Tous les weekends de ce mois d’août, à Paris, le Black Movie Summer prend ses quartiers à La Bellevilloise. Pour cette huitième édition, l’association Black movie entertainment a concocté une riche programmation cinéma entourée de stands de créations et d’espaces ouverts au partage et à la rencontre. A l’honneur cette année, la thématique de la royauté africaine. Reportage.
Nous sommes au mois d’aout à Paris, période où les rues tendent à se vider en raison des congés estivaux. En ce dimanche, une centaine de personnes défilent tout au long de la journée dans l’espace extérieur du lieu culturel La Bellevilloise à Paris. L’entrée est libre, toutefois une jeune femme nous indique que nous pouvons soutenir l’association ou acheter un magazine Negus. Celui de ce mois-ci est consacré à : « A qui profite la culture noire ? ». Si on jette un regard au fond de la cour voilà l’espace dédié à la projection des films, précédé de plusieurs stands. Nous assistons à deux journées de ce festival conçu sur un mois, et présent tous les weekends. Festival créé en 2010 par l’association Black Movie Entertainment, le Black Movie Summer en est à sa huitième édition. Chaque année, il propose des courts métrages réalisés et/ou mettant en scène des talents issus de la diaspora africaine. Pour cette édition 2017, une cinquantaine de films et court-métrages made in Afrique, Europe, Antilles mais aussi Amérique du Sud et Etats-Unis renseignent des nouveautés les plus palpitantes de la scène cinématographique afrodiasporique, qu’il s’agisse de fictions, documentaires ou fantasy (on mentionne, entre autres, Maman(s) de Maïmouna Doucouré, Les misérables de Ladj Ly, Twaaga de Cédric Ido…).
S’il s’agit avant tout d’un festival de cinéma, Black Movie Summer se démarque des évènements du genre par un espace ouvert à plusieurs boutiques ambulantes. L’occasion, entre deux projections, de se faire tresser avec des coiffures ancestrales ou de se faire reprendre les locks grâce aux professionnelles Nadeen Mateky et Afrikann Omari. L’occasion aussi d’apprendre à nouer le foulard selon les enseignements de « Stefy et sa mère », créatrices de la marque Pallaya. L’association Awalé propose quant à elle d’apprendre ou simplement de jouer à ce jeu de stratégie sur plateau présent dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, et des séances de Yoga Kémite permettent de se détendre grâce à des mouvements physiques combinés avec la respiration profonde et la méditation contrôlée. Une pratique qui s’imprègne de la philosophie des grands sages de l’Egypte antique.
Gaël Rapon
Des stands de bijoux, accessoires, vêtements, produits de beauté et culturels emplissent aussi l’espace avec la spécificité d’être fabriqués à partir de wax comme les boucles d’oreilles de la jeune marque ML Kréation d’Emelle Ka, ou de promouvoir des slogans engagés comme la marque Afrikanista de Aïssié N’diaye présentant sa nouvelle collection de T-Shirts. Ou encore d’inviter à essayer l’huile d’ylang ylang grâce à la marque Azuri d’Alain Hamada. Et puis Virginie Ehonian est également de la partie pour présenter le concept de sa Nooru Box : boite de produits culturels valorisant la diaspora africaine. Notre regard est tiraillé entre kimono en wax, chokers aux fermetures argentées, bandeaux et sacoches en coton, huiles parfumés et livres, mais à leurs côtés d’autres aimants capturent notre attention : des stands de bissap, de jus multi-fruits, des glaces artisanales caribéennes (« Soubella ») ou de la nourriture indienne et thaïlandaise. Une bonne ambiance musicale anime les après-midi du festival: nous avons pu assister à plusieurs dj set, notamment celui du groupe Le colon avec ses sounds afro-électro, afro-house et afro-beat ou le live de Mai Hi, voguant entre nu soul, trip-hop et R&B. La DJ Cheetah était également de l’une des après-midis.
Queers, queen de la soirée
Et chaque journée est ponctuée d’une conférence. Nous assistons à celle intitulée ; « Qu’en est-il de la représentation des Afro-queer au cinéma ? ». Le débat, animé par la photographe Estelle Prudent, le réalisateur Stéphane Gérard et la critique cinématographique Fanta Sylla[1] traverse les époques et les continents en questionnant l’hétéronormativité, la mise en image de l’exclusion et la marginalisation des minorités selon leur origine, leur orientation sexuelle et les choix de genre. Et comment envisager le travail artistique de quelqu’un qui ne fait pas partie de la communauté des afro-queers ?
Gaël Rapon
Le focus a été placé sur Paris is burning, premier documentaire historique sur la pratique de la dance par des personnes gay et transgenre d’origine latino e afroaméricaine à New York. Pionnier sur les thématiques intersectionnelles, ce film a été réalisé par Jennie Livingston, définie par Fanta Sylla comme « la seule réalisatrice blanche qui filme bien les corps des noirs. « Si ce n’est pas un film de résistance ce n’est pas un film queer » affirme de son côté Stéphane Gérard. Les invités conviennent sur le fait que classer ces films dans un « genre » spécifique ne leur rend pas service, car on pourrait s’attendre à des thématiques récurrentes, alors qu’il est question de mouvement, de perpétuelle transformation. Témoins de ce changement, les films programmés dans la soirée, tel que le 2ème épisode de websérie Brown girls de Fatimah Asghar et Sam Balley (Etats-Unis) ou le film Hell or High Water de Asurf Oluseyi, situé au Nigéria, qui nous rappelle à quel point c’est important de regarder en dehors de la société occidentale, comment se déploient les luttes à l’acceptation et reconnaissance de l’homosexualité.
[1] On trouve les papiers de Fanta Sylla sur Atoubaa, Les Inrocks, Reverse Shot, Sight & Sound, TIFF.