"Le meilleur moyen de n'avoir besoin de personne, c'est de rayer tout le monde de sa vie!"
-Bérénice Einberg
Tu m'as fait naître Réjean Ducharme.
Vers 1987. Quand madame Rose-Aimée nous as obligés à te lire. Après, te lire et t'aimer est devenu tellement facile. Je t'ai tout dévoré. Adulescent, enfantôme. Et te digérerai toujours. Qui croque qui dans ce quiproquo?
Quand l'amour ce n'est pas quelque chose, c'est quelque part (7). Tu t'y est envolé. Retrouver Claire qui t'avais montré le chemin l'été dernier. Jongleur de l'aphorisme, étoile somnambule du monde littéraire Québécois et francophone du monde entier, ton départ m'a fait pleuré. Absurdement. Puisque la plupart du temps, on pouvait te penser mort. Puisque si anonyme. Mais libre. On est pas homme si on est pas libre et pas libre si on ne jouit pas de sa liberté, si on ne s'en sert pas, pour décider, se constituer, puis lutter pour se garder et grandir (2). Sur ce dernier point, tu es mon parfait guide.
Tu es ma lumière.
Était.
Restera.
Une large partie de moi est habitée de tes mots. De ton imaginaire. J'ai tes 9 livres (-1), vu tes deux films, entendu tes chansons, lu tes pièces (-2). Tu nous as fait cadeau de deux-trois photos. Et de ses deux-trois photos tu as choisi de nous offrir l'hiver. L'Hiver de Force. Ce si bel hiver qui j'aime de tant de frissons. Et un chien. Parce que chienne de vie.
Tu m'as fait comprendre que la vie ne se passe pas sur terre. HA! à moi, un martien vampire! mais qu'elle se passe dans la tête (3). Tu a surpeuplé la mienne pour toujours. Tu es immortel. Depuis 51 ans. Je n'ai que 30 ans en ta compagnie, mais tu seras extraordinairement longtemps en moi. Jusqu'à ma propre mort. Tu es de mon ADN. Tu pullules dans mes veines. Je m'autoinjectes ton talent dans les yeux quelques fois par année. Encore l'an dernier, je t'ai entièrement revisité (-3).
Dans tes livres, les enfants cherchent les secrets des adultes (4) et en grandissant, un enfant s'use (5).
Le bonheur, c'est d'être fidèle aux aspirations de son âme. C'est d'être assez brave et assez fier pour écouter les voix qui montent de l'âme et obéir à la plus belle. (6)
Je pourrai choisir de te citer tout le temps jusqu'à la fin de mon temps.
Mais la fin de mon temps reste loin. Toi, tu es parti sur un papillon dans la nuit de lundi à mardi. Après 76 ans de liberté sur terre. Une libellule volant vers plus Claire. Tu as gardé ta poétique du débris dans ton baluchon, Roch Plante.
Tu ramassais tout, parce que la vie te parlais d'une certaine manière et que tu avais choisi de lui répondre de la tienne. D'une manière somptueuse. Géniale et hygiénique. Le début de l'hygiène, c'est haïr les microbes des voisins (8).
En 1966, tu avais 25 ans. Déjà on voulait te monumenter. Tu as dit non aux menus menteurs. Tu séviras 9 fois en livres, 4 fois en théâtre, 2 fois en cinéma, plusieurs fois en musique, tu étais géant invisible et monstre sacré.
Tu étais beaucoup de ma vie.
Tu m'as fait naître et me fera mourir.
Bowie l'an dernier,
Reggie cet été, tu l'as dit Mamie, la vie, y a pas d'avenir là-dedans, il faut investir ailleurs (1).
À 15h16 hier, j'apprenais ta mort. Même le ciel en a pleuré démesurément. J'ai le coeur gros depuis.
Je suis atrabilaire. Ta mort me rend valétudinaire.
Mais tu fleurira toujours en moi. Tu es ma flore laurentienne.
Tu seras mon ange qui fera le paradis buissonnier*.
Merci planète terre pour le petit gars de St-Felix-de-Valois.
(1) Dans Va Savoir
(2) Dans Dévadé.
(3) Variation d'une ligne dans L'Avalée des Avalés.
(4) Variation d'une ligne dans Le Nez Qui Voque.
(5) Dans l'Oécantume.
(6) Sans équivoque dans Le Nez Qui Voque.
(7) Toujours dans Le Nez Qui Voque.
(8) Dans L'Hiver de Force.
(-1) Sauf La Fille de Christophe-Colomb
(-2) Sauf Le Cid Maghané et Le Marquis Qui Perdit
(-3) Pas relu encore Dévadé, Va Savoir et Gros Mots
* Dans mon coeur