Mademoiselle à la folie ! de Pascale Lécosse 4,5/5 (07-08-2017)
Mademoiselle à la folie ! (125 pages) est sort le 17 Août 2017 aux Editions de la Martinière.
L'histoire (éditeur) :
Catherine danse au sommet de sa vie. Fantasque et admirée, elle a embrassé les acteurs les plus séduisants, joué dans les plus grands films. Elle aime les autres éperdument et distraitement. Jean, son amant éternel, ministre dûment marié. Mina, son assistante, sa confidente, sa meilleure amie. Mina qui ne lui passe rien, Mina qui lui permet tout. Pourtant, un jour, les coupes de champagne à onze heures du matin, les coups de tête irrésistibles : même Catherine n’y comprend plus rien. Tout va trop vite, tout s’embrouille. Mina fera tout pour protéger Catherine de la maladie qui ne dit pas son nom. Car Mademoiselle veut jouer son rôle jusqu’au bout. Un peu, beaucoup, à la folie.
Mon avis :
Petit (125 pages) mais grand roman, Mademoiselle, à la folie ! se déguste d’une traite. Prise d’affection pour Catherine Delcour, comédienne quarantenaire de renom pleine de panache, un peu fantasque, égocentrique et capricieuse, et pour son assistance Mina et entraînée par ces mots de Pascale Lécosse je n’ai pu quitter ce récit tragique et beau qu’une fois la dernière page tournée.
Catherine n’est aujourd’hui plus la même. Elle aime toujours autant l’effervescence de sa vie professionnelle et sa vie personnelles ponctuée par la présence de Jean (ce ministre de la culture mariée avec qui elle entretient une relation depuis plus de quinze ans), mais elle sent que quelque chose peu à peu s’efface. Comme si un peu d’elle disparaissait, elle enchaine les moments de lucidité aux absences répétées et aux moment de confusion.
Heureusement, Mina Flamand, assistance devenue très vite son amie, est à ses côtés et son attachement (autant que son respect) reste indéfectible. Et, pour palier ses craintes, inattentions et sa paranoïa croissantes, Mademoiselle Delcour s’est enticher d’un petit carnet bleu dans lequel elle consigne tout, ou presque. Tout ceci sera pour autant suffisant ?
« Je préfèrerais de beaucoup mourir avant elle.
Ce sont les premiers mots que j’ai écrits dans mon calepin neuf, pour fixer ma mémoire trouée. » page 13
Mademoiselle, à la folie ! est un joli livre mélancolique sur la folie qui tombe sans prévenir (ou presque), sur la solitude de deux femme face à celle-ci et sur une amitié inébranlable.
« Elle est mon souffle d’énergie qui me redonne la force de croire que tien n’est perdu, pas même nos souvenirs. » Page 53
« Je voudrais terrasser ses excès de colère pour faire renaître sa véritable nature, son énergie. Je tuerais sa mélancolie toute nouvelle pour revisiter sa joie de vie. Si je le pouvais, je retiendrais pour elle le temps qui file et je l’enfermerai avant qu’il ne nous détruise. Je lui donnerais mes souvenirs en remplacement des sens mais la vérité, c’est que je ne peux rien, rien du tout. » Page 80
Il y a là un délicat mélange de dialogues, des monologues décalés et des réflexions et visions justes sur la maladie. La lecture est très agréable car le rythme est présent et surtout on ne tombe jamais dans le pathos. Pascale Lécosse nous épargne le larmoyant inutile mais dose harmonieusement ce côté pétillant propre à Catherine, le regard grinçant de Mina face à Jean l’amant qui profite sans se soucier (« Il s’étonne de ses troubles quand je m’en inquiète. Il l’applaudit aux premières quand je l’encourage aux répétitions il est là-bas quand elle est ici, il est ses nuits blanches, je suis ses nuits d’encre. » Page 60) et encore cette patience mise à rude épreuve qui finit toujours pars’envoler.
« Je voudrais revoir Mina, pour qu’elle e dise avec qui je suis, avec qui je vais et vers quoi. C’est pénible sans elle. Le temps me pèse, m’écrase, ratatine mon existence déjà rétrécie. Je me réduis sans me dissoudre tout à fait…Je ne me résous pas encore... et pourtant à quoi bon continuer ? Aurais-je la force de bouter cet ennemi sournois qui envahit mon intelligence pour s’emparer de ma liberté ? » Page 50
Ce récit à deux voix (victime et soutien) est un beau titre où la légèreté côtoie la gravité. J’ai été transportée dans la vie de la comédienne et dans son évolution inexorable dans la maladie (dont le sujet, jamais nommé, n’est que survolé), touchée par une Mina incroyablement forte et patiente, et j’ai parcouru ces pages le sourire aux lèvres mais aussi avec quelques pincements au cœur…
Pascale Lécosse signe un premier roman frais, dans lequel sa Mademoiselle, digne, jouera son rôle jusqu’à la fin.
« - Ah ! je te retrouve…
- Veinarde, moi je me perds. A la scène, j’ai joué mille vies pour finalement passer à côté de la mienne. Au fond, je n’ai que toi.
Je ne sais pas si je dois interpréter ces paroles comme un regret ou comme une énième coquetterie nourrie de mégalomanie. Je choisis de les recevoir comme l‘aveu pudique de l’infinie tendresse qu’elle me porte et que je lui rends si sincèrement. » page 100