froid et l’environnement complet dans lequel nous sommes restreints, et s’assure que chaque souffle soit authentique et intentionnel. En à peine 89 minutes, pas même un simple cadre n’est gâché. Oldroyd ne présente pas ici que sa capacité technique, il prouve aussi que The Young Lady est un vrai travail de fiction : c’est une histoire classique, remodelée de manière post-moderne. Un film noir victorien, intransigeant et parfumé, et pourtant contemporain et traditionnel. La juxtaposition de styles si vastes et différents, établis avec une telle dextérité, fait de ce premier film un travail impressionnant.

Les larges choix esthétiques sont également admirables, notamment l’utilisation très délicate du son. Avec si peu de personnages occupant un très grand décor, chaque son est amplifié. Le brossage des cheveux, le crépitement des pas sur la cage d’escalier, le grincement corrosif des volets et des portes. Le monde de The Young Lady hurle, et pourtant il est à peine audible. De bien des façons, la maison est symbolique de Katherine elle-même : elle est tellement plus imposante et bruyante que ce que l’on voit, ou ce que l’on croit savoir. Son isolement devrait suffire à son silence, mais éventuellement la façade volera en éclats, et le volume va sauvagement augmenter. Le peu de moments occupés par une musique orchestrale sont ironiquement appareillés avec les séquences d’angoisse ou de supplice.

Peut-être que le plus grand accomplissement est cependant celui de Florence Pugh, qui livre une performance centrale brillamment calculée. Sa monstrueuse et complexe interprétation est une œuvre d’art en soi. Elle livre un portrait écharné et pathétique de douleur et de psychose. Tout au long du premier acte, le spectateur ressent de l’empathie pour sa souffrance et l’on voudrait qu’elle brise les chaînes restrictives étranglant sa vie. Mais au moment d’entrer dans le troisième acte, une idée complètement différente émerge, elle est indisciplinée, venimeuse et maniaque. Nous sommes pourtant toujours attachés à son charisme mortel même si les temps ont changé. Katherine est une tempête piégée dans une tasse de thé, qui avec chaque agitation de cuillère devient de plus en plus agitée.

William Oldroyd possède un ton cinématographique rigoureux qui mérite d’être vu, et il a sûrement fait de Florence Pugh une star. Ce premier film aborde les thèmes de classe, de race, de genre et de crime avec une telle précision que vous vous demanderez comment cela s’entasse dans une œuvre si minimisée et nuancée. The Young Lady est simplement du cinéma remarquable : pertinent, désarmant et immanquable.

L’article The Young Lady (2016), William Oldroyd est apparu en premier sur The Lost Movie Theater.