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A Sartrouville, l’encombrant général Richepanse

Publié le 23 août 2017 par Halleyjc
Par LIBERATION Pierre Carrey —  A Sartrouville, l’encombrant général RichepanseA Sartrouville, l’encombrant général Richepanse Photo DR

Cet officier napoléonien fut envoyé, lors du rétablissement de l’esclavage en 1802, réprimer une révolte en Guadeloupe. Malgré cet acte sanglant, une rue des Yvelines porte toujours son nom.

  •  A Sartrouville, l’encombrant général Richepanse

A Basse-Terre, en Guadeloupe, la tombe du général Richepanse regarde vers l’océan. C’est un sarcophage de pierre, gravé d’une mention exaltée : «Mais combien n’a-t-il pas vécu pour la gloire et la patrie !» Hommage à un grand militaire de la Révolution française et de l’avènement de Bonaparte, dont le nom est aussi buriné sous l’Arc de triomphe à Paris. Problème : Antoine Richepanse (1770-1802), parfois orthographié Richepance, fut envoyé par le consul Bonaparte sur cette île des Antilles pour y rétablir l’esclavage.

A la tête de 3 500 hommes partis de Brest, il s’est battu contre une population qui avait été affranchie par les lois de la République en 1794 et qui, si elle continuait parfois à travailler auprès de ses anciens maîtres, refusait de porter à nouveau les chaînes. Le nombre de morts causés par cette expédition n’est pas évalué avec précision, mais Richepanse n’aurait pas fait de quartier avec les prisonniers, dont certains furent déportés vers la Colombie et moururent en route. Peu après sa victoire, Richepanse est emporté par la fièvre jaune et inhumé sur place. Précisément dans le fort qui fut par la suite nommé Louis-Delgrès, d’après son adversaire, le porte-drapeau des esclaves, qui préféra se faire exploser avec des barils de poudre et 300 compagnons plutôt que se rendre aux armées du Consulat. Cette sépulture constitue un «monstrueux paradoxe» pour le Liyannaj Kont Pwofitasyon (LKP), le parti indépendantiste guadeloupéen, qui exigeait en 2014 que la population locale cesse de payer pour l’entretien du monument. «La France doit rapatrier les restes», ajoutait Elie Domota, le leader du LKP.

Or la métropole n’est plus du tout encline à encenser le général, surtout depuis la loi Taubira de 2001 reconnaissant la traite et l’esclavage comme des crimes contre l’humanité. Dès l’année suivante, Bertrand Delanoë a débaptisé la rue Richepanse à Paris, alors que la mandature de Jean Tibéri s’y était déclarée hostile en 1998. Cette artère, qui délimite les Ier et VIIIe arrondissements, s’appelle désormais rue du Chevalier-de-Saint-Georges, en reconnaissance à ce musicien d’origine guadeloupéenne. Metz, ville de naissance de Richepanse, suit l’exemple parisien et efface en 2014 la plaque de son ex-héros pour célébrer à la quai Paul Wiltzer, avocat local.

Reste Sartrouville. La commune des Yvelines est la dernière de France à posséder une rue Richepanse. Contactée par Libération pour savoir si elle envisageait de conserver cette appellation ou si elle allait la changer, la mairie n’a pas retourné nos appels. «Je n’ai jamais entendu parler de débat dans la ville sur ce sujet», témoigne Bruno Bordier, un riverain. Cet habitant de Sartrouville, qui «n’avait jamais fait le lien» entre sa rue et le tortionnaire en Guadeloupe, estime qu’il «faudrait porter le débat, que les gens sachent que ce n’est pas glorieux.» 

Antoine Richepanse

« l’un des plus braves généraux de la République5 », il est aussi célébré comme un héros de l’Empire puisque son nom est gravé sous l’arc de triomphe de l’Étoile à Paris (pilier EST) et que son fils a été anobli à l’âge de onze ans par Napoléon Ier en reconnaissance des services de son défunt père.

Pierre Carrey


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